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mercredi 30 juin 2010

Pandora - Pandora and The Flying Dutchman, Albert Lewin (1951)


A la fin de l'été 1930, un corps est retrouvé sur la côte espagnole. L'oncle Geoffroy raconte... Pandora Reynolds (Ava Gardner) est une belle chanteuse américaine, adulée de tous. Mettant ses prétendants à l'épreuve, elle demande à Stephen Cameron, un pilote automobile britannique, de jeter sa voiture du haut de la falaise. En échange, elle lui fait une promesse de mariage. Intriguée par un yacht appartenant à un certain Hendrick van der Zee (James Mason), elle s'y rend à la nage. Ce dernier n'est autre que le « Hollandais Volant », un marin maudit condamné à naviguer éternellement, autorisé à ne vivre une vie humaine que six mois tous les sept ans. À moins qu'une femme n'accepte de mourir par amour pour lui...

Pandora demeure encore aujourd’hui un objet insaisissable de l’âge d’or hollywoodien et aura constitué un des mariages les plus réussis entre sophistication intellectuelle, esthétique flamboyante et souffle romanesque. C’est également l’œuvre qui fit passer Ava Gardner de la star à l’icône avec un rôle mythique qui allait bouleverser sa vie et sa carrière. Quittant pour la première fois les Etats-Unis à l’occasion de cette production, Ava Gardner allait découvrir ses pays d’adoption avec l’Espagne et l’Angleterre où était tourné le film. La timidité et le secret de son caractère allaient trouver un cadre idéal avec la réserve anglaise, tandis que sa spontanéité et son tempérament volcanique pourraient enfin s’épanouir dans la ferveur latine espagnole. Elle qui ne s’était jamais vraiment sentie chez elle à Hollywood pourrait enfin être elle-même. C’est exactement de cela que parle Pandora, d’un éveil émotionnel où l’intime ne se révèle que par le prisme du mythe. Albert Lewin en appelle aux figures de légende pour dépeindre la fascination croissante de sa caméra pour Ava Gardner.

Réalisateur au parcours atypique, Albert Lewin aura toujours été une figure à part dans le paysage de l’âge d’or hollywoodien. Passionné de poésie et de littérature - il publia un roman en fin de carrière, The Unaltered Cat, ainsi que des poésies dans sa jeunesse, qu’il jugeait médiocres - il effectue de brillantes études à Harvard puis, suite à une rencontre avec l’un de ses fondateurs Samuel Goldwyn, intègre la MGM au détour des années 1920. Il y gravira lentement tous les échelons, apprenant les ficelles du métier en occupant tour à tour les postes de lecteur de scénario, script doctor puis scénariste à part entière avant la consécration lorsque Irving Thalberg, haut responsable du studio, en fera son bras droit. Cependant, son image d’intellectuel le suivra tout au long de ce parcours, au point qu’un collaborateur lui dira à ses débuts qu’il n’a aucun avenir dans le cinéma, car trop cultivé.

Lewin n’est certes pas le seul intellectuel à Hollywood mais, contrairement par un exemple à un Mankiewicz tout aussi érudit, ce bagage ne sert pas une vision du monde désabusée et cynique. Au contraire, chez lui les références servent souvent un contenu flamboyant et torturé que l’on retrouvera tout au long de sa courte filmographie témoignant de cette sensibilité : The Moon and Sixpence (1942), évocation de la vie du peintre Gauguin, Le Portrait de Dorian Gray (1945), adapté d’Oscar Wilde, ou encore The Private Affairs of Bel Ami (1947), d’après Guy de Maupassant. Témoin de ce mélange détonant entre sophistication et romanesque qui le caractérise, l’apparition dans les trois films de peintures en Technicolor - les films étant en noir et blanc - qui provoquent un choc esthétique et dramatique. Une tradition perpétué dans Pandora où certains décors sont d'ailleurs conçus par Man Ray.

Cet élan du réflexif à l’âme, Albert Lewin semble enfin capable d’en donner la pleine mesure avec Pandora qu’il écrit et produit lui-même suite au refus de la MGM de participer au film. Scénario original, Pandora poursuit donc dans cette voie ambitieuse puisqu'il mélange rien moins que le mythe grec de la boîte de Pandore et celui nordique du Hollandais volant dans une version inspirée de la relecture qu’en fit Wagner pour son opéra Le Vaisseau fantôme, le tout se déroulant dans l’Europe des années 1930, berceau de la "Génération perdue" des F. Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway. Cette nuée de références confère donc au récit un arrière-plan sophistiqué - souligné par les dialogues pleins d’emphase - qui pourrait faire craindre une tonalité pompeuse. C’est pourtant une manière pour Lewin de façonner son propre mythe et d’en apporter une dimension postmoderne. Le drame en marche ne semble sur le papier que rejouer le mythe - James Mason guère surpris de voir Pandora surgir la première fois sur son navire puisqu’il est en train de la peindre - mais instaure le doute et l’incertitude à travers le traitement de Lewin.

