Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Venue sur une île de la Méditerranée
pour se ressourcer, Lucia pleure le décès de son amant et entreprend une
quête intime qui va l'emmener au fil de ses rêves, de ses souvenirs et
de ses rencontres à lever le voile de ses mystères et à découvrir les
aspects troubles de son ancienne relation amoureuse.
Julio Medem signe avec Lucia et le Sexe un film en réaction à son précédent et magnifique Les Amants du Cercle Polaire
(1998). Ce dernier partait d'une note romantique innocente avec cette
romance enfantine de deux âmes sœurs qui passeraient leur vie à se
chercher et se terminerait sur leur réunion aussi poétique que tragique.
Medem décide pour son film suivant de fonctionner de manière inversée,
de partir du drame et du désespoir le plus total pour voguer
progressivement sur une atmosphère et un ton plus lumineux. C'est
d'ailleurs assez paradoxal, les drames auxquels font face les
personnages sont ici bien plus terribles que dans Les Amants du Cercle Polaire mais le film est finalement plus optimiste. La structure narrative reprends d'ailleurs celle des Amants
avec ce chapitrage, ces bonds dans le temps du point de vue d'un
personnage où d'une thématique mais avec une complexité plus grande.
Le film s'ouvre sur une discussion téléphonique douloureuse entre Lucia
(Paz Vega) et son amant Lorenzo (Tristan Ulloa). Ils se sont quittés sur
une dispute et Lucia le sentant au plus mal moralement rentre chez eux
avant qu'il ne fasse une bêtise mais trop tard, Lorenzo est mort
renversé par une voiture. Folle de douleur elle s'enfuit et décide de se
réfugier dans une île de la Méditerranée pour se ressourcer. Cette île
rattache le seul souvenir qui lui ait jamais ravit l'amour de Lorenzo,
puisque six ans plus tôt il y connu le soir de son anniversaire une
torride aventure avec une inconnue qu'il ne revit jamais et qui s'avère
être Elena (Najwa Nimri héroïne des Amants du Cercle Polaire
) tenancière de l'auberge où réside Lucia. La narration va ainsi se
partager entre les moments solaire et onirique sur l'île où les
personnages tentent de se reconstruire et des flashbacks dépeignant les
amours et douleurs passés dans un récit choral alors que l'on pensait
voir la seule Lucia au centre des évènements.
Avec une audace de tous les instants, Medem déploie là le romantisme le
plus total, la sensualité la plus torride et laisse éclater son penchant
pour les rebondissements et les coïncidences les plus
abracadabrantesques, qui seraient ridicule chez tout autre mais d'une poésie
envoutante chez lui. La première rencontre entre Lucia et Lorenzo donne
le ton, avec une Lucia abordant de manière totalement décomplexée et
naïve l'homme qu'elle aime immédiatement sous le charme. L'étreinte
nocturne entre Lorenzo et Elena en mer et sous une pleine lune éclatante participe également à cette tonalité.
Chez Medem, le
sexe est une fête, une libération s'ouvrant à tous les excès, à
l'abandon de soi le plus complet et le réalisateur fait preuve d'une
crudité surprenante avec les coïts sauvages, torrides et inventifs entre
Lucia et Lorenzo. Paz Vega est à ce titre une sorte d'idéal féminin que
Julio Medem n'a de cesse de mettre en valeur. Passionnée, torturée et
charnelle, c'est un nid d'émotion à vif dont le bouillonnement pousse à se mettre à nu constamment, au propre comme au figuré. L'île constitue un personnage à par entière, où la tristesse se déploie dans ses falaise à perte de vue, où l'on tente de tout oublier en chutant dans ses crevasse, en se noyant dans son sable...
On avait deviné le goût de Medem pour Douglas Sirk (voir Claude Lelouch peut-être aussi) dans Les Amants du Cercle Polaire,
il s'affirme encore ici. Ces hasards et coïncidences ont autant de
charmes que d’effets négatifs, le drame naissant ici de la découverte de
Lorenzo d'une fille née de son aventure passagère. Poursuivant cette
émanation du passé il est entraîné dans une relation étrange avec la
baby-sitter Belen (Elena Anaya qui retrouvera Medem dans Room in Rome)
et qui débouchera sur un drame traumatisant. Comme le revers d'une même
pièce, le sexe devient là tout aussi moite et fantasmatique mais baigné
d'une aura trouble avec ces allusions au porno, à des liaisons
dérangeantes (Belen se partageant son beau-père avec sa mère).
L'aspect le plus fascinant reste cependant l'ode à l'imagination et au pouvoir du récit que propose Medem. Dans Les Amants du Cercle Polaire,
la destinée, le karma semblait guider toutes les actions des héros
forcément amenés à se retrouver mais se jouait cruellement de nous dans
son tragique mais logique final. Ici ce n'est pas une force supérieure
qui guide les héros de Medem, mais leur seule volonté. Le personnage de
Lorenzo qui est écrivain est un double du réalisateur et les évènements
de sa vie contaminent autant ses ouvrages que l'inverse.
