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lundi 31 décembre 2012

Les Derniers Jours de Pompéi - The Last Days of Pompeii, Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper (1935)


Marcus, forgeron, refuse de combattre dans l'arène malgré l'argent qu'il pourrait y gagner. Mais suite à la mort, faute de soins, de sa femme, il s'engage comme gladiateur et promet l'opulence à son fils. Après une campagne militaire victorieuse, Marcus devient vite l'homme le plus riche de Pompéi.

Les Derniers Jours de Pompéi  est un péplum méconnu qu’on doit à  Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, responsable des classiques King Kong et Le Chasses du Come Zaroff et qui trouvent là matière à une production tout aussi réussie et spectaculaire au sein de la RKO. Le film adapte assez librement le roman d’Edward Bulwer-Lytton et est typique dans son déroulement de la construction dramatique du péplum biblique où un esprit individualiste se trouve progressivement gagné par la foi chrétienne.

Ici ce sera à travers un beau récit de rédemption du personnage de Marcus (Preston Foster)  qui suite à la perte dramatique de sa femme et de son fils faute de moyens, devient obsédé par la réussite sociale et accumule les erreurs de parcours et les reniements moraux pour parvenir à ses fins. Preston Cooper, passant du forgeron naïf  au notable romain arrogant offre une prestation sensible et glaciale à la fois, faisant toujours perler cette douleur passée dans son regard même dans ses actes les plus discutables.

Le film évoque souvent les derniers vestiges du muet dans son traitement surtout au début où la narration se fait de manière essentiellement visuelle (c'est à peine si on ne devine pas des intertitres invisible) et qui pourrait se suivre presque sans le son notamment la remarquable scène où Marcus adopte le jeune fils d'un adversaire qu'il vient de tuer ou encore celle où Jésus guéri son fils, le jeu très expressif et physique de Preston Cooper jouant bien là - dessus. 

Le film brasse ainsi de manière très dense et approfondie une foule de thème comme la réussite sociale, les rapports père fils ou le rôle de la foi dans notre morale quotidienne. Une morale dont n’ont que faire les romains ici dépeint dans toute leur violence et excès, oisifs amateurs de joutes sanglantes de gladiateurs. La punition divine  interviendra avec la spectaculaire éruption du Vésuve, fabuleuse séquence menée de main de maître par le magicien Willis O' Brien qui innove avec des perspectives étourdissantes des bâtiments de Pompéi et de splendide matte painting qui offre leurs lot d’images marquantes (Marcus qui fuit avec son trésor au premier plan tandis qu'on aperçoit les croix sur le mont Golgotha au loin en début de film). 

Le film crée en grande partie ce qui deviendra par la suite des clichés narratifs ou visuels des grands péplums à venir des années 50/60. Le parcours initiatique de Marcus n'est pas sans évoquer celui de Richard Burton dans La Tunique (tout comme les tourments de Ponce Pilate des années après l'exécution), et surtout les apparitions mystique du Christ sans qu'il soit présent à l'image évoquent immédiatement le Ben Hur de Wyler.  Tous ces aspects conservent encore toute leur fraîcheurs ici et offre ainsi une des plus impressionnante et captivante production RKO de l’époque. Le roman connaîtra plus tard une autre adaptation tout aussi libre et réussie par Sergio Leone et Mario Bonnard. 

Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse dans la collection RKO

Extrait de la séquence d'éruption

dimanche 30 décembre 2012

Nowhere in Africa - Nirgendwo in Afrika, Caroline Link (2001)


En 1938, fuyant une Allemagne de plus en plus inhospitalière pour les Juifs, les Redlich partent s’installer au Kenya où Walter, avocat de formation, s’occupe désormais d’une ferme. Son épouse, Jettel, issue d’une famille aisée, a toutes les peines du monde à accepter cette rupture. Seule leur fille, Régina, s’adapte et découvre ce nouveau monde en se liant d’amitié avec Owuor, leur cuisinier kényan.

Superbe film que ce Out of Africa allemand se penchant sur un aspect méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, le sort des juifs allemands en exil à travers le monde. On suit ici le destin de la famille Redlich qui, sentant l'étau des mesures nazies se faire de plus en plus oppressant fuit l'Allemagne dès 1938 pour l'Afrique et le Kenya. Le père Walter (Merab Ninidze) parti en reconnaissance sera bientôt rejoint par son épouse Jettel (Juliane Köhler) et leur fillette Régina (Lea Kurka) où ils seront en charge de la gestion d'une ferme.