Il nous fait craindre et espérer à la fois que la légende se répète puisque s’y confondent la mort et l’amour fou, le premier étant l’aboutissement logique du second. Le leitmotiv du film est ce que l’on est prêt à sacrifier par amour, et c’est le cheminement que devra effectuer Pandora (Ava Gardner) qui au départ n’est qu’une chimère, un symbole. La boîte de Pandore, c’est elle, et tous les personnages masculins fous d’amour pour elle viendront s’y perdre sans espoir de retour. Reggie (Marius Goring) désespéré s’abandonnera au suicide, Stephen (Nigel Patrick) lui sacrifiera sa rutilante voiture de course. Indifférente et cruelle au début de l’histoire, Pandora ne peut aimer car elle n’est qu’une obsession, un objet à posséder pour tous ces hommes qui la convoitent - le regard chargé de désir de Nigel Patrick avant de balancer sa voiture dans le ravin ou encore les attitudes machiste du toréador  Montalvo l’expriment parfaitement.

Sa beauté est au départ capturée dans une élégance froide, témoin de la distance du personnage sur ce qui l’entoure avec ce mouvement de caméra qui nous révèle sa silhouette lors du spectacle de flamenco. Cette indifférence est en fait une attente qui s’ignore pour un amour réel, et lui fait accepter presque par dépit la demande en mariage de Stephen. Albert Lewin saisit par la suite l’éveil sentimental d’une Pandora s’embellissant au fur et à mesure que le film avance et des tumultes de son cœur pour le Hollandais volant. Paradoxalement, elle va ainsi s’inscrire dans le mythe en s’humanisant, en montrant ses failles. Désormais ses traits angéliques ne surgiront plus que par de saisissants gros plans, que la photo de Jack Cardiff voile d’un halo l’élevant au rang de déesse, son expression étant cependant bien celle d’une femme amoureuse. De même, plus le film avance, plus ses tenues se font extravagantes et d’évocation antique, le bouillonnement intérieur se traduisant par le port. Le trouble de Pandora s’illustre donc par l’emphase de la première fois et offre un parfait complément à la réserve de celui qui a trop vécu, trop vu et souffert, Van Der Zee.

Ce dernier est formidablement campé par un ténébreux James Mason, dans la lignée des héros de Lewin, élégant, torturé et désabusé. L’alchimie entre les deux comédiens fonctionne idéalement entre la passion ardente de l’une et la mélancolie de l’autre, avec à la clé le plus poignant dilemme qui soit : le Hollandais ne peut se résoudre à demander à Pandora de mourir pour le sauver de sa malédiction révélée dans un saisissant flash-back. Chaque scène entre eux, chaque regard brûlant en appellent à cet assouvissement du désir dans un appel mystique qu’ils ne peuvent fuir. James Mason exprime à la fois la verve, l’éloquence de la légende par des répliques désabusées tandis que la raideur de sa présence et son regard contrit dévoilent le conflit de sa fuite / attirance pour Pandora.

Accepter son amour c’est se libérer, mais le tourment qui lui fit tuer sa première incarnation est désormais celui qui le pousse à l’épargner même s’il doit errer en mer pour l’éternité. Lewin parvient à traduire ces contradictions lors de la séquence nocturne sur la plage, où tous les partis pris précédemment esquissés peuvent pleinement se dévoiler. Pandora avoue sans fard ses sentiments à Van Der Zee, ce dernier l’accepte avant de se raviser en comprenant ce qui est en jeu. Juste auparavant, un plan magnifique aura résumé le fossé qui les sépare avec Pandora agrippée à une statue antique tandis que Van Der Zee indécis lui tourne dos face à la mer - la signification de Van Der Zee, « de la mer » en néerlandais, étant d’autant plus juste à ce moment-là.