Medem nous perd
ainsi dans des séquences rêvées (mais pas toujours évidente à deviner)
où Lorenzo s'insère dans les histoires qui lui sont rapportées,
transforme et invente ses propres souvenirs (les scènes où il imagine
avouer leur lien à sa fille) dans un jeu narratif ludique jusqu'au
traumatisant drame qui se révèlera en fragment et cause du mal-être du
début de film.
Si ce pouvoir du narrateur plonge ses personnages dans le tourment
(Lorenzo et les évènements terribles qu'il provoque/ Medem et le final de
son film précédent qu'il regrette), il peut aussi guérir leurs maux. Le
final accumule ainsi les péripéties et révélations qui vont réunir tout
le monde sur l'île, centre de toutes les passions, avec toujours ces
transitions inattendues (Elena qui reconnaît son amant d'un soir en un
regard). Mais tout cela resterait bien conventionnel sans une dernière
idée de génie.
Sans trop en dire, Medem et son héros font avec leur clavier et leur
imagination ce que Superman faisait pour ressusciter sa Loïs dans le
film de Richard Donner, c'est un conte du pardon qui permet de tout
recommencer et célèbre la victoire de la fiction sur le réel à la
manière de La Maîtresse du lieutenant français ou duBrazil
de Terry Gilliam. Que tout cela soit possible ou simplement issue d'une
narration maligne (la dernière scène qui joue sur les deux tableaux)
n'a que peu d'importance, Medem y croit et nous y a fait croire.
Axel Freed est un professeur de
littérature qui a un vice : le jeu. Un vice qui lui fait perdre tout son
argent, sa petite amie et l'affection de ses proches. Une descente aux
enfers qui ne l'empêche pourtant pas de continuer à dépenser son argent
aux tables de jeux...
Karel Reisz signe son premier film américain avec The Gambler, transposition moderne façon polar urbain du Joueur
de Dostoïevski. C'est ce dernier aspect qui semble faire le lien avec
la filmographie anglaise de Karel Reisz alors qu'à première vue ce cadre
semble bien éloigné de son univers. Bien au contraire, l'addiction au
jeu du héros autobiographique de Dostoïevski (puisque l'auteur était
dévoré lui-même par le même démon du jeu) rejoint totalement les
thématiques du réalisateur. Les héros de Karel Reisz sont tous des
obsessionnels névrosés en quête d'un absolu les faisant fuir leur
mal-être, leur environnement oppressant. Le plus marquant reste
l'ouvrier incarné par un Albert Finney s'étourdissant en beuveries pour
oublier sa condition sociale dansSaturday Night and Sunday Morning (1960), bientôt suivi par David Warner amoureux acharné dans le survolté Morgan (1966) et une Vanessa Regrave tout entière consacrée à son art de la danse dans Isadora
(1968) flamboyant biopic d'Isadora Duncan. Le Nick Nolte traumatisé par
la guerre du Vietnam suivrait également dans le précurseur Les Guerriers de l'enfer (1978).
Le
film s'ouvre sur une frénésie de notre héros Axel Freed (James Caan)
qui se met dans un terrible pétrin dans une salle de jeu clandestine ou
ne sachant s'arrêter malgré les avertissements il contracte une dette de
44 000 dollars. L'ensemble de l'intrigue le verra tenter de rattraper
ce dérapage tout en essayant de réfréner ses pulsions de jeu. James Caan
est toujours excellent lorsqu'il s'agit de dévoiler la fragilité de
personnages qui en apparence en impose (le Sonny Corleone du Parrain, le cambrioleur du Solitaire)
et son prestation intense ne fait pas exception ici.
Réfléchi et
mélancolique après ses errements (les multiples inserts où il se revoit
pariant), pris de folie mais lucide sur les risques encourus (ces mêmes
inserts teintant de regrets ses actes lorsqu'il repense à ceux l'ayant
aidés sa mère notamment) le personnage possède un vrai charme et une
détermination qui le rendent attachant, fragile et font comprendre cette
force de conviction qui l'enfonce en fait face au bookmaker conciliant
ou aux amis trop compréhensifs qu'il tape. On a ainsi une relation
mère/fils fort bien illustrée par Reisz avec une Jacqueline Brookes
poignante en mère dépassée et la romance entre Caan et Lauren Hutton
parait faussement superficielle au départ pour prendre un tour tout
aussi fort et intime.
Sans surligner à l'excès, le scénario de
James Toback lance quelques pistes passionnantes quant à la nature du
vice d'Axel. Les scènes de cours (il est prof de littérature) nous
éclairent à travers ses choix de lecture avec une allusion directe à
Dostoïevski et sa notion du 2+2 = 5. Cette idée exprime complètement le
fonctionnement du danger recherché par le joueur (ou l'artiste, le
sportif comme il est suggéré) qui pense un court instant surmonter la
logique naturelle des choses et la transcender dans par sa prise de
risque. C'est cette adrénaline qui est recherchée par le parieur
compulsif, la défaite est indispensable au plaisir des rares victoires et le gain n'a finalement que peu d'importance (la scène où il défie de jeunes basketteurs).