Un déracinement profond où chacun réagira à sa façon. Régina, gamine chétive et craintive en Allemagne s'épanouit et s'imprègne des rites et mœurs locaux sous l'influence du cuisinier Owuor (Sidede Onyulo) qui deviendra un second père, son meilleur ami et confident. Walter fait contre mauvaise fortune bon cœur et oublie son ancienne vie d'avocat pour se démener à la tâche tandis que Jettel ne parvient pas à se faire au changement après le train de vie aisée qu'elle a connu.

C'est cette ouverture et ce bonheur simple africain que Caroline Link cherche principalement à traduire et ce de manière de plus en plus prononcée au fil de l'intrigue. Les premières scènes en Allemagne sont ainsi grisâtre, austère et monotone, la menace nazie se traduisant de manière feutrée mais déjà angoissante (ce petit garçon arborant le sigle nazi sur un terrain de jeu) tandis les séquences au Kenya en adoptant surtout le point de vue de Régina ne sont que mystères, curiosités et espaces à perte de vue. La scène où Régina pose pour la première fois le pied sur le sable rouge de la ferme portée tout sourire par Owuor exprime déjà la grande histoire d'amour que vivra la fillette avec le continent noir.

Le film est d'ailleurs adapté du roman éponyme de Stefanie Zweig qui y narrait les souvenirs de cette enfance africaine puisque cette histoire est la sienne et celle de ses parents qui vécurent 9 ans au Kenya. Caroline Link cherche donc avant tout à adopter le point de vue émerveillé de Regina et nous faire partager la découverte de ce nouveau monde. Ainsi une grande partie du film est en Swahili qu'apprend rapidement Régina partagée entre éducation occidentale et sagesse, pragmatisme et philosophie de vie locale. La jeune Lea Kurka jouant Régina enfant est des plus attachante avec une bouille avenante pleine de curiosité et Karoline Eckertz prenant le relai pour la jouer adolescente dans une superbe ellipse est tout aussi épatante.

Le film dépasse ce simple effet dépaysant et carte postale par les questionnements des adultes moins immédiatement séduit. Rongés par l'angoisse pour leur proches demeurés en Allemagne, Jettel et Walter s'interroge ainsi tout au long du film sur leur identité allemande, reniée ou revendiquée et seul lien avec leur vie passée. Le couple sera en conflit constant tout au long de l'histoire. Jettel d'abord dans le rejet de ce nouveau cadre et au comportement hautain avec les autochtones y trouve finalement une seconde famille, une autonomie en tant que femme où elle ne sera plus la simple épouse suivant son époux où qu'il aille (un rebondissement va particulièrement dans ce sens).

A l'inverse, Walter n'aura de cesse de chercher à revendiquer ses racines souillées par le nazisme en se portant volontaire auprès des alliés où par sa volonté de retour final. La quête de soi est un des grands thèmes du film d'autant qu'on évoque ici des faits méconnus comme l'isolement des juifs au sein même de cette communauté des alliés tel ces moment révoltant où les enfants juifs sont désignés et mis de côté dans l'école anglaise que fréquente Régina.

L'universalité et la fraternité tient donc finalement plus aux liens que tissera la famille avec les diverses personnalité rencontrée et le film regorge de moment de grâce : Régina escaladant à moitié nue sans pudeur les arbres avec son meilleur ami kenyan, n'arrivant pas à dormir et allant se blottir dans la couche d'Owuor ou encore toute la ferme unie pour chasser une invasion de sauterelle.

C'est avec une même mélancolie que les Redlich sur le départ qu'on quitte ce film enchanteur (un des meilleurs films allemands des années 2000 décennie du renouveau) et qui obtiendra en 2003 l'Oscar du meilleur film étranger. Il est dommage que le livre suivant de Stefanie Zweig Irgendwo in Deutschland racontant le retour en Allemagne n'ai pas été adapté ensuite tant on s'est attaché aux personnages. Dépaysant et plein de grâce.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal


samedi 29 décembre 2012

Princesse Mononoké - Mononoke Hime, Hayao Miyazaki (1997)


L'histoire se déroule dans le Japon médiéval (ère Muromachi). Ashitaka, le prince de la tribu des Emishis, est frappé d'une malédiction après avoir tué un dieu sanglier devenu démon. La chamane du village le dit condamné à mourir et lui conseille de quitter le village afin d'aller chercher à l'ouest la cause de la colère de la nature et l'espoir de trouver la raison de sa malédiction. Il se retrouve mêlé à une guerre entre les esprits de la forêt, animaux gigantesques et doués de parole (auxquels il faut ajouter San, la princesse Mononoké élevée par la louve Moro), et Dame Eboshi, dirigeante du village des forges qui exploite la forêt…

Au moment de réaliser Princesse Mononoké, Hayao Miyazaki pense signer là son ultime film et testament cinématographique. Le réalisateur semble alors avoir relevé tous les défis qu’il s’était fixé. En fondant le Studio Ghibli, il a su imposer une structure lui laissant toute latitude créative et ayant imposé de nouveaux standards de qualité dans le paysage de l’animation japonaise. Il y affinera son art en sachant le faire évoluer d’une veine allant de l’épique (Nausicaa, Le Château dans le Ciel) à un intimisme sensible (Mon voisin Totoro, Kiki la petite sorcière) et une maturité et mélancolie plus adulte sur Porco Rosso (1992). La relève du studio est également assurée par le brillant Yoshifumi Kondo qui s’est montré digne du maître avec son merveilleux premier film Si tu tends l’oreille (1995).