Le cadre côtier du petit port espagnol d'Esperanza donne une tonalité inédite à une forme de récit plus aisément associée au fantastique gothique anglo-saxon, en apportant une ambiance sensuelle de désir toute latine et méditerranéenne. La minutie de l’esthète Albert Lewin n’aura jamais été plus forte que sur Pandora. Outre son attrait obsessionnel pour Ava Gardner (de nombreux gros plans seront retravaillés en studio à Londres), le réalisateur aidé par la photographie prodigieuse de Jack Cardiff isole les personnages dans des superbes compositions de plans, des visions baroques et majestueuses inspirées des peintures de Magritte et de De Chirico - à qui un hommage est rendu avec la peinture réalisée pour le film - le tout alternant avec des cadrages expressionnistes magnifiant le réel et le rapprochant toujours plus de la légende, telle cette cloche qui semble dominer la plage des cieux.

La décadence moderne et les visions mythologiques se confrontent sans cesse à travers les situations - les deux amants entourés de statues antiques en marge d'une soirée jet set - mais aussi des personnages. L’amour finalement vain des hommes s’exprimant par les démonstrations viriles - Stephen au volant de son bolide, Montalvo dans son arène de toréador - ne peut rivaliser avec celui sous forme de renoncement, de mise en retrait du Hollandais volant.

La mort tant attendue et l’apaisement de son âme ne valent pas le sacrifice de Pandora. Comme dans les précédentes œuvres de Lewin, l’accomplissement thématique et narratif passera pas la vision d’un tableau. Au début du film, Van Der Zee avait effacé le visage de Pandora de sa peinture, la rendant à son abstraction de boite de Pandore. Lorsque le tableau réapparaît à la fin, le visage y retrouve sa place quand Pandora décide de le rejoindre. Elle n’est plus cette figure détachée et de perdition, mais un être charnel et passionné prêt à mourir pour lui. La légende ne s’exprimera vraiment que par les actions extraordinaires de ses protagonistes qui s’y inscrivent par leur humanité.

Ils peuvent désormais se figer dans l’éternité après cette vision d’un sablier qui se fissure, l’effet spécial grossier du navire battu par les flots nourrissant ce côté symbolique. La narration en flash-back de Harold Warrender aura amené une hauteur plus réfléchie au récit mais elle-même se pare de stupeur et d’admiration lors de la conclusion, là aussi dépassée par cette vibrante expression d’un amour inconditionnel. Échec commercial à sa sortie, incompris et qualifié de prétentieux, Pandora aura néanmoins gagné avec le temps son statut de chef-d’œuvre pour demeurer aujourd’hui l'un des plus beaux et original représentants du genre romanesque.

Edition dvd zone 2 sortie aux éditions Montparnasse (à la copie moyenne vu la splendeur visuelle que constitue le film) aujourd'hui très difficilement trouvable même en occasion. Jusqu'ici une édition zone 1 pas trop cher était disponible dénué cependant de sous titres français ni anglais mais grande nouvelle le film sera réédité dans une version restaurée début aout en dvd et Blue Ray ! On ne sait pas encore si des sous titres seront disponible pour cette future edition (mais une édition française devrais suivre à coup sûr) mais le film retrouvera au moins ses plus beaux atours...

Petit comparatif entre les anciennes et la toute nouvelle édition ça s'annonce magnifique...

Pain, Amour et Jalousie - Pane, amore e gelosia, Luigi Comencini (1954)


A Sagliena, le brigadier du village se retrouve délaissé par la sage-femme qu'il devait épouser. Mais le brigadier n'a pas oublier la belle Maria.

La conclusion parfaite du premier permettait d'en rester là mais cette suite très réussie prolonge parfaitement le charme et approfondi bien les thèmes de "Pain, Amour et Fantaisie". Le film démarre pile là où s'arrêtait le précédent et bouleverse des situations qu'on pensait bien installée. On retrouve ce portrait de la société italienne rurale puritaine et ancrée dans la tradition avec la révélation de la fin du premier film sur le personnage de Maria Merlini qui est une mère célibataire ce qui entraîne foule de ragots et de contrainte lorsque le père de son enfat réapparait au détriment du maréchal. Le final forçant le couple à rentrer dans le rang montre bien le poids des apparences comme encore dominant au point de renoncer au bonheur pour donner une bonne image.

La meilleure trouvaille est d'appuyer sur les déboires de la paysanne jouée par Gina Lollobrigida dont le charme provocant suscite une mauvaise réputation injustifiée, cette dernière livrant une prestation encore plus survoltée et émouvante que dans le premier film. Le couple avec le carabinier timide fonctionne un poil moins bien ceci dit.
Ca n'en oublie pas d'être très drôle notamment avec des relecture des moments cultes du premier. Le double accouchement du premier volet se voit remplacé par un double baptême où le Maréchal est obligé de s'empiffrer et de boire chez l'un et l'autre de ses hôtes pour ne pas les vexer. Le côté très outré et truculents typiquement italien de tout le casting (la bonne Caramella est irrésistible) donne une une énergie débordante au film et on ne voit pas le temps passer.