Caan dans sa fuite en avant semble constamment rechercher cela, prenant
des risques insensés alors qu'il est renfloué, défiant la chance à
l'excès lorsqu'elle lui sourit enfin. Autre point intéressant, le carcan
de son milieu juif respectable, nanti et étouffant semble provoquer ce
besoin de liberté pour Freed tel cette scène où il flambe la somme
qu'il devait rembourser après les remontrances de son oncle sur sa
petite amie Lauren Hutton. Finalement, notre héros ne se sent vivant
qu'à la table de jeu, quoi qu'il lui en coûte.
Reisz qui avait si bien su filmer les milieux populaires dans son Saturday Night and Sunday Morning
est tout aussi inspiré capturer cette urbanité new yorkaise, ses salles
de jeux enfumées (hormis une escapade plus prestigieuse à Las Vegas) ou
son ghetto noirs hostile à la fin. On baigne dans une atmosphère de
polar même s'il n'y a pas de réelle intrigue policière notamment avec un
joyeux casting de trognes connues tel Paul Sorvino en ami bookmaker ou
un mémorable Burt Young en homme de main rappelant virilement leurs
dettes aux mauvais payeurs. La déchéance est totale pour notre héros qui
n'y réchappera finalement qu'au prix de son âme, la seule chose à
parier restant finalement sa vie dans un tragique final suintant la
haine de soi. Un grand Karel Reisz.
Sorti en dvd zone 1 chez Paramount et doté de sous-titres anglais ainsi que d'une vf
Un coup fameux organisé par Django, Mendoza et Ritchie
tourne à la catastrophe suite à une trahison. Django décide de se venger contre
ceux qui l'ont privé du fruit de son projet, l'un après l'autre.
Malgré ses quelques défauts, Avec Django,
la mort est là est un brillant exemple des possibilités étonnantes qu’offre
le western spaghetti. On a doncici un pitch
assez basique qui se voit totalement transfiguré par la maestria d’Antonio
Margheriti. Comme tout réalisateur d’exploitation italien de l’époque,
Margheriti tâta de tous les genres au gré des modes (péplum, western,
science-fiction) mais c’est réellement dans le fantastique gothique qu’il donna
sa pleine mesure et signa ses meilleurs films avec des titres comme La Vierge de Nuremberg (1963), La Sorcière sanglante (1964) ou l’excellent
Danse Macabre (1964).
C’est donc tout
naturellement que ces penchants ressurgissent lorsqu’il s’attèle à un autre
genre et qui font toute l’originalité de Avec
Django, la mort(rien à voir bien
sûr avec le classique de Corbucci mais le succès fit décliner le prénom de son
héros à toute les sauces dans le western spaghetti).
Passé une sadique scène d'écartèlement en ouverture, le début
est assez classique mais peu à peu Margheriti pose son empreinte sur le film. Les
cadrages, vues et ambiances se font progressivement toujours un peu plus étrange et surprenant que
dans un western classique on lorgne vers le surnaturel sans jamais totalement y
tomber). Le peu charismatique Richard Harrison peine à exprimer la dimension
spectrale et vengeresse de son personnage, les méchants sontassez inégaux et se traîne parfois un peu.
Margheriti transcende ces défauts par ses fulgurances
visuelles déroutantes. On pense à l'assaut nocturne des hommes de Laredo au
bureau du shérif où le réalisateur leur donne une allure de fantômes.
La
séquence la plus marquante dans cette veine est bien entendu le final dans la
caverne où les éclairages flamboyant et la nature du décor confère une ambiance
unique, bien aidé par la prestation de Claudio Camaso (frère de Gian Maria Volonté
qui n’a rien à lui envier en exubérance) tout de jaune vêtu et qui campe un
méchantmémorable.
Margheriti fera
également montre d’une inventivité certaines dans les écarts de violence à l’image
de tranchage de gorge avec éperons en vue subjective où cette torture raffinée
avec écarte œil (façon Orange Mécanique
en plus artisanal) enterré dans le sable en plein soleil. Imparfait certes mais
un sacré objet, pour un résultat plus attractif encore il est vivement
conseillé de tenter les films gothiques de Margheriti.
Une jeune artiste peintre, Kate
Bosworth, passe l'été à Martha's Vineyard, dans la maison d'un cousin.
