Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 28 avril 2020

Shadow of Deception - Naikai no wa, Koichi Sato (1971)

Le motif de l'errance et plus spécifiquement du road-movie est un élément récurrent de la filmographie de Koichi Sato. Ce voyage est à la fois physique et intérieur pour, au bout du chemin, servir de révélateur aux personnages. Sato signe de belles réussites où ce cheminement sert le passage à l'âge adulte dans le beau Journey into solitude (1972) mais aussi une observation du couple, en devenir ou au bord de la rupture dans The Rendezvous (1972) ou La Ballade de Tsugaru (1973). Avant ces deux œuvres, Koichi Sato réalisa ce Shadow of Déception où l'errance du couple adultère formé par Minako (Shima Iwashita) et Sozo (Akira Nakao). Elle vit à Matsuyama et lui à Tokyo où ils se retrouvent ponctuellement. Lorsqu'il viendra passer quelque jours dans sa région pour le travail, ils vont décider de passer plusieurs jours ensemble. Le début du film et quelques flashbacks dressent leurs situations personnelles et les conditions de leur rencontre initiale. Minako était avant son divorce la belle-sœur de Sozo et est désormais mariée à un homme âgé et impuissant. Ils eurent une brève nuit d'amour avant de se rencontrer par hasard quelques années plus tard et reprendre leur aventure.

Koichi Sato façonne une sorte de variation japonaise d'Antonioni pour observer la dégradation progressive du couple. La scène d'ouverture est un indice avec la découverte du corps d'une jeune femme apparemment suicidée par amour. Lors d'une conversation triviale où elle évoque le fait divers, Minako affirme qu'elle serait tout à fait capable de mourir par amour voire de se faire tuer par celui qu'elle aime. Sozo n'a qu'un geste amusé mimant un étranglement pour répondre, mais cet instant sensuel défini finalement l'importance qu'ils accordent chacun à leur relation. Un rebondissement va placer Minako dans une position où elle pourrait tout abandonner pour vivre avec Sozo (bien qu'elle ne lui en dise rien), mais elle va constater la désinvolture de ce dernier. Le jeu fiévreux de Shima Iwashita la voit vivre chaque instant partagé, chaque étreinte, comme s'ils étaient les derniers.

Elle s'accroche passionnément à cet homme auquel elle serait prête à tout sacrifier. Sozo est plus ambigu, privilégiant sa situation qui risquerait d'être malmenée par une séparation. Les dialogues et la mise en scène suggère le "tout ou rien" espéré par Minako entre fuite et abandon, quand Sozo ne cherche qu'à prolonger le plaisir présent sans se projeter plus loin. Plusieurs situations fonctionnent sur ce schéma, notamment lors d'une scène où après que Minako ait parlé de quitter son mari et entraîné une dispute, Sozo se réconcilie par un plaisir immédiat et éphémère d'un bain ensemble. La construction même des scènes d'amour expriment cela, Sato s'attardant avant tout sur le visage en extase de Minako quand Sozo n'est qu'un corps. La seule fois où le procédé s'inverse c'est pour laisser entrevoir le regard calculateur de Sozo pour bien montrer qu'il n'y met pas le même abandon.

Ces hésitations se jouent dans le huis-clos de chambre d'hôtel, tandis que le fossé séparant les personnages se révèle progressivement dans les extérieurs. On passe ainsi d'une corniche que Minako hésite franchir pour rejoindre Sozo alors que tout va initialement bien, à l'obstacle d'une montagne dans laquelle va se jouer le dernier acte. Le film est sous le drame assez parlant des relations homme/femme au Japon. Minako malgré son acte d'indépendance du début de film (quitter son époux) cherche immédiatement les bras d'un autre auprès de Sozo, puis se trouve un nouvel époux impotent, avant de s'accrocher désespérément à son amant réticent.

Pour Sozo cette liaison n'est qu'un aparté à ses ambitions professionnelles pour lesquels il ne veut prendre aucun risque. Il est sans doute réellement amoureux, mais à l'image de la composition de plan d'une des dernières scènes (où dans une allée il s'arrête pour laisser Minako le rattraper) ses sentiments ne peuvent passer que par des instants fugaces quand Minako est prête à lui donner sa vie. La passion dévouée, sacrificielle et névrotique s'oppose donc à l'amour pragmatique et cynique. Très intéressant donc mais sacrément désabusé.

Sorti en dvd japonais

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