Dommage que la conclusion soit un peu brouillonne (malgré de jolie scène comme la mort de l'âne ou les adieux avec la sage femme) et du coup rend le film moins bon que son prédécesseur. Une dernière scène très enjouée qui annonce de nouvelles aventures amoureuses pour le Maréchal, cette fois sans Gina Lollobrigida et Comencini et dans un cadre tout différent. A suivre...

Extrait

mardi 29 juin 2010

Pain, Amour et Fantaisie - Pane, amore e fantasia, Luigi Comencini (1953)


L'histoire se passe à Sagliena, un village de montagne imaginaire dans une région perdue d'Italie. Vittorio De Sica interprète un maréchal de logis des carabiniers, Antonio Carotenuto. Entre deux âges il pense qu'il serait grand temps de se marier, et jette son dévolu sur la jeune Maria De Rittis (Gina Lollobrigida), surnommée la Bersagliera, dont il voudrait faire sa fiancée, mais elle est déjà amoureuse du subordonné timide de Carotenuto, Pietro Stelluti (Roberto Risso).Avant la déferlante des comédies italienne méchantes amorcées par Le Pigeon de Monicelli, il y eut toute une vague de comédie populaire durant les années cinquante qui annoncèrent le mouvement. Ce Pain, Amour et Fantaisie est sans doute un de ces plus beaux spécimens en plus de constituer le premier film majeur de Luigi Comencini. Une vision truculente, touchante et ensoleillée de l'Italie qui constituera presque l'idéal de l'imagerie du pays pour les spectateurs du monde entier tant elle est réussie. Le film est surtout le fruit d'un formidable travail collectif tant Vittorio De Sica aura vampirisé le film à travers son interprétation chaleureuse du carabinier, Comencini ayant imaginé un personnage plus antipathique et un film plus incisif et moins tendre. Il aura bien le temps d'apposer sa griffe sur ses films suivants et on ne regrette pas la tournure qu'à pris le projet*.

Plongée dans l'Italie rurale des années 50, où le poids du commérage et de la piété à l'église fait loi, le tout brossé avec humour. De Sica se retrouve ainsi transféré dans ce coin perdu sinistre pour un célibataire où les coutumes et les non dit entraîne une série de quiproquos qui vont mener à un marivaudage charmant. De Sica passe ainsi de la pulpeuse Gina Lollobrigida à la douce Maria Merlini au fil de l'histoire sous le regard curieux des villageois adorant colporter les rumeurs. Les soupçons de néo réalisme sont toujours l'humour ayant remplacé la tragédie, comme la misère dans laquelle vit la famille de Gina Lollobrigida, la réaction en chaîne que provoque la trouvaille d'un billet de 5000 lires où tout le village priant la mort du riche propriétaire de la région quand il vient à se trouver mal.

Le tout s'englobe parfaitement dans le tourbillon amoureux du film et notamment la charmante amourette parallèle entre Gina Lollobrigida et un jeune carabinier timide. Lollobrida en paysanne rustre débordant de sexe appeal crève l'écran, l'exubérance typiquement italienne et terre à terre cotoyant le charme et la beauté du personnage dont Comencini se plait à mettre les forme en valeur, la future diva se dessinant peu à peu sous les atours de paysanne. Quelques scènes sont remarquables tel ce moment De Sica conte fleurette à Merlini entre deux accouchements, les remerciements exaltés à Saint Antoine et une très jolie fin qui met à mal un certains tabous de l'époque en parlant d'une fille mère. Un énorme succès qui entraînera 2 suites (2e volet excellent, 3e plus poussif on en reparle bientôt par ici), difficile à imaginer tant celui ci se termine idéalement mais l'ambiance bucolique est tellement agréable qu'on a effectivement envie d'y revenir.

* Dans les bonus on raconte même que dans les images d'un documentaire de Orson Welles venu rencontrer Gina Lollobrigida en Italie, une séquence montrait De Sica devant une table de montage où on voyait des images de "Pain, Amour et Fantaisie", confirmant son emprise sur le film.


Sorti dans une jolie édition dvd zone 2 mais privilégier le coffret regroupant les 3 volets, trouvable au même prix que les épisodes séparés bizarrerie commerciale.