Elle y fait la connaissance du séduisant Bill Emerson, l'assistant du
gardien du phare. Kate se sent attirée par le jeune homme. Sur ces
entrefaites, débarque Patricia, sa sœur jumelle. Autant Kate est douce
et prévenante, autant Patricia est dure, méchante et sournoise. Patricia
a tôt fait de séduire Bill. Kate s'efface et laisse le couple se
marier. Elle se lance alors à corps perdu dans la peinture. Le hasard la
met à nouveau en présence de Bill, qui lui annonce son prochain départ
pour l'Amérique du Sud, en compagnie de son épouse.
A Stolen Life
est un mélodrame typique du genre et offrant un bel écrin à Bette Davis
qui en fit d'ailleurs le premier (et finalement le seul) film produit
par sa compagnie B.D. Incorpored.
L'intrigue explore les affres de la gémellité mais dans une veine bien
plus mélodramatique que psychanalytique, se différenciant ainsi
largement du fabuleux Double énigme
de Robert Siodmak sorti la même année. Cet aspect se traduit par la
façon d'introduire cette notion de gémellité qui arrive de manière assez
surprenante dans le récit. Le tout démarre d'ailleurs par une romance
naissante entre la jeune peintre Kate Bosworth (Bette Davis) et le
gardien de phare Bill Emerson (Glenn Ford), le film multipliant les
jolis moments intimistes et tissant la complicité naissante entre eux,
de la première rencontre à la timide séduction où Bette Davis charme par
sa candeur et timidité (l'aveu dans le phare embrumé).
Cette retenue
attachante de Kate va pourtant s'avérer un terrible défaut lorsqu'entre
en scène sa sœur jumelle Pat au tempérament diamétralement opposé et au
fond bien moins pur. Curtis Bernhardt ne joue jamais d'une quelconque
ambiguïté, n'adopte jamais dans sa mise en scène des artifices amené à
nous faire confondre les jumelles. Si les personnages sont dupes, le
spectateur, lui, ne le sera jamais. Séductrice, élégante et sophistiquée
pour Pat, fragile, timorée et introvertie pour Kate, Bette Davis est
extraordinaire de façon égale dans les deux registres.
Bernhardt
ne cesse d'opposer les deux sœurs dans sa mise en scène, rarement
ensemble au sein d'un même plan (d'ailleurs quand c'est le cas pour le
coup les effets spéciaux sont bien en deçà de ceux extraordinaires de Double énigme)
mais usant souvent du champ contre champ forcément désavantageux pour
la complexée Kate qui s'est toujours effacée devant sa sœur Pat et ce
sera encore le cas lorsqu'elle lui volera l'homme qu'elle aime. Là le
script va dans une direction surprenante avec le personnage rustre de
Karnok (Dane Clark) peintre torturé qui sachant lire dans les désirs et
les peurs de Kate, la remettant en question en tant que femme et
artiste. Un personnage captivant qui amène Kate à s'interroger et se
remettre en cause, mais qui lui amène aussi l'audace d'endosser
l'identité de sa sœur morte en mer pour se rapprocher de Bill.
Malheureusement l'intrigue cherche à réunir de façon un peu forcée son
couple vedette et expédie nombres de situations intéressantes : on ne
voit jamais vraiment Kate endosser réellement la personnalité de Pat
(alors que l'enjeu est finalement qu'elle s'émancipe de son ombre même
décédée) et s'affirmer, elle reste finalement cette petite chose fragile
et apeurée jusqu'au bout. Karnok, personnage le plus intéressant
disparait au profit d'un Glenn Ford très bon mais dont le Bill manque de
caractère. Un joli mélo un peu policé essentiellement tenu par une
grande Bette Davis mais qui renonce à explorer des zones plus troubles
alors que tout était là pour un résultat plus déroutant.
Sorti en dvd zone 2 chez Warner dans la collection Trésor Warner
Donnie Darko est un
adolescent de seize ans pas comme les autres. Intelligent et doté d'une grande
imagination, il a pour ami Frank, une créature que lui seul peut voir et
entendre.
Lorsque Donnie survit
par miracle à un accident, Frank lui propose un étrange marché. La fin du monde
approche et ce dernier doit accomplir sa destinée. Des événements bizarres
surviennent dans la petite ville tranquille, mais Donnie sait que derrière tout
cela se cachent d'inavouables secrets. Frank l'aidera à les mettre à jour,
semant ainsi le trouble au sein de la communauté.
Coup d’essai et coup de maître pour Richard Kelly qui signe
un des films culte des années 2000 avec ce Donnie
Darko. Le film est un objet inclassable, mêlant la sensibilité adolescente
d’un John Hughes, l’étrangeté et la nature interprétative des intrigues de
David Lynch tout en croisant les des genres aussi disparates que la satire, le
teen movie et la science-fiction. Le lien entre toutes ces directions en
apparence contradictoires, c’est la sensibilité de Richard Kelly qui croise ici
expérience personnelle et récit mystérieux et alambiqué.