Miyazaki semble ainsi avoir tout mis dans ce supposé dernier film. On retrouve ici par le prisme de la grande épopée les grandes thématiques de l’auteur comme l’écologie et plus précisément l’opposition entre nature et modernité, la coexistence entre l’homme, son environnement et ses traditions. Tous ces questionnements s’articulent dans un Japon médiéval et mythologique où cohabitent encore douloureusement humains et Dieux.  Dans ce qui est sans doute son film le plus sombre, Miyazaki montre comme inéluctable l’opposition de ces deux forces. 

Le drame naît de la malédiction dont est victime le héros Ashitaka en défendant son village d’un dieu sanglier devenu démon. La déité a ainsi muté après avoir été blessée par balle et perdue la raison, renfermant toute sa rancœur et sa haine des hommes dans la douloureuse blessure infligée à Ashitaka. En remontant la piste de la bête qui a causé sa perte, il va découvrir à une échelle plus vaste un conflit où chaque partie à des motifs justifiés dans son attitude.

D’un côté Dame Eboshi gère des forges qui font vivre tout un village et dont l’extension nécessite une exploitation de plus en plus vaste des ressources de la forêt. Voyant ainsi leur territoire se restreindre, leur pouvoir s’amenuiser, les créatures et déités ancestrales livrent une guerre sans merci à maîtresse des forges. Pour montrer l’aspect insoluble de cette opposition, Miyazaki montre sous leur meilleur jour le quotidien humains et la vie de la forêt. Son féminisme ressurgit à travers le personnage de Dame Eboshi et la place accordée au femmes dans le fonctionnement de la forge, celle-ci ayant accueillie et rassemblés les plus faible et démunis pour créer un cadre solidaire et prospère qu’on découvre ici avec une chaleur palpable dans les vignettes enjouées qui parcourent la description. 

Quant à la forêt, la première traversée par Ashitaka est un instant de magie pure où cette nature devient un personnage à part entière grouillant de vie, de faune luxuriante et de créatures étranges tel les sylvains guidant notre héros dans son trajet. Cette vision teintée de religion animiste culmine avec l’apparition contemplative et hypnotique du Dieu Cerf dont le regard doux et bienveillant semble réunir tout le salut et savoir contenu par cette forêt à préserver.

Miyazaki délivre une version plus aboutie de son déjà grandiose Nausicaa avec notamment à nouveau une héroïne prise entre deux feux, ici avec San humaine élevée parmi les loups et partagée entre ses sentiments pour Ashitaka et sa haine de Dame Eboshi et ceux qui saccagent la forêt. Le souffle épique et la puissante solennité dégagée par l’ensemble se trouve encore décuplée par la partition magistrale de Joe Hisaishi qui délivre son score le plus abouti pour Miyazaki. Cette musique illustre également le virage du réalisateur vers une imagerie plus baignée  de culture japonaise qu’occidentale (ce que confirmera Le Voyage de Chihiro à venir), où les thèmes symphoniques majestueux se mêlent à  des sonorités plus excentriques et bizarres emprunts de la spiritualité véhiculée par le film.

Le final est à la fois résigné et teinté d’un mince espoir. La cupidité des hommes et la violence incontrôlable des animaux (ce retour à l’état animal stupide étant causée par la perte de ce patrimoine) ira jusqu’à toucher le Dieu Cerf dans une conclusion destructrice et symbole de recommencement. L’ère moderne et le temps des hommes est venu et désormais l’héritage des dieux n’a plus sa place au sein d’une entité tangible mais nous entoure par cette nature qu’il ne faut cesser de préserver. 

Miyazaki rejoint là le John Boorman d’Excalibur dans sa réflexion (voir le Tolkien du Seigneur des Anneaux on connaît l’influence de la littérature et des mythes occidentaux chez Miyazaki parfaitement assimilés), la magie est bien morte mais ne cesse pourtant de nous entourer. La scission est pourtant inéluctable et consommée entre le monde des hommes et celui des bêtes et le monde industriel naissant évoqué dans le film ne cessera de s’étendre. Ce constat amer est tempéré par les touchants adieux entre San et Ashitaka qui font néanmoins quitter cet univers sur une note heureuse.