Extrait

lundi 28 juin 2010

La Vie Privée d'Henri VIII - The Private Life of Henry VIII, Alexander Korda (1933)

Henry VIII, souverain redouté, eut six femmes toutes aussi différentes les unes que les autres : la très convenable Catherine d'Aragon, la malheureuse Anne Boleyn, la naïve Jeanne Seymour, l'ingénieuse Anne de Clèves, l'ambitieuse Catherine Howard et la sérieuse Catherine Parr. Henry VIII leur a réservé à chacune un destin particulier sans jamais trouver le bonheur durable avec l'une d'entre elles...

La Vie privée d’Henry VIII est un film fondamental pour le cinéma anglais. Son succès immense prouvera qu’il est possible de produire des films ambitieux et de qualité en Angleterre, faisant de son réalisateur/producteur Alexander Korda le grand mogul du cinéma local. Celui-ci est pourtant loin d’être un débutant avant ce triomphe et a déjà vécu plusieurs vies. C’est en Hongrie, son pays natal, qu’il s’aguerrira en signant 25 films entre 1914 et 1919 avant de fuir le régime communiste pour s’installer en Autriche puis en Allemagne. Là, il se frotte aux genres qui feront sa gloire en Angleterre avec le film d’aventures historique Le Prince et le pauvre (1920) et prendra déjà l’habitude de prendre une base littéraire hongroise pour des œuvres telles que Herren der Meere (1922) ou Die Tragödie eines verschollenen Fürstensohnes (1922). A fin des années 1920, il tente l’aventure hollywoodienne et effectuera même un passage remarqué en France puisqu’on lui doit Marius (1931), premier volet de la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol. Tout au long de ce parcours, Alexander Korda nouera des amitiés et des contacts avec divers collaborateurs qui le rejoindront lorsqu’il s’installera au Royaume-Uni pour fonder la London Films en 1932. C’est entre autres le directeur photo Georges Perinal, le scénariste Lajos Biró, sans parler de ses frères Zoltan et Vincent qui le suivent dans cette nouvelle aventure.

La Vie privée d’Henry VIII est la première production d’envergure de London Films et une vraie prise de risque par ce choix du film historique alors que, jusque-là, la société avait donné dans la comédie contemporaine - Maryrose et Rosemary (1932), Men of Tomorrow (1932). Ce risque sera dans un premier temps financier, la compagnie n’ayant pas les moyens d’une reconstitution nantie, et il faudra un accord avec United Artists pour compléter le budget en cours de tournage. L’autre vraie difficulté viendra du ton à donner, Korda optant d’abord pour un récit centré sur Henry VIII et Anne de Clèves avant de finalement traiter des cinq autres épouses. C’est l’ensemble de ces facettes qui détermineront l’approche de chronique et de comédie plutôt qu’un film historique classique, car si la chronologie des évènements est respectée on privilégiera l’intimité de ces hommes de pouvoir en laissant la grande Histoire de côté. Les scénaristes Lajos Biró et Arthur Wimperis prennent ici leurs marques dans ce qui fera la saveur des autres « Vies privées » et ne cessera d’être affiné dans La Vie privée de Don Juan (1934), Rembrandt (1936), et dont le mélange des genres s’applique à d’autres productions Korda majeures comme Le Mouron rouge (1934) qui reprendra l’idée d’une scène d’exécution devant des spectateurs hilares. On savourera entre autres les dialogues brillants et bien plus corsés que les prudes productions hollywoodiennes - les demoiselles d’honneur comparant le physique d’Henry avec celui de son bébé jusqu’à évoquer un attribut qui n’est pas prononcé mais aisément compréhensible.

L’ouverture du film montre d’emblée à quel point cette approche est originale et novatrice. On assiste simultanément aux préparatifs du mariage entre Henry VIII (Charles Laughton) et Jane Seymour (Wendy Barrie), un évènement dépendant de l’exécution pour adultère d’Anne Boleyn (Merle Oberon) qui se déroulera juste avant. Les dialogues et situations piquantes alternent avec le mélodrame le plus pathétique. Le roi s’amuse de la bêtise de sa future épouse tandis que la précédente avance dignement vers l’échafaud. Charles Laughton impose d’emblée une présence ogresque et paillarde, un barbe bleue rigolard qui amuse et horrifie alors que parallèlement les compositions de plan quasi religieuses mettent en valeur la noblesse et le courage de Merle Oberon. Pourtant même le sort tragique d’Anne Boleyn sera source d’amusement avec la dispute entre le bourreau français et le bourreau anglais vexé qu’un étranger soit appelé pour la tâche, et ce mari promettant une nouvelle robe à sa femme pour son exécution quand celle-ci s’extasie sur la tenue d’Anne Boleyn. L'atmosphère sinistre  conjuguée à cet humour noir partage ainsi le spectateur quand les coups de canons permettent à Henry et sa fiancée patientant devant l’autel de convoler joyeusement.

Tout le film est contenu dans cette ouverture, ces ruptures de ton symbolisant le caractère versatile et insatisfait d’Henry VIII. Le souverain sera ainsi tour à tour grotesque et touchant, vulnérable et tyrannique. Korda tourne une grande œuvre sur la solitude du pouvoir, où le mariage sera tout à la fois une obligation de protocole et d’alliance politique mais aussi une quête effrénée et impossible d’un amour sincère. Charles Laughton est parfait pour apporter ces nuances - ce moment où il s’apitoie sur la mort en couche de Jane Seymour pour dans la seconde s’enorgueillir de son nouveau-né masculin - et chacune des épouses fait basculer le film dans des genres très différents avec toujours ce même constat d’échec pour les amours du roi. La grandeur tragique d’Anne Boleyn et la superficialité de Jane Seymour nous auront donc frappés en ouverture quand plus tard la malice d’Anne de Clèves (Elsa Lanchester, épouse de Charles Laughton à la ville et une complicité palpable) donnera un des séquences les plus drôles où un divorce se jouera aux cartes. Enfin, le vrai mélodrame interviendra lorsqu’un Henry enfin apaisé et amoureux sera trahi par Catherine Howard (Binnie Barnes) et son favori Thomas Culpeper (Robert Donat).

 Après la légèreté qui a précédé, Korda rend ce moment incroyablement tragique et si les affaires extérieures restent largement en arrière-plan, le lien du roi et de sa nation apparait tout de même ici. Les désirs et non-désirs de mariage d’Henry et l’humeur orageuse qui en découlent ("l’obligeant" à épouser Anne de Clèves puis "l’empêchant" ensuite de convoler avec Catherine Howard) rythment ainsi l’atmosphère de la cour silencieuse avec son roi broyant du noir ou hilare avec ce dernier lorsqu’il nage dans le bonheur. Les seuls moments où on le verra prendre des décisions d’Etat seront ainsi ceux de ses amours épanouis avec Catherine Parr où il libère les poètes et amnistie les condamnés à mort. La trahison tragique et la découverte de l’adultère seront traitées avec sobriété car cette fois sources de drame, et Korda l’amorce par des situations (Henry repu dans son lit tandis que Culpeper et Catherine s’enlacent, lorsqu’il les incite à danser ensemble peu avant de découvrir leur liaison) et des choix visuels marqués. L’atmosphère de trahison et de secret s’exprime ainsi par ces contours de décors constamment plongés dans l’ombre comme pour dissimuler l’impensable.

La crise de sanglots d’Henry est un vrai serrement de cœur où l'on oublie le roi pour s’émouvoir de l’amoureux blessé dans sa chair. Visuellement ce n’est pas le plus flamboyant des Korda du fait d’un budget plus limité que les productions plus fastueuses à venir. Cela sert finalement le film dans lequel la grandeur des lieux et des protagonistes alterne avec leur nature et leurs préoccupations terre à terre. Vincent Korda compose ainsi des décors qui même lorsqu’ils sont imposants donnent par leur nature factice un côté étouffant, enfermant les personnages dans leur destin et leur fonction. L’humain ressurgit de manière crue lorsque Alexander Korda fait alterner cette élégance visuelle avec des gros plans grossiers accentuant la comédie (la dernière scène où Henry dévore un gigot sans manière) ou le drame avec le visage usé et tendre d’Henry sur son lit, regardant une Catherine Howard cachant difficilement son dégout. Les mouvements de caméra, les travellings délicats mettant en valeur les compositions de plans évoquent une grandeur solennelle toujours désamorcée par les facéties ou les failles du souverain.

La dernière scène où le roi vieillissant et sénile semble enfin avoir trouvé une épouse dévouée (Catherine Parr  sixième femme jouée par Everley Gregg) mais plus nourrice qu’amante résume parfaitement le tout par ce dialogue : « La meilleure des  épouses mais aussi la pire ! » Le drame commun nourrit l’existence et donne vie à ces grandes figures historiques à travers le regard d’Alexander Korda.  La Vie privée d’Henry VIII sera un immense succès en Angleterre et aux Etats-Unis, lançant la carrière de Charles Laughton et l’emprise d’Alexander Korda sur le cinéma anglais.

Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant

samedi 26 juin 2010

Les Seins de Glace - Georges Lautner (1975)


François (Claude Brasseur), un écrivain de télévision, est venu travailler à Nice. Au cours d'une promenade sur la plage, il rencontre une femme, Peggy (Mireille Darc). Des meurtres sont commis. Peggy est le suspect numero 1. Deux ans plus tôt, elle avait tué son mari, qui l'avait forcé à se prostituer pour la drogue. Elle ne semble ne pas être guerrie et est suveillée de près par son avocat Marc Rilson (Alain Delon), amoureux d'elle.Adapté du roman de Richard Matheson Someone is Bleeding, le film offre à Georges Lautner une surprenante incursion dans le thriller psychologique. L'ambiance trouble et étrange voit une Mireille Darc froide et distante réveler lun passé mystérieux au fil de la séduction du naïf Claude Brasseur. L'atmosphère se fait oppressante et éthérée avec une photo hivernale et diaphane de Maurice Fellous dans un Nice fantomatique.

Lautner tisse d'intenses moments d'angoisses comme la visite d'un immeuble où Brasseur et Mireille Darc se retrouvent coincés dans un ascenceur puis dans un parking où par le seul sens du cadre et de l'ambiance se dégage une tonalité presque fantastique. D'ailleurs Lautner lorgne assez ouvertement vers le giallo par instant avec des meurtres bien graphiques et sanglant (dont un aux ciseau bien gratiné), des plans signature (la tige de fleur coupé par un rasoir lors du final) et un le beau score mélancolique de Philippe Sarde qui se teinte par instants des lignes de basse et de ce son synthétique typique des thriller transalpins.

Le soufflé retombe un peu dans la deuxième partie surtout à cause du scénario qui répète un peu trop certaines situations (les atermoiements de Mireille Darc entre Delon et Brasseur) mais c'est sans compter un final scotchant de noirceur et de mélancolie. Le personnage de ébranle les certitudes du récit et devient un amoureux tragique bouleversant (le vrai couple qu'il formait avec Mireille Darc contribuant bien sûr à l'intensité de ce retournement final) et le dernier regard de Mireille Darc (fascinante dans ce registre perturbé plus inhabituel) hante longtemps le spectateur. On regrettera juste que la prestation trop décontractée de Claude Brasseur ne soit pas à la hauteur de la vraie noirceur du film (sans parler de quelques écarts comme une scène gratinée où apparait Philippe Castelli).




jeudi 24 juin 2010

Ho ! - Robert Enrico (1968)



Ex-coureur automobile, François Holin, est aussi le chauffeur d'une équipe de malfrats qui n'ont pas beaucoup de respect pour lui et le considèrent comme un minus. Un jour, l'occasion se présente pour lui de diriger une opération, mais les autres ne veulent rien entendre. Tant pis, Ho ira seul.Un film de gangster tout à fait atypique pour ce qui reste un des meilleurs rôle de Jean-Paul Belmondo. Celui-ci campe un ex coureur automobile déchu pour magouille reconverti chauffeur de gangster aspirant à la grande vie. En soif de reconnaissance, il est traité en larbin et méprisé par ses complices. Un concours de circonstance lui permet d'avoir la possibilité de prendre le pouvoir, qu'il va totalement rater avant qu'un coup d'éclat inattendu le transforme en ennemi public numéro 1.

Belmondo est génial en gangster flambeur qui se voit plus beau qu'il n'est, et le scénario adapté d'un roman de José Giovanni anticipe les contours de deux des plus grande figures du crime des années à venir en France. Robert Spaggiari (massacré récemment dans le biopic signé Jean-Paul Rouve) pour l'image de caïd faussée qu'il dégage et Mesrine pour le jeu avec les médias. Le film sans construction linéaire narre l'errance de Ho, incapable de concevoir un plan sur le long terme contrairement aux bandits endurcis, multipliant ainsi les escarmouches et s'affichant avec crânerie.

Belmondo est génial, se moquant presque sans le savoir des héros rouleur de mécaniques qu'il incarnera plusieurs fois à l'avenir. Le film joue autant ainsi sur la rouerie de son héros (avec une des scène d'évasion parmi les plus géniales jamais filmée où mimétisme et duperie de la lourdeur administrative font merveilles) que sur un vrai aspect hard-boiled méchant tel cette fusillade éclatant en pleine rue et surtout un face à face final assez mémorable et filmé au cordeau par Robert Enrico.