L’intrigue se déroule en 1988, au moment de l’élection
présidentielle opposant George Bush et Michael Dukakis, époque où Richard Kelly
était lui-même un adolescent âgé de 13 ans.Le choix de cette période n’est pas innocent, Kelly cherche à capturer
cette atmosphère imprégnant la fin de la triomphale ère du Reaganisme et
anticipe les lendemains qui déchantent à venir ici préfigurés par ses adultes
se réfugiant dans des programmes d’accomplissement de soi douteux (et
réellement enseignés dans les écoles celui vu dans le film fut infligé à
Richard Kelly lycéen) et ses adolescents paumés préfigurant les jeunes adultes à la dérive de la Génération X des 90’s.
Parmi
eux, notre héros particulièrement instable Donnie Darko (Jake Gyllenhaal fabuleux) que
nous découvrons endormi sur une route déserte au petit matin. Le générique le
voyant rentrer à vélo chez sur The
Killing Moon de Echo and The Bunnymen pose déjà l’ambiance éthérée et
mystérieuse qui traversera le film avec des vues au ralenti de cette banlieue
pavillonnaire, des déambulations du voisinage. Cette étrangeté ne prime jamais sur les personnages
et au contraire le basculement dans l’irrationnelamène une angoisse sourde quant à leur
destinée. Kelly en une poignée de scènes rend cette famille diablement
attachante : le père malicieux joué par Holmes Osborne, la mère dépassée
magnifiquement incarnée par Mary McDonnell, la petite sœur espiègle tandis que
la complicité des vrais frères et sœurs que sont Jake et Maggie est palpable à
l’écran.
Ainsi happé, le sort de la famille Darko est suspendu au
caractère torturé de Donnie.S’il est
plusieurs fois sous-entendu qu’il a eu des problèmes et qu'il souffre de troubles comportementaux (notamment ses rencontres
avec sa psychologue) c’est un évènement extraordinaire qui va provoquer sa
lente dérive, son somnambulisme le sauvant lorsqu’un moteur d’avion tombé du
ciel s’écrase sur sa chambre. L’avion d’où est issu le projectile demeure
introuvable et c’est à ce moment qu’apparaît à Donnie Frank, un être étrange
déguisé et terrifiant lapin géant lui annonçant la fin du monde sous 28 jours.
Dès lors le ton adopte les visions schizophrènes d’un Donnie qui
perd pied avec la réalité et se rebelle face à son environnement. Pourtantde cette société bigote, de cet enseignement
lénifiant (si ce n’est l’impertinent professeurjoué Drew Barrymore) et de cette soumission aux préceptes new age du
gourou joué par Patrick Swayze on se demande qui est le plus en perdition :
notre héros ou le monde qui l’entoure ? Kelly fait de Donnie au contraire
un être réfléchi et qui s’interroge face à une société au regard binaire et
simpliste, à l’image des deux voies proposées par la secte de Swayze, la peur ou
l’amour.
Kelly fait constamment osciller le film entre réalité
hallucinée et fantastique plus ouvertement prononcé.L’arrivée au lycée sur fond de Tear for Fears
sous une lumière immaculée et traversant les lieux dans une plan-séquence
hypnotique tient du rêve éveillé, rêve qui peut virer au cauchemar lors des
saisissantes apparitions nocturnes et des injonctions de Frank. Donnie semble
paradoxalement le plus clairvoyant sur les maux de sa communauté que ce soit
consciemment (l’hilarante scène où il met en boite la prof de gym et sa ligne
de vie, lorsqu’il interpelle Swayze en public) ou inconsciemment, chacune de
ses actions de vandalisme révélant la face sombre des adultes.
Son propre
esprit perturbé lui fait-il voir les anomalies qui semblent normales aux
adultes ou possède-t-il vraiment le don d’ubiquité et une vision plus
lointaines ? Richard Kelly tisse habilement les indices et laisse toutes
les possibilités libres de toutes interprétations. De fascinants
questionnements sur la destinée, le voyage dans le temps et les dimensions parallèles
sont d’ailleurs posés lors des échanges entre Donnie et son professeur de
science physique(Noah Wyle).
Donnie Darko sous
cette originalité n’en oublie jamais d’être un charmant et nostalgique teen movie. La romance timide entre
Donnie et Gretchen est d’une candeur et innocence parfaite, multipliant les
jolis moments sensibles (l’invitation maladroite de Donnie, l’épanchement final
de Gretchen). Kelly revisite sa propre jeunesse avec nombre de références visuelles
(la photo bleutée et le cadre pavillonnaire rappelle évidemment les productions
Amblin), de clins d’œil cinématographique (l’improbable double programme de
cinéma Evil Dead/ La Dernière Tentation du Christ !)
et bien sûr la bande-son gorgée de tubes 80’s toujours placés à bon escient (The Killing Moon dont le texte évoque en
grande partie l’intrigue du film, Under
the milky way de The Church lorsqu’il a une vision des canaux temporels).
Le sommet d’émotion est atteint lors de la séquence finale, après que le chaos,
que cette fin du monde se soit déchaînée. Un mouvement de caméra nous traverser
la nuit agitée de tous les protagonistes du film sur une magnifique reprise de Mad World alors que seul Donnie semble
s’endormir paisiblement, enfin.L’ensemble du film n’est-il qu’un rêve prémonitoire ou Donnie a vraiment
réussi à remonter le temps et empêcher l’apocalypse ?
La question reste
entière mais Richard Kelly dévoile là le thème au cœur de ses films suivants,
les brillants mais mal aimés Southland
Tales (2005) et The Box (2009).
La peur de la fin peut être surmontée, cet abîme peut être vaincu tant que
l’Homme sera capable d’amour et du sens du sacrifice envers autrui. C’est naïf,
sincère et terriblement juste. C’est la leçon que nous offre Donnie ici et à travers
ce regard complice final entre Gretchen et la mère accablée du héros, on sait
que de cet amour il restera toujours quelque chose, indicible mais flottant
dans l’air.
Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan, et depuis quelques années un director's cut est disponible, pas vu mais il semble que Kelly y cède au surexplicatif au détriment du mystère de ce montage cinéma.
Certains exégètes du rock distinguent son âge d’or en deux périodes
distinctes, 1965-1968 et 1977-1979. Non pas que les autres années
déméritent en grands disques, loin de là, mais sortis du rock’n’roll des
pionniers, tout les soubresauts (culturels, vestimentaires) de cette
musique semblent influencés et déterminés par ces deux moments clé. Pour
exemple, le rock progressif et le hard rock, genres rois de la
première moitié des 70’s, ne sont que des prolongements pour le premier
des expérimentions de la vague psyché et le second des ruades du rock
garages des sixties. Quant à la vague grunge des années 90,
elle reproduisait différemment les phénomènes du mouvement punk, tant
dans sa culture du « do it yourself » que par sa récupération future par les majors. On peut en dire autant des années 2000, vraie décennie du revival,
qui n’aura rien inventé mais contribué à brillamment faire revivre
toutes les autres grâce à des groupes doués et cultivés (la
démocratisation du piratage aidant…)
En France, si nous avons pu faire preuve de quelques éclats au niveau de
la pop (le séisme Gainsbourg n’étant pas des moindres), pour ce qui est
du rock, nous avons toujours été sérieusement à la traîne. Le premier
âge d’or vit les groupes de rock français noyés sous la vague yé yé (qui
éclipsait même parfois les artistes étrangers avec d’affreuses
relectures franchouillardes de tube Motown entre autres) et un peu plus
tard, seuls des ovnis comme Magma (groupe de rock progressif majeur
ayant entre autre inventé sa propre langue dans laquelle étaient chantés
les morceaux) pu se faire connaître hors de nos frontières. On en
revient donc à ce fameux deuxième âge d’or 77-79, qui vit l’émergence du
punk, de la new wave et du post punk. Les groupe français
doués trouvaient une certaine audience et la télévision se faisait enfin
le relais des secousses musicales venues d’ailleurs. Parmi les
émissions phares, Chorus est une des toutes premières et sans
doute la plus culte. Le programme naquit et disparu comme souvent d’un
concours de circonstances typiquement français : le fils adolescent du
président de la chaîne était féru de rock puis s’en désintéressa une
fois entré en grande école.
Le coffret édité par l’INA se propose de montrer les
meilleurs moments de l’émission. La vision (ou revision pour les plus
âgés) de cet intact panorama de la modernité de Chorus s’impose, autant par rapport aux émissions qui l’ont précédé que de celles qui ont suivies. Avant Chorus, les quelques émissions rock apparues donnaient dans un sérieux de cathédrale vraiment pas rock’n’roll, comme Pop 2 (présenté par Patrice Blanc-Francard), où des rock critics abordaient la chose sur un ton professoral poussiéreux. Les Enfants du Rock durant les 80’s offre le seul pendant valable à Chorus,
mais le talent très relatif de certains groupes phares de l’époque
range plus l'emission du côté d’une certaine nostalgie. Aujourd’hui, on
citera bien évidemment Taratata, mais entre son très
envahissant Nagui et une programmation qui oscille entre rock (classique
comme nouveaux talents) et grosse variété française, le quota est loin
d’être rempli.
Chorus évitait tout ses écueils grâce à la passion
communicative et l’éclectisme d'Antoine De Caunes, qui mettait en avant
ce qui était au bout du compte la seule chose importante : la musique.
La présence de l’animateur se faisait donc minimale, uniquement
informative et tournée vers la dérision, avec de cours modules farceurs
(où intervenait le trublion Jacky, plus connu pour être un des acolytes
de Dorothée) entre les performances des artistes. Les 3 DVDs du coffret reflètent donc parfaitement les évolutions
musicales de ce moment charnière et la programmation ouverte d’Antoine
de Caunes.
