Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 7 novembre 2022

Le Voile des illusions - The Painted Veil, Richard Boleslawski (1934)


 En Autriche, Katrin Koerber, fille d'un professeur en médecine, rêve de quitter son pays pour vivre une existence passionnante. Quand le bactériologiste britannique Walter Fane lui demande de l'épouser et de l'accompagner dans sa mission à Hong Kong, bien qu'elle n'en soit pas amoureuse, elle accepte sans hésiter. À Hong Kong, alors que Walter est accaparé par sa mission, Katrin entame une liaison amoureuse avec un homme marié, Jack Townsend, attaché à l'ambassade britannique.

Le Voile des illusions est la première adaptation du roman La Passe dangereuse de William Somerset Maugham, publié en 1925. Il sera suivi par une seconde réalisée en 1957 par Ronald Neame avec Bill Travers, Eleanor Parker et George Sanders pour le triangle amoureux, et une plus récente et assez réussie en 2006 réalisée par John Curran avec Naomi Watts, Edward Norton et Liev Schreiber. Le film de Richard Boleslawski est bien sûr un véhicule pour sa star Greta Garbo qui trouve là un rôle tout en sensibilité. Elle incarne Katrin, une jeune autrichienne résignée à vivre une vie ennuyeuse tout en rêvant d'un ailleurs plus palpitant. Lorsque Walter Fane (Herbert Marshall), ancien élève de son père médecin et fou amoureux d'elle lui propose le mariage et de s'envoler pour une mission en Chine, Katrin y vois l'occasion idéale d'échapper à sa condition. Les lieux du film jouent un rôle essentiel dans les émotions des personnages. Dans la scène d'ouverture où la sœur cadette de Katrin quitte le foyer pour se marier, la séparation se fait depuis la chambre qu'elles partageaient et le dialogue souligne plusieurs fois que la jeune fille n'a pas passé une nuit ailleurs que dans cette chambre durant ces 18 années de vie avant le mariage. Cette convention maritale semble donc être l'unique passeport pour quitter le cocon familial. 

Dès lors le cadre de cette Chine constitue également un arrière-plan fondamental dans l'évolution de Katrin. La mission humanitaire de Walter n'est qu'un élément qui la sépare de lui, n'est que furtivement filmé, dissimulant par conséquent toute une réalité de ce pays d'accueil. En tombant amoureuse et en entamant une liaison avec Jack Townsend (George Brent), séduisant attaché d'ambassade, Katrin ne voit par ce prisme qu'un pan superficiel de la Chine. D'un côté ce seront les clubs fait de loisirs creux où se réunissent les autres épouses de notables, et de l'autre une vision flamboyante, exotique et carte postale mettant en valeur le folklore le plus clinquant et les monuments les plus voyant de cette culture chinoise. C'est le bien que veut lui faire entrevoir Townsend pour instaurer une atmosphère propre à lui permettre de la séduire, ce qu'il va réussir. Dès lors l'époux trompé et meurtri décide de l'emmener dans une zone plus reculée du pays où il doit soigner une épidémie de choléra. La facticité des cadres de leur romance anticipait la nature factice de celle-ci, Katrin constatant le peu d'entrain de Townsend à perdre sa situation et réputation pour elle. 

Contrainte de vivre dans un environnement plus hostile, plus réel et dénué d'artifice, Katrin est donc enfin amenée à vraiment regarder son époux. Elle observe sa dévotion aux autres, comprend l'importance de sa tâche et scrute une Chine au quotidien rude. Le travail sur les décors est remarquable, stylisés de manière volontairement voyante dans la première partie supposée nous en même plein les yeux, et plus subtil dans la seconde où la photo William H. Daniels et les cadrages de Boleslawski façonnent un écrin intimiste dans des espace plus restreints qui forcent le couple à se rapprocher. Le voile/moustiquaire que soulève Katrin pour apaiser son époux épuisé est aussi celui de leur rapprochement initial superficiel, du moins de sa part à elle. Le réalisateur joue d'ailleurs de la réminiscence entre le début où le pas encore couple prenait un thé dans la cuisine des parents de Katrin et où Walter était le plus attentif et suppliant, avec une même situation de tête à tête dans leur maison chinoise. Cette fois c'est Katrin, rongée par le remord, qui semble courir après dans un premier temps le pardon de son mari, puis dans la dernière scène après son amour en ayant compris les sentiments désormais plus authentiques qu'elle éprouve pour lui.

Greta Garbo est absolument remarquable pour traduire tout ce tourbillon d'émotion, magnifiquement mise en valeur par les nombreux gros plans signifiants sur son visage tour à tour égoïste, ennuyé ou amoureux. Herbert Marshall est particulièrement touchant aussi en époux bafoué, offrant une prestation tout en nuance et sensibilité. La narration fluide et délestée de fioritures (le film dure 1h24 à peine) contribue à ce côté direct des émotions qui rend l'ensemble très intense et amène de façon limpide une conclusion qui diffère du livre (et des deux versions suivantes plus fidèle à Maugham) par sa finalité plus positive. Un beau mélo et écrin idéal pour Greta Garbo.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner et doté de sous-titres anglais 

Extrait

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