La mort inattendue du successeur annoncé Yoshifumi Kondo obligea finalement Miyazaki à revoir sa décision de retraite.  Alors qu’il semblait avoir tout dit, il se renouvellerait miraculeusement loin du bruit et de la fureur de Princesse Mononoké en adoptant le point de vue d’une petite fille dans Le Voyage de Chihiro, le film de la reconnaissance internationale.

Sorti en dvd zone 2 chez Disney, notamment dans un très belle édition collector exclusive à la France mais peu être difficilement trouvable aujourd'hui.

jeudi 27 décembre 2012

Week-end à Zuydcoote - Henri Verneuil (1964)


En juin 1940, durant la Bataille de Dunkerque, des soldats français et anglais tentent d'embarquer pour l'Angleterre.

La plupart des films de guerre français réalisés durant l’immédiat après-guerre n’eurent de cesse de prolonger la figure d’un pays résistant et vainqueur. Le cinéma suivait ainsi une volonté politique d’occulter le spectre de la collaboration et de véhiculer une vision héroïque de la France à travers des films révisionniste comme La Bataille du rail de René Clément ou privilégier la facette victorieuse à travers les grandes fresques internationales comme Le Jour le plus long ou Paris brûle-t-il ?. Avant les futurs grands films abordant frontalement la question comme Le Chagrin et la pitié de Max Ophuls, Lacombe Lucien de Louis Malle ou l’Uranus de Claude Berri, quelques films osèrent dépeindre la France sous l’angle de la défaite. On pense à La Traversée de Paris et son évocation du quotidien sous l’Occupation, Le Caporal épinglé de Jean Renoir et donc ce Week-end à Zuydcoote d’Henri Verneuil qui adapte là le roman éponyme de Robert Merle.

Le film suit la grande débâcle que fut la bataille puis la fuite de Dunkerque en juin 1940. Là, les soldats français défait et isolé de leur garnison et commandement se voyaient coincés entre deux feux : l’armée allemande progressant derrière eux et face à eux La Manche où les Alliés anglais battaient en retraite. Livrés à eux-mêmes tandis que le chaos se déchaîne de toute part, nos soldats ne sont plus que des hommes cherchant à survivre.  Verneuil relate cette déroute dans une tonalité comique picaresque dans un premier temps à travers les pérégrinations du soldat Julien Mallat (Jean-Paul Belmondo) et de ses compagnons d’armes,  le philosophe abbé Pierson (Jean-Pierre Marielle), le jovial  Alexandre (François Perrier) ou le roublard Dhery (Pierre Mondy). 

Les vignettes tragi-comiques se multiplient dans le périple de Mallat pour gagner l’Angleterre : Une jeune amusée observant à jumelles depuis sa fenêtre les bombardements, un conflit routier entre un gradé en voiture et un porteur de cadavre pour traverser un sentier. Des petits riens qui cachent le dénuement et l’impuissance de ces français face à un monde qui s’écroule. Néanmoins le caractère frondeur et idéaliste du personnage de Bebel donne un vrai souffle à cette quête désespérée et ce n’est que lorsqu’il perdra ses dernières illusions (après une apocalyptique scène de naufrage lors d’un bombardement allemand) que le film va sombrer dans une radicale noirceur.

 Les comportements des heures sombres à venir se dessinent à travers la « débrouillardise » de Pierre Mondy se préparant une situation confortable avec l’arrivée des allemands, les bas-instincts qui se libèrent avec ces deux soldats français tentant de violer une jeune femme (Catherine Spaak). Cette même jeune femme qui n’hésitera pas quelques minutes plus tard à s’offrir à un Mallat stupéfait, appuyant l’absence de manichéisme et le constat des plus amers de Verneuil et Robert Merle (qui signe également les dialogues).

La mise en scène d’Henri Verneuil s’avère impressionnante, transcendant un budget moins élevé que ce qu’il paraît à l’écran. La logistique est énormes entre les vraies scènes à grand spectacle (les bombardements, le naufrage), la reconstitution et surtout le sentiment de mouvement constant que Verneuil confère à l’ensemble.

Nos personnages débattent ainsi de tout et de rien tandis que la vie grouille en arrière-plan, entre déambulations de troupes, véhicules et déflagration inattendues, renforçant le réalisme et l’ampleur du contexte.  On retrouve un peu la thématique du Caporal Epinglé où l’amitié pourrait combler cette perte de repère mais c’est bien le désespoir qui domine lors de la cinglante conclusion. Un des très grands films de guerre français et peut-être le meilleur film de Verneuil. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal