Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 31 décembre 2014

E.T. l’extra-terrestre - E.T. the Extra-Terrestrial, Steven Spielberg (1982)

Une soucoupe volante atterrit en pleine nuit près de Los Angeles. Quelques extraterrestres, envoyés sur Terre en mission d'exploration botanique, sortent de l'engin, mais un des leurs s'aventure au-delà de la clairière où se trouve la navette. Celui-ci se dirige alors vers la ville. C'est sa première découverte de la civilisation humaine. Bientôt traquée par des militaires et abandonnée par les siens, cette petite créature apeurée se nommant E.T. se réfugie dans une résidence de banlieue. Elliot, un garçon de dix ans, le découvre et lui construit un abri dans son armoire. Rapprochés par un échange télépathique, les deux êtres ne tardent pas à devenir amis. Aidé par sa sœur Gertie et son frère aîné Michael, Elliot va alors tenter de garder la présence d'E.T. secrète.

En ce début des années 80, Steven Spielberg se trouve au sommet de l’industrie Hollywoodienne dans une carrière déjà passée par toutes les étapes possibles. Les Dents de la mer (1975), son succès fulgurant et la terreur maritime qu’il provoque en Amérique en font le golden boy auquel on ne refusera plus rien. La rêverie de Rencontre du troisième type (1977) sera également un succès compensant les dépassements de budget importants, ce qui n’arrivera pas avec l’onéreuse blague potache 1941 (1980) qui commence à faire circuler de lui l’image d’un réalisateur dépensier et incontrôlable. Spielberg se remettra donc en question et saura se souvenir de ses débuts télévisés à l’économie pour Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1981), remise à jour du film d’aventures où le serrage de vis budgétaire de la Paramount n’empêchera pas le film d’être aussi épique que spectaculaire.

Passé par tous ces sentiments et voyant son statut  renforcé, Spielberg décide de s’atteler à une œuvre plus personnelle. E.T. naît de deux projets différents au départ. A la fin de Rencontre du troisième type, le personnage de Richard Dreyfuss s’envolait dans le vaisseau extraterrestre sous la tutelle bienveillante d’aliens qu’on entrapercevrait avant qu’ils ne disparaissent à leur tour. Le réalisateur s’était toujours demandé ce qu’il adviendrait si  l’un d’eux n’était pas reparti et avait préféré rester pour étudier la Terre. Parallèlement, Spielberg souhaitait faire un film intimiste et personnel faisant écho au grand traumatisme de son adolescence, le divorce de ses parents. 

L’idée était donc de traiter des conséquences du divorce en adoptant le point de vue d’enfant et de personnage inspirés de sa famille et de son entourage. Adolescent chétif et solitaire, le drame n’avait fait qu’accentuer son mal-être et il avait souvent imaginé à l’époque l’intervention d’un ami qui viendrait résoudre ses problèmes. Et si cet ami était un extraterrestre bienveillant ? C’est cette question qui fera le lien entre les deux projets, Spielberg ayant rapidement la trame complète en tête et il confiera à la scénariste Melissa Mathison la lourde tâche de mettre ses idées en forme.

E.T. doit beaucoup au classique SF Le Météore de la nuit (1953) de Jack Arnold. Ce dernier se démarquait par ses extraterrestres pacifistes traqués dans les Etats-Unis en proie à la terreur communiste. La rencontre tournerait court avec des humains encore trop violents. Arnold usait cependant d’une atmosphère angoissante ne révélant que tardivement l’absence de menace des aliens et jouant finalement sur l’imagerie des films de science-fiction plus belliqueux pour mieux surprendre. Spielberg procède de manière différente où sans dévoiler entièrement son aspect, il amène l’empathie pour E.T. en adoptant en vision subjective son regard bienveillant pour la faune et la flore terrienne. Cette douceur causera sa perte quand ses congénères quitteront la planète sans lui car pressés par des hommes menaçants. L’extraterrestre paisible, son rapport doux à notre environnement mais également la malveillance humaine s’exprime donc dès cette magnifique scène d’ouverture. Ne manque plus qu’une rencontre entre l’extraterrestre et un humain qui saura donner un autre visage de notre race.

Cela se fera à travers le jeune Elliott (Henry Thomas), cadet solitaire d’une famille monoparentale venant de vivre une séparation. Spielberg montre par fragment le physique d’E.T., d’abord une silhouette clairement extraterrestre, un doigt humanoïde, une sonorité étrange. Ce sont presque des codes de cinéma d’horreur qui suscitent la crainte et le mystère pour notre jeune héros intrigué mais l’on devine que cette peur est partagée jusqu’à ce que le visage d’E.T. se dévoile. La créature créée par Carlo Rambaldi évite toute facilité « anthropomorphique », c’est un être qui n’a rien d’humain mais dont l’allure frêle, la démarche incertaine et surtout ce visage aux grands yeux si expressifs  (inspiré de  Carl Sandburg, Albert Einstein et du chat de Carlo Rambaldi) véhiculent une douceur qui ne peut abriter un être néfaste. L’apprivoisement est donc mutuel, tissant de manière hésitante l’amitié et le lien télépathique qui unira E.T. et Elliott. Le fantastique s’invite dans le quotidien avec subtilité et délicatesse, renforcé par le rapport des autres membres de la fratrie à E.T. notamment une toute jeune Drew Barrymore à la bouille charmante.

E.T. exprime la présence de l’ami idéal qu’il aurait souhaité à ses côté durant son enfance malheureuse. L’esthétique du film dessine également un cadre idéalisé de la banlieue pavillonnaire où grandit Spielberg. On navigue entre un visuel à la Norman Rockwell (les vues majestueuse dans une lumière douce du panorama de cette ville pavillonnaire) mais également Walt Disney lors des séquences élégiaques en forêt qui évoquent Bambi (1942) avec ces clairières de contes, ces arbres à perte de vue aux hauteurs insoupçonnées et même l’apparition explicite d’une biche en clin d’œil discret. Spielberg s’inspire de ces maîtres sans les copier pour autant. 

Au naturalisme et à la dimension nostalgique de Rockwell se substitue la photo diaphane de Allen Daviau qui donne cet aspect immaculé de rêve éveillé et invente littéralement l’esthétique 80’s Amblin (société de production de Spielberg) maintes fois reproduite par la suite (Gremlins (1984) et Explorers (1985) de Joe Dante, Les Goonies (1985) de Richard Donner ou plus récemment Super 8 (2010) de JJ Abrams). Spielberg fait également renaître l’esprit candide, enfantin et féérique de Disney dans un cadre ordinaire et ce à une époque le studio est au creux de la vague et décrié. L’interprétation sincère et à fleur de peau, le visage angélique et le caractère bien trempé d’Henry Thomas joue pour beaucoup dans cet émerveillement. Tout comme dans Les Dents de la mer, Spielberg fait également de l’animatronique restreinte de la créature un atout, ses mouvements limités accentuant sa fragilité.

Le Météore de la nuit avait associé sa thématique à la peur communiste. Spielberg la mêle au cinéma paranoïaque des 70’s. Les fameux « men in black » gouvernementaux sont des ombres qui distillent une menace latente dans la première partie puis concrète et oppressante dans la seconde. Le réalisateur étend ce parti pris à tous les adultes où les plus mal intentionnés, des agents gouvernementaux aux scientifiques en passant par le professeur de biologie restent sans visage. Seuls ceux capables de compassion sont dignes d’être montrés dans cette œuvre à hauteur d’enfant, l’attachante mère jouée par Dee Wallace ou le savant incarné par Peter Coyote. Ce sera le premier adulte (hormis la mère) dont nous découvrirons le visage, ému par Elliott et pour s’adresser à lui il se baissera, se mettant à sa hauteur mais finalement aussi à celle d’E.T.

La dernière partie transcende par son tourbillon de sentiments les éléments superbement esquissés jusque-là. La relation fusionnelle E.T./ Eliott est magnifiée dans la perte et les retrouvailles tandis que les « créatures de l’ombre » abattent leur menace sur eux. Spielberg verse également dans l’analogie religieuse où E.T. arbore une allure de messie fragile dont les disciples en culottes courtes vont accompagner l’ascension et assister émerveillés à ses miracles. L’envol face au barrage policier sur les notes célestes de John Williams est un grand frisson (et réponse à la scène mythique où le vélo en vol voyait son ombre se dessiner dans la pleine lune) visuel et émotionnel bientôt dépassé par une déchirante scène d’adieu. 

Le passage de cet être sensible et fragile venu des étoiles aura ressemblé et fait oublier ses soucis à une famille qui ne sera plus jamais la même et dans le cœur de laquelle il demeurera à jamais. La tristesse et la fascination nous étreint lorsque le film s’achève sur le regard d’Elliott rivé vers les étoiles. Spielberg aura atteint là une grâce qu’il ne tutoiera plus que sur A.I. (même s’il signera d’autre grands films) preuve de son investissement dans cette œuvre personnelle mais finalement si universelle. Le triomphe du supposé « petit film » deviendra le symbole de ce qu’il peut produire de meilleur. 

 Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Universal

mardi 30 décembre 2014

Les Diables - The Devils, Ken Russell (1971)

Au 17ème siècle, en France. La ville de Loudun se retrouve sous la menace du Cardinal Richelieu (Christopher Logue), soucieux de soumettre les villes fortifiées pour étendre son pouvoir et celui du Roi Louis XIII (Graham Armitage). Le prêtre Urbain Grandier (Oliver Reed), temporairement responsable de Loudun suite au décès de son gouverneur, s’oppose fermement au Baron de Laubardemont (Dudley Sutton) et à ses sbires, venus détruire les fortifications de la ville. Mais la situation se complique lorsque la mère supérieure Jeanne des Anges (Vanessa Redgrave), membre du couvent de Loudun, est sujette à des fantasmes et délires hallucinatoires, résultant de son attirance pour Grandier. Des opposants de ce dernier vont alors chercher à utiliser le témoignage de sœur Jeanne pour décrédibiliser le prêtre…

My most, indeed my only, political film. C’est en ces termes que Ken Russell définit The Devils, le film le plus controversé de sa carrière et un de ses chefs d’œuvre. Le projet arrive à point nommé pour Russell qui aura distillé son sens de la provocation avec une audace croissante au fil de ses premières productions de cinéma - déjà latente dans ses documentaires pour la télévision dont Dance of the Seven Veils un consacré à Richard Strauss et où il associe le compositeur à un nazi. Un cerveau d'un milliard de dollars (1967) amenait une folie et un excès contagieux dans la très sérieuse et cérébrale série d’espionnage Harry Palmer. Women in love (1969) amenait une sensualité audacieuse à cette adaptation de D.H. Lawrence y dévoilant le temps d’une scène le thème récurrent chez Russell de l’homosexualité qui se révèlerait explicitement dans le biopic de Tchaïkovski The Music Lovers (1970). Chacune de ces tentatives sera saluée de succès malgré les scandales et c’est un Ken Russell en pleine confiance et sûr de son art qui va s’attaquer à The Devils.

Le film transpose l’affaire des démons de Loudun, fait divers qui agita la France du XVIIe siècle. Une chasse aux sorcières et des supposés cas de possessions dans un couvent d’Ursuline servirent alors de couverture au Cardinal de Richelieu pour soumettre la ville de Loudun, terreau de résistance à son pouvoir mené par le prêtre catholique Urbain Grandier. L’affaire permit de juger Grandier, source de ces tourments et accusé de pactiser avec le diable et il fut exécuté sur le bûcher sans avoir avoué ses crimes. Politique et religion faisaient des liaisons dangereuses dans ce drame et, même s’il  l’illustrerait par son esthétique tapageuse, tous les faits les plus révoltants dépeints dans Les Diables sont avérés. 

L’épisode inspira bien sûr la littérature et Russell adapte donc le livre Les Possédés de Loudun d'Aldous Huxley paru en 1952 (pour la construction) mais également la pièce Les Diables de John Whiting jouée en 1960 (pour les dialogues). Après en avoir achevé le scénario, Russell l’adresse à la United Artist qui avait produit Women in Love et The Music Lover mais les exécutifs terrifiés par son contenu se retireraient bien vite. La Warner rassurée par les succès récents de Russell finance donc le projet sans doute sans trop en détailler la teneur et persuadée de produire un drame en costume prestigieux. Le tournage se déroulera ainsi sans encombre, les vrais problèmes ne surgissant qu’en post-production et lors de la sortie américaine.

Dès le début du film, on peut clairement diviser le cadre du récit en trois environnements et autant d’états d’esprit. Tout d’abord on cette cité atypique de Loudun, dont l’architecture géométrique imposante contrebalancée par la blancheur immaculée traduit le carrefour de modernité que constitue ces lieux. Les guerres de religions sanglantes et les ravages de la peste ont appris aux catholiques et protestant à cohabiter en paix, faisant de Loudun un monde à part du conflit religieux alors vivace partout ailleurs. Cet équilibre délicat dessine un envers tumultueux la nuit venue où les pulsions se déchainent, sexuelles bien sûr mais aussi morbides à travers les cadavres jonchant les rues, des charlatans soignant la peste par des remèdes douteux.

La droiture et la paix le jour, la luxure et les excès la nuit venue, ces deux facettes reflète le bon et le mauvais qui abrite tout être humain. Cette dichotomie, le prêtre Urbain Grandier (Oliver Reed) a appris à l’accepter. C’est un homme s’abandonnant aux plaisirs des sens avec égoïsme (cette jeune maîtresse enceinte qu’il laisse seule à son sort) mais également un meneur rappelant l’indépendance de Loudun face aux agents de Richelieu qui cherchent à en détruire les remparts symboles de son passé protestant. 

D’autres ne peuvent répondre avec la même force de caractère à cette dualité. C’est le cas de la mère supérieure Jeanne des Anges (Vanessa Redgrave), difforme mais non moins rongée par un désir dévorant pour Urbain Grandier. Cette culpabilité et frustration est la cause d’un tourment qui s’exprime par l’expression la plus douloureuse de la piété (autoflagellations, châtiments corporels) ne pouvant endiguer des fantasmes de plus en plus tourmentés et outrageant. Russell peut ainsi déployer la scène la plus controversée du film, « The Rape of Christ » où les traits de Grandier se substituent à ceux de Jésus sur la croix et où son corps massif s’impose à celui de Jeanne dont les tressaillements expriment autant la stupeur que l’orgasme fiévreux. 