Chacun des menus déroule une suite de prestations enchaînées (playlist), un plus long live consacré à un groupe phare (Big concert) et quelques performances rallongées de deux ou trois titres (live express). Sur le premier disque, tous les ténors du post punk et de la new wave
naissants s’enchaînent donc avec Magazine, Siouxsie and The Banshees ou
encore une prestation explosive des Cure (avec pour les fans la
mythique A Forest interprétée sur des paroles différentes !).
On s’amusera d’ailleurs pour ces derniers de l’allure d’adolescents
débraillés arborée par un groupe au look futur si étudié (Robert Smith
osant le bas de survêtement rose !). Le gros morceau : un live incandescent des Clash alors que l’immense London Calling vient de sortir.
Le second disque fait honneur à la vague française, avec les aussi doués
qu’oubliés Marquis de Sade, Taxi Girl ou encore les Dogs, tandis que
Téléphone tient son rang de Rolling Stones/Who français par une
flamboyante prestation. Autres moments forts : les Jam de Paul Weller,
au sommet de leur art, les Undertones teigneux et l’hilarant set des rude boys
de Madness. Pat Benatar, aisément rangé au rayon des plaisirs coupables
aujourd’hui, offre également un moment phénoménal sur une Heartbraker
sauvage. Le troisième disque est plus éclaté, entre la présence
surprenante de Yellow Magic Orchestra (premier groupe de Ryuichi
Sakamoto), le folk envoûtant de John Martyn, le rock classieux des
Pretenders ou la rage de Elvis Costello.
Là aussi on constate un réel fossé avec la manière de filmer la musique live
aujourd’hui. Chorus datant des balbutiements du clip, tous les tics
cherchant à dynamiser le rapport musique/image (pour le meilleur et pour
le pire) sont absents, au privilège d'une mise en scène (assurée par
Don Kent et Claude Ventura) totalement au service des musiciens et de
leur performance. La caméra suit le plus souvent un musicien seul ou
l’ensemble du groupe en se plaçant à différents endroits de la scène
(grand plan d’ensemble du fond de la salle, caméra portée derrière le
batteur ou accompagnant les musiciens sur scène) dans un montage très
peu découpé, où on savoure en leur entier les prouesses musicales des
plus chevronnés, tels un Stewart Copeland au feeling stupéfiant
à la batterie pour Police. Le public, sans être invisible, ne se devine
qu’à travers les réactions des artistes (la caméra passant souvent
derrière l’artiste au micro) et n’est réellement mis en avant qu’en cas
de sollicitations fougueuses des groupes comme les sauts de kangourous
communicatifs de Madness ou les assauts teigneux de Elvis Costello.
Tournés au théâtre de l’Empire puis au Palace, les concerts de Chorus
étaient diffusés à l’heure dominicale le dimanche et éveillèrent toute
une génération à des sonorités nouvelles de 79 à 81. Les images
d’époques sont plutôt bien conservées et ces presque 9h de musique sont
un vrai enchantement, même s’il semble que pas mal aient été coupées
(Devo ? Roxy Music ?)... peut être pour un volume 2 en cas de succès (?)
Pas de bonus, si ce n’est un livret contenant des interviews d'Antoine
De Caunes et Yves Bigot et un petit historique de l’émission. Quelques
recherches permettront de mettre la main sur de savoureux bonus cachés
entre l’hypnotique passage de Kratwerk (sans public !) et une interview
décalée des Stray Cats où Jacky s’en donne à cœur joie dans le
grotesque.
Londres, 1938, Cluny Brown, qui a un
faible pour la plomberie, effectue un dépannage à la place de son oncle
chez un certain Hilary Ames. À cette occasion elle rencontre Adam
Belinski, un écrivain qui a quitté la Tchécoslovaquie pour fuir le
nazisme. L'oncle arrive chez Ames et trouve sa nièce ivre après avoir bu
quelques verres avec les deux hommes. Pour la punir, il décide de
l'envoyer travailler comme domestique à la campagne pour les Carmel.
Belinski, invité à s'y cacher par le fils de la famille, qu'il a
rencontré chez Ames, s'y trouve aussi.
Dans ses derniers
films, Ernst Lubitsch tend à adoucir les éléments de sa formule à succès.
La provocation, l'argent, le sexe, le délicat équilibre entre ironie et
sentiments, tout ce que l'on y apprécie de la Lubitsch touch
est toujours bien là mais désormais la férocité cède de plus en plus à
une infinie tendresse. Alors que le monde s'apprête à sombrer dans le
chaos de la Seconde Guerre Mondiale, Lubitsch mêle son humour à un vrai
propos politique (le communisme moqué de Ninotchka, le nazisme raillé dans To Be or not to be) et se dévoile comme rarement dans The Shop Around the Corner
où se mêle la chaleureuse vision d'un monde désormais révolu (Budapest
avant l'invasion allemande) et nostalgie où l'effervescence de cette
boutique évoque ses propres souvenirs d'enfance, dans le magasin de son
père tailleur berlinois. On y constate aussi l'intérêt de Lubitsch pour
les petites gens, s'éloignant ainsi des milieux bourgeois qu’il se
plaisait tant à moquer dans ses comédies des années 30. Dépourvu de
cette dimension politique, Le Ciel peut attendre déploiera également une sphère intime et bienveillante du couple confirmant ce changement chez le réalisateur.
Vrai dernier film de Lubitsch (puisque l'ultime La Dame au manteau d'hermine sera terminé après sa mort par Otto Preminger), Cluny Brown
effectue un pont idéal entre l'ancien et le nouveau Lubitsch. Le cadre
de cette Angleterre aristocrate est typique des milieux nantis que la Lubitsch touch
se plu tant à moquer, mais les deux héros dans leur statut social
modeste évoque plutôt cette dernière période du cinéaste, tout comme la
toile de fond historique traitant de la Tchécoslovaquie envahie par les
nazis (et d'une l'Angleterre pas encore engagée mais déjà inquiète).
Dans tous ces meilleurs films, Lubitsch a toujours célébré rebelles, les
libertaires et extravertis assumant de vivre en dehors des codes
sociaux classiques, que ce soit la femme adultère de Ange, le trio amoureux de Sérénade à trois, la fantaisie révélée de Ninotchka ou encore la troupe d'acteur de To Be or no to be.
Ici nous aurons comme héros un duo avec un farfelu qui s'assume et
s'accepte avec l'écrivain en fuite Adam Belinski (Charles Boyer) et une
qui s'ignore et cherche à rentrer dans le rang avec la femme de chambre
Cluny Brown (Jennifer Jones). Cet esprit libre revêt un aspect aussi
dramatique en toile de fond (Belinski ayant fui son pays et Hitler pour
ses idées) qu'irrésistible dans son expression avec cette scène
d'ouverture où l'on appréciera le bagout et l'aplomb de Belinski pour
s'introduire, faire culpabiliser et taper un aristocrate anglais
attendant ses invités. Cette folie douce est moins maîtrise chez
l'ouragan Cluny Brown, surtout s'il y a un évier bouché dans les
parages, Lubitsch nous assaisonnant de savoureux dialogues à double sens
sur la curieuse lubie de son héroïne.
Cette première rencontre
scelle les affinités entre Belinski et Cluny que leur audace conduit
bientôt chez la même famille traditionnelle anglaise en campagne dans
des statuts et pour des raisons différentes. Le culot de Belinski l'a
conduit chez les Carmel, ses nouveaux protecteurs prêts à l'accueillir
sans le connaître quand Cluny punie par son oncle pour n'avoir pas su
"rester à sa place" y est engagée en tant que femme de chambre. Lubitsch
moque avec brio le snobisme et ce rapport de classe qui atrophie tout
rapport humain chez les hôtes. Cluny est ainsi accueillie
chaleureusement quand par erreur elle est prise pour une égale mais
lorsque l'on constate qu'il ne s'agit que de la nouvelle bonne, les
Carmel s’éclipsent ainsi immédiatement.
Cette différence est inscrite
dans les gènes de toute cette communauté y compris les domestiques plus à
cheval encore sur ses principes à l'image du vieux couples d'employés
si maniéré qu'ils ne peuvent s'avouer leur sentiments. La hauteur de ces
nantis ne les rend pas plus autonome non plus à l'image de la
faussement libre Betty Cream (Helen Walker) se jouant des hommes mais à
la première lueur de scandale se réfugiant dans le mariage et ramené au
stade de petite fille obéissante par Lady Carmel.
Belinski et
Cluny sont bien au-dessus de toutes ces entraves. Charles Boyer
malicieux et attachant est parfait en Belinski à l'aise partout où il
passe et finalement ne se réfrène qu'avec Cluny en qui il a trouvé une
âme sœur mais qu'il pense attirée par un autre. Jennifer Jones montre
des capacités jusque-là inexploitée en comédie et injecte la folie de
ses rôles plus dramatiques dans cette Cluny Brown. Si l'excentricité de
Belinski est habilement maîtrisée par ce dernier et constitue un atout,
c'est un poids pour la fougue juvénile de Cluny que les épreuves amènent
à masquer sa différence.
C'est une tuyauterie encombrée qui fera
revenir le naturel au galop et la sauvera d'un sinistre mariage avec un
pharmacien fils à maman provincial, une nouvelle fois elle a dépassé les
bornes. Le titre français est bien trouvé, Jennifer Jones est
absolument craquante en ingénue inconsciente de ses écarts à la
bienséance guindée et illumine l'écran de son sourire et de ses coups de
marteau vigoureux. Dans une conclusion magique, elle comprendra enfin
que celui son meilleur confident est aussi celui qui la comprend le
plus, qui lui ressemble le plus. Peut-être le plus beaux couple du
cinéma de Lubitsch, ce qui n'est pas une mince affaire et fin de
carrière en apothéose pour le réalisateur.