Raide, figée et frémissante dans l’alcôve du couvent, déchaînée et avide de désir dans ses rêves, Vanessa Redgrave est extraordinaire pour exprimer la folie grandissante de son personnage. Quand Grandier acceptant ce qu’il est finit par trouver l’amour sincère avec Madeleine De Brou (Gemma Jones), Jeanne sombrera définitivement dans la démence. Leur deux parcours se font en parallèle, Russell alternant les séquences romantiques élégiaques pour le couple Grandier/Madeleine et dérapages graphiques divers pour Jeanne avec notamment des séquences de masturbation frénétiques. Le machisme de l’époque est subtilement dénoncé, les couvents étant des nids de vieilles filles frustrées qui pense soigner dans l’isolement et la foi leurs désirs inassouvis quand les hommes même sous l’habit religieux peuvent exprimer foi et attrait charnel.

Le récit se déroule à une époque de reconquête pour l’Église catholique romaine, un objectif qui sert plus des ambitions politiques que religieuses. Cette aura de l’église, après avoir dessiné un versant imparfait mais humain à travers les personnages de Grandier et Jeanne va adopter un visage froid sous les traits calculateurs de Richelieu (Christopher Logue). La deuxième partie du film est ainsi une longue suite de tableaux hystériques servant le complot afin de confondre Grandier et faire tomber la ville. C'est le troisième espace qui constitue cette fois véritablement l'enfer sur terre.

Jouet de desseins qui la dépasse, Jeanne subira les derniers outrages, Russell déployant toute la folie dont il est capable dans des séquences d’inquisitions qui aussi folles soient-elles reflètent la réalité des évènements. La force du réalisateur est d’y amener une atmosphère de pur cauchemar à travers les éclairages baroques de David Watkin, les décors néoclassiques de Derek Jarman où après l’austérité clinique du début on passe à des compositions de plans surchargées, des gros plans et zooms agressifs sur des visages déformés dans des rictus de pur démence. 

Russell a beau filmer la confusion, jamais sa mise en scène n’y cède. Les cadrages dessinent la dimension totalitaire de cette église (les lignes architecturales qui dévoilent la prison, la chape de plomb et le côté oppressant de cette société notamment lors de la scène de procès finale) et l’ironie mordante fait mouche sous le dégout. L’inquisition libère ainsi une dépravation qui avait relativement réussi à être contenue par les nonnes qui désormais s’abandonne aux orgies les plus extravagantes.

Si l’on avait le moindre doute d’une conviction sincère des inquisiteurs malgré leurs actes révoltants, la séquence où ils s’absolvent de leur péché par une relique religieuse qui n’en est pas une en dit long sur leur cynisme. Michael Gothard en chasseur de sorcière à l’allure et agitation de rock star exprime le versant le plus chaotique quand Murray Melvin (dans un rôle voisin du précepteur fourbe qu’il tiendra dans Barry Lyndon (1975)) dévoile lui le calcul et l’hypocrisie de ces fous de dieu.

La présence paisible et résignée d’un Oliver Reed habité amène une vraie hauteur au récit, qui ne délivre pas contrairement aux apparences un propos antireligieux mais dénonce l’usage qui est fait de ce message. Le final est un long chemin de croix où les tortures subies par Grandier ne cèdent jamais à la gratuité provocatrice, les situations étant au final plus dérangeantes que les vrais dérapages sanglant restant hors-champs. Cest la grandeur, la droiture et la paix intérieure qui accompagne le martyr Grandier que l'on retiendra, sa marche douloureuse vers le bûcher s'inspirant complètement de l'iconographie religieuse dans les compositions de plans et cadrage de Russell.
La cité ayant cédée à cette propagande et hystérie ne semble pas mériter son défenseur et à peine son dernier souffle lâché, les murailles peuvent s’écrouler et laisser venir la désolation lors d’une dernière scène glaçante. Le film aura un succès à la hauteur de son scandale mais en paiera le prix fort au niveau de la censure. Après une première exploitation anglaise en version intégrale, la Warner horrifiée imposera des coupes drastiques (le viol du Christ s’en trouve quasiment amputé entre autre) pour une sortie américaine qui tournera court pourtant. Ce sera néanmoins cette version censurée qui s’imposera durant toute les exploitations futures du film et le montage anglais d’origine - la vraie version intégrale n'ayant été que succintement diffusée - n’est visible que depuis 2011, année de la mort de Ken Russell. Une oeuvre magistrale qui gêne toujours autant la Warner aux entournures donc, preuve de sa portée intacte.


Sorti en dvd zone 2 anglais dans une magnifique édition dotée de sous-titres anglais, de la version intégrale du film et de nombreux bonus

lundi 29 décembre 2014

Le Limier - Sleuth, Joseph L. Mankiewicz (1972)

Sir Andrew Wyke (Laurence Olivier) , un riche auteur de romans policiers anglais, a invité Milo Tindle (Michael Caine), un coiffeur londonien d'origine plus modeste, à lui rendre visite dans sa somptueuse résidence, aménagée et décorée avec un art consommé du trompe-l’œil. Maniaque de l'énigme et de la mystification, cachant mal son mépris pour ce parvenu dont il connaît la liaison avec son épouse Marguerite, Andrew lui propose de simuler un cambriolage pour toucher l'argent de l'assurance. Milo, impressionné par Wyke, accepte et...

Fin de carrière en apothéose pour Joseph L. Mankiewicz qui signe avec Le Limier un ultime chef d’œuvre composant un condensé idéal de son œuvre. Après la déconvenue de son Cléopâtre (1963 et dont le montage lui avait échappé, le film de 6h en deux parties se réduisant à un seul de 4h, une version intégrale reste à exhumer) les derniers films du réalisateur avaient témoignés d’un cynisme et d’un désabusement croissant dans l’expression de ses thèmes de prédilections (les faux-semblants, l’ambition) avec la comédie Guêpier pour trois abeilles (1967) et le western Le Reptile (1970). La pièce d’Anthony Shaffer (qui signe également le scénario et façonne une trilogie manipulatrice avec The Wicker Man et le Frenzy de Hitchcock) par son concept et sa dimension d’exercice de style s‘avérait donc un écrin idéal pour illustrer la vision amère qu’avait Mankiewicz de ses semblables, certes présente dans toute sa filmographie mais tempérée jusque-là par un certain romantisme (L’Aventure de Mme Muir (1948)), un optimisme pas encore éteint (On murmure dans la ville (1951)) et un sens de la tragédie puissant (La Comtesse aux pieds nus (1954)). Cette fois l’intrigue, le cadre en huis-clos et le duel entre deux uniques protagonistes amène une épure, une noirceur mais aussi une virtuosité bien plus frontale.

L’histoire est celle d’un affrontement entre deux protagonistes dont les différences dessinent toute la problématique du film. Andrew Wyke (Laurence Olivier) riche auteur de roman policier anglais va convoquer dans sa somptueuse résidence le modeste coiffeur londonien Milo Tindle (Michael Caine) qui se trouve être le jeune amant de sa femme. Nul reproche à lui faire mais un curieux marché à lui proposer : simuler le vol d’un couteux bijou dont Wyke touchera l’assurance, tandis que sa vente permettra à Tindle d’assurer le train de vie qu’exigera l’ex Mme Wyke. 

Tout cela dissimule bien sûr une manipulation et un piège diabolique qui va entraîner les deux protagonistes dans un face à face extraordinaire. La première partie du film est celle de Wyke. Erudit, malicieux et hautain, les plaisirs de ce pur gentleman se placent évidement à des niveaux supérieurs, ceux du jeu intellectuel qu’il se plait à constituer dans ses romans policiers, dans son environnement avec cette demeure incroyable composée d’innombrables artifices et au final de sa propre vie avec le défi qu’il va proposer à Milo.

Ce dernier, plus terre à terre ne peut suivre l’humour raffiné, les références culturelles et le bagout que constituent la logorrhée de son interlocuteur. La scène d’ouverture où Wike finit par lui permettre l’accès jusqu’à lui dans le labyrinthe où il s’est égaré annonce ainsi le piège dans lequel il va tomber, l’humiliation où il va se laisser entraîner. Toute cette première partie traduit cette supériorité, dans la caractérisation des personnages comme dans les situations, Wike mène le jeu. Milo attend en vain son tour tandis que Wike achève les coups gagnant de billard, est suffisamment bien manipulé pour accepter ce marché improbable et au final rabaissé plus bas que terre, sa basse extraction ne lui ayant pas conféré l’aptitude à se sortir de ce mauvais pas.

Le Limier constitue donc une vision de la lutte des classes réduites à sa plus simple expression, un affrontement entre tradition et modernité. On peut dans un premier temps réduire ce questionnement à l’Angleterre où cette dimension est si importante. Andrew Wike est un représentant établi de cette haute société anglaise, toisant de toute sa supériorité les inférieurs où se mélangent les pauvres bougres destinés à le rester et les étrangers qui ne seront jamais assimilés. Milo Tindle est de ceux-là méritant d’autant plus le mépris par ses origines « métèques », lui fils d’immigrant italien osant convoiter l’épouse de celui qui le surclasse en tout. 

Sans trop en dévoiler sur les rouages du scénario diabolique, la deuxième partie sera celle de Tindle qui va balayer par son audace cette vision dépassée. Le parvenu/étranger doit faire plus d’efforts pour s’élever, apprendre et s’adapter et du coup exprime une rage et une volonté que les nantis n’ont jamais eu. La revanche se fera ainsi des plus cinglantes, Tindle attendant non seulement de rendre la pareille mais d’éteindre littéralement l’arrogance de Wike en le prenant à son propre jeu.

Le récit prend encore plus de saveur en tenant compte du background des deux acteurs. L’icône shakespearienne qu’est Laurence Olivier, son prestige et ses interprétations légendaires se frotte ainsi au jeune premier montant qu’est Michael Caine qui aura dû plus qu’à son tour affronter ces clivages de classe pour parvenir en haut de l’affiche. On peut y faire diverses interprétations, Olivier représentant une tradition poussiéreuse et figée des arts (le théâtre par exemple) qui ne sortira que momentanément vainqueur quand Caine plus volontaire, plus souple et inventif symbolise une modernité (le cinéma, la télévision) qui saura s’inspirer du passé pour produire autre chose. C’est ainsi que Tindle humilié réussira à concevoir un chausse-trappe encore plus cruel et virtuose pour vaincre Wike.

Mankiewicz assume pleinement l’origine théâtrale de son matériau originel, le générique (sur le score sautillant de John Addison dont le mystère et l'ironie est bien dans l'esprit Cluedo du film) même constituant le cadre du film comme une scène. Il confère cependant à l’ensemble une force toute cinématographique et à l’image de Tindle sait prendre le meilleur des deux mondes pour donner toute la force attendue à son récit. Le décor incroyable (fabuleuse création de Ken Adam) de la maison constitue le vrai troisième protagoniste du film. Les différents éléments (automates, marionnettes) qui le constituent semble s’animer ou s’éteindre au gré des soubresauts de l’intrigue, prendre faveur pour l’un ou l’autre des adversaires à travers des inserts prêtant à interprétations notamment sur le marin rieur Jolly Jack.

Seuls à l’écran pendant plus de deux heures haletantes, Michael Caine et Laurence Olivier offrent des performances de haute volée. Le premier au départ indécis et porté par les évènements s’avère saisissant d’intensité revancharde quand le second tout en arrogance cabotine perd de sa superbe pour finir vaincu et pathétique. Mankiewicz en tirera la fierté d’avoir signé le seul film dont la distribution entière fut nommé aux Oscars (les autres noms du générique étant là pour donner le change dont un savoureux Eve Channing en référence à son All About Eve (1950)). Il termine en tout cas sur un sacré coup d’éclat et l'on ne peut que regretter que cela soit son dernier film alors qu’il ne disparaitra que près de vingt ans plus tard en 1993.

Assez inexplicablement ce n'est toujours pas sorti en dvd français (alors que l'affreux remake de 2007 est bien trouvable lui) dont pour les anglophones se pencher vers le zone 2 anglais qui comporte des sous-titres anglais ou alors l'édition Anchor Bay qui dispose d'une VF très réussie 


samedi 27 décembre 2014

Le Désert des Tartares - Il deserto dei Tartari, Valerio Zurlini (1976)

Le jeune lieutenant Drogo est affecté à la défense d’une forteresse isolée d’une contrée désertique montagneuse. La garnison est chargée de parer à l’éventuelle attaque des terribles Tartares. C’est le temps qui va se révéler être le pire ennemi des hommes du fort, minant leur vie dans une attente interminable sans que les fabuleux Tartares se manifestent jamais...

Au sortir du succès de Le Professeur (1972) qui l’a remis en selle, Valerio Zurlini se voit proposer par Jacques Perrin (acteur emblématique de ses premiers succès comme La Fille à la valise (1961) et Journal Intime (1962)) l’adaptation du plus fameux roman de Dino Buzzati, Le Désert des Tartares paru en 1940. Convaincu par le scénario d’André-Georges Brunelin, Zurlini se lance donc dans la grande aventure de ce qui sera son plus ambitieux et dernier, grande production internationale au casting hétéroclite et prestigieux.

Peintre d’un romanesque où il se plu à illustrer les joies et douleurs d’un premier amour dans ses œuvres les plus fameuses, Zurlini avait amené cette veine romantique vers une tonalité plus résignée avec Le Professeur. Un état d’esprit qui se prête bien à l’atmosphère désenchantée du Désert des Tartares, avec un récit en contrepoint de toutes les promesses de son postulat. Dépaysant et fantomatique, film d’aventures sans action et statique, film de guerre sans combat, Le Désert des Tartares est un grand film sur l’ennui dont les émotions ne vibrent qu’au rythme atrophié des attentes déçues de ses personnages. 

Le jeune lieutenant Drogo (Jacques Perrin) est affecté à la défense d’une forteresse isolée de l’Empire (le lieu, la période et l’empire régnant resteront flous durant tout le film) menacée par les Tartares dans une région montagneuse et désertique. Rêvant d’exploits et d’aventures, Drogo va rapidement déchanter, sentiment annoncé d’emblée par le regard admiratif que lui lance tous les officiers rencontrés et amusés par son enthousiasme. Dès la première séquence en plein désert, la photo de Luciano Tovoli fait dans l’anti Lawrence d’Arabie (1962), faisant de ces terres ensablées un mausolée exprimant plus la désolation que l’appel de l’aventure. 

Les officiers sont des momies à l’attitude résignée tel Filimore (Vittorio Gassman), commandant de la forteresse à la présence quasi spectrale tant il semble extérieur aux évènements de ces lieux dont il a la responsabilité. Tous semblent en fait usés et finalement éteint par l’attente d’un ennemi qui ne se sera jamais manifesté, ces Tartares invisibles. Le souvenir de leur possible présence est entouré d’une aura quasi mythologique qui aura presque fait perdre la raison à certains comme Ortiz (Max Von Sydow) finissant par progressivement croire qu’il a rêvé les apercevoir.

Le récit dépeint ainsi de quelle façon peu à peu cette torpeur finit par gagner un Drogo à son tour rongé par le dépit et l’ennui. L’expérience du combat rode le soldat à l’imprévu, le met sur le qui-vive et affute ses capacités. Ces sentiments d’urgences, de danger et d’adrénaline sont inconnus pour nos personnages qui face à une situation inattendue appliqueront machinalement le règlement quitte à abattre l’un des leurs qui aura daigné prendre un risque.

Les rares moments d’exaltation s’avéreront terriblement vain, une partie de chasse faisant office d’exercice et l’ascension d’un mont enneigé faisant figure de suicide masqué pour le fragile Amerling (Laurent Terzieff). L’entité de l’armée semble être un prolongement de cet immobilisme au-delà même des murs de la forteresse, condamnant ses hôtes à l’attente éternelle sans espoir d’échappatoire. Seul les plus éteint auront droit au départ, l’extérieur n’ayant plus aucun attrait après avoir gâché leurs meilleures années dans cette geôle à ciel ouvert. 

Pour les autres, l’attente sera devenue une addiction, un espoir fou que l’on guette autant que l’on redoute. La folie latente se manifeste ainsi par la vision incertaine de cet ennemi à l’horizon réelle ou rêvée. Jacques Perrin offre une prestation incroyablement habitée, vieillissant et se désagrégeant sous nos yeux par la seule force du désespoir. Et lorsque cette longue attente sera enfin comblée, le feu sera éteint depuis trop longtemps. Drogo se raccroche vainement à ce défi qu’il n’est plus en mesure de relever, Zurlini réveillant subtilement des sentiments vils entre les soldats qui auront su partager leur dépit mais pas la possible gloire qui se profile (Simeon (Helmut Griem) jubilant presque d’évincer un Drogo amoindri).

Le plus important aura donc été d’accepter ce vide sans fin, le film exprimant avec une puissance rare la quête existentielle du livre. Zurlini aura su rendre cela par la seule image, par la grâce de sa mise en scène, par la force évocatrice de son décor (la cité antique de Bam en Iran malheureusement détruite par un tremblement de terre en 2003, le film étant un ultime témoignage de sa splendeur) et la musique envoutante d’Ennio Morricone. Dans une ultime séquence magnifique, les ennemis tartares apparaissent enfin au loin telles des ombres irréelles et ne sont qu’un bruit de cavalcades incertain pour un Drogo qui n’apercevra jamais cet adversaire qu’il a tant attendu et espéré. 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Pathé

vendredi 26 décembre 2014

Antoine et Antoinette - Jacques Becker (1947)

Antoine est un ouvrier travaillant dans une imprimerie. Antoinette, simple employée, s'occupe du photomaton dans un grand magasin. Antoine et Antoinette sont mariés et leurs pensées sont toujours tournées l'un vers l'autre. Un jour, le couple se retrouve en possession d'un billet de loterie gagnant. 800 000 francs, c'est le bout du monde ! Mais un quiproquo autour d'un livre entraîne la perte du ticket par un Antoine déconfit.

De Casque d’or (1952) à Touchez pas au grisbi (1954) en passant par Le Trou (1960) pour citer les titres les plus fameux, Jacques Becker aura quel que soit le genre abordé toujours privilégié une certaine authenticité et un regard bienveillant sur les classes populaire qu’il se plaisait à dépeindre dans ses œuvres. Un attrait en opposition avec ses origines bourgeoise et au départ une forme de rébellion envers un père tyrannique qui fit tout pour le confiner à la reprise de l’entreprise familiale et l’empêcher d’embrasser une carrière artistique. Ainsi lors d’une traversée en bateau vers New York Becker fit la rencontre enthousiaste d’un King Vidor prêt à l’engager comme comédien et assistant à Hollywood mais son père y mettra le veto. C’est la rencontre décisive avec son ami Jean Renoir qui décidera Becker à s’affranchir définitivement puisqu’il deviendra son assistant sur neuf de ses films des années 30 et sera même à l’initiative du Crime de Monsieur Lange (1936) sans pouvoir le réaliser (et source de brouille passagère avec Renoir préféré par le producteur au débutant Becker). Au contact de Renoir et à travers les sujets de leurs œuvres en commun, Becker s’immerge donc à un cadre plus populaire et également au Parti Communiste. C’est sous l’Occupation que Jacques Becker fait ses premières armes à la mise en scène avec Dernier Atout (1942), GoupiMains Rouges (1943) et Falbalas (1945) où il forgera son style. La critique française décèle déjà le talent de Becker à travers ces films d’apprentissage et il confirmera les attentes avec la grande réussite que constitue Antoine et Antoinette, premier film d’après-guerre.

Antoine et Antoinette initie un cycle pour Jacques Becker où il s’attachera à dépeindre le sentiment amoureux par le prisme de ces milieux ouvriers ordinaire et observer la société française d’après-guerre avec d’autres titres comme Rendez-vous de juillet (1949), prix Louis-Delluc, et Édouard et Caroline (1951). Jacques Becker s’attache donc ici de manière tendre à dépeindre le quotidien de son ravissant couple en titre. Antoine (Roger Pigaut), ouvrier dans une imprimerie et Antoinette (Claire Mafféi) employée dans un grand magasin forme un ménage heureux et presque sans nuage. Le scénario dresse vaguement quelques sources de discordes comme l’attirance d’autres hommes pour Antoinette, en particulier le très antipathique et concupiscent épicier du quartier, M. Roland (Noël Roquevert). Les semblants de jalousie d’Antoine sont pourtant balayés par le moindre regard tendre et aimant d’Antoinette, la confiance et l’amour les liant semblant indéfectible. 

La première moitié du film est ainsi une longue description, sans conflit ni le moindre rebondissement de leur quotidien, de leurs tendres retrouvailles après le travail, des week-ends à deux fait de ballade en barque ou de matchs de football. Nous nous immergeons ainsi dans la plénitude de ce couple, Becker alternant cette vision à travers un certain réalisme mais aussi quelques moments surannés jamais trop appuyés (la ballade en barque appuyant le côté fusionnel des amoureux par son cadrage puis par les gros plans de leurs regard langoureux). La mise en scène précise et alerte du réalisateur fait passer ces instants avec une limpidité exemplaire, cette dimension réaliste s’ornant de divers éléments (les personnages secondaires tous plus truculents et attachants les uns que les autres) qui ne suscitent jamais l’ennui, qui ne cèdent jamais au romantisme forcé.

La deuxième partie dresse enfin un enjeu plus concret avec ce ticket de loterie gagnant qui pourrait tout changer, mais qui est malencontreusement perdu par Antoine. Jacques Becker ne dévie pas de ces préceptes pour autant, nulle accélération de rythme, de suspense malvenu ou de dramatisation outrancière pour illustrer cette péripétie. Tout passera une nouvelle fois par les personnages et la description de leurs sentiments. La jalousie un peu infantile d’Antoine avait laissé deviner une immaturité qui s’exprime ici par son attitude de gamin en faute lorsqu’il n’ose affronter le regard de sa compagne après sa perte fatidique. A l’inverse Antoinette s’avère le moteur du couple, plus intelligente, posée et apte à affronter les épreuves. 

On le comprend dans la scène où elle retrouve Antoine défait au bar et qu’elle calme sa détresse par sa présence calme et compréhensive. Becker dépeint là un type de figure féminine indépendante dont l’Occupation avait contribué à l’émancipation mais encore peut vu dans le cinéma français d’alors. Défiant un supérieur trop autoritaire, faisant face sans crainte aux avances insistantes de M. Roland, Antoinette est un personnage épatant porté par la prestation douce et déterminée de Claire Mafféi. Roger Pigaut par sa maladresse toute masculine offre un contrepoint idéal et s’offre même un moment de gloire lorsqu’il flanquera une rouste mémorable à l’infâme M. Roland.

La liberté de la narration se complètera toujours à la précision de la mise en scène où Jacques Becker en opposition à la dimension réaliste contemplative attendue propose une caméra mobile et un montage bien plus découpé que les standards d’alors. Si le film est plutôt lumineux et positif, les atmosphères plus troubles de ses classiques à venir peuvent se deviner dans des instants plus étranges et oniriques, que ce soit la vision assez kafkaïenne de la salle de remise de gain ou encore l’hallucination d’Antoine lui faisant retrouver l’emplacement du billet de loterie. Une réussite en tous points donc que cette œuvre tendre et attachante qui se verra récompensée de la Palme d’ Or à Cannes en 1947. 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Gaumont