Diaporama sur l'excellente musique signé François de Roubaix

mercredi 23 juin 2010

Le Temps d'aimer et le temps de mourir - A Time To Love and A Time to Die, Douglas Sirk (1959)


1944. Alors qu'il revient dans sa ville natale pour une permission de trois semaines, Ernst Graeber, jeune soldat allemand envoyé sur le front russe, rencontre Elisabeth Kruse, dont il tombe amoureux. Mais la guerre qui continue va bouleverser leur histoire...

Adapté d'un roman de Erich Maria Remarque farouche pacifiste traumatisé par son expérience de la 1ere guerre mondiale ( et déjà adapté plusieurs fois au cinéma comme pour "A l'ouest rien de nouveau"), le film est également une forme d'exutoire pour le réalisateur Douglas Sirk. Exilé aux Etats-Unis lors de la montée du nazisme, son fils embrigadé par son ex femme (pour le punir de son remariage avec une juive) dans les jeunesse hitlérienne et fut porté disparu sur le front russe. L'histoire représente ainsi une vision fantasmée et romancée par Sirk de ce qu'il espère avoir été les dernières semaines de son fils.

Le début sur le front russe est ainsi très dur, entre les les conditions climatique extrêmes, des soldats usés et sans idéal et certains débordements de violence choquant comme cette exécution de civils arbitraire. Certains traits d'humour très noir font leur petit effet comme l'arrivée du printemps qui signifie le dégel des cadavre, et les soldats essayant d'estimer le mois de la mort d'après la congélation. Ajouté aux taupes de la Gestapo guettant le moindre écart, le film offre une vrai vision de cauchemar du front russe. On s'attache ainsi au destin de Ernst Graeber, et du répit qui lui est offert par 3 semaines de permission. Là encore, entre bombardements quotidiens, pénuries et convocation arbitraire de la Gestapo, la mort circulent au quotidien, renforcé par le tournage en Allemagne sur les lieux des évènements.

La seule lueur d'espoir est incarnée par l'histoire d'amour entre Graeber et Elisabeth Kruse. Après des années d'obéissance contrainte en tant que soldat de métier, la rencontre lui permet d'ouvrir les yeux et d'exprimer son amertume sur la situation en Allemagne tandis pour elle c'est l'occasion de retrouver un réconfort après que son père ait été déporté en camp de concentration. Les deux acteurs sont très bons et touchant et Sirk atteint des sommets de puissance mélodramatique, tout les moments heureux étant régulièrement obscurcis par un évènement rappelant la situation désespérée mais où le couple parvient toujours à faire face.

Quelques rares moment de légèreté comme les blagues de potache dans l'infirmerie des soldats blessés plaisantant sur leur conquêtes féminines où sur les tromperies de leurs femme allège un peu un film au ton très noir. La conclusion est assez terrible et témoigne de l'absurdité provoquée par les conflit avec le héros victime de la main même de celui qu'il venait d'épargner, dans un front russe encore plus apocalyptique.

Sortie en dvd zone 2 dans une très belle édition (à l'instar des autres grand film de Sirk) chez Carlotta.

mardi 22 juin 2010

Complot à Dallas - Executive Action, David Miller (1973)



L'histoire d'un complot organisé contre le président des Etats-Unis...

Près de 20 ans avant le JFK de Oliver Stone et 10 ans après les faits Executive Action tentait de donner son explication à l'assassinat de mort de Kennedy et était un des premiers à afficher ouvertement la thèse de la conspiration pas encore répandue (et qui deviendra vraiment populaire avec le film de Stone). On assiste donc à la machination menée plusieurs hommes d'affaires, personnalités haut placées et hommes de main (on esquive la CIA et le FBI) dominé par Burt Lancaster et Robert Ryan machiavéliques. Des républicains pur et dur dont les affaires et l'esprit obtus ne supportent pas la politique progressive de Kennedy.

On a régulièrement tout au long du film un montage alterné sur les préparatifs de l'assassinat avec des archives de discours de JFK où il annonçait des accords de désarmements avec les russes, une volonté d'intégration des noirs ou encore sa volonté de retirer les troupes américaine du Vietnam. Ce procédé renforce davantage encore la détermination des comploteurs et certains dialogues appuie leurs idées nauséabonde comme lorsque Robert Ryan souhaite le maintien américain en Asie pour empêcher la multiplication de la population et ensuite appliqué le procédé au USA pour les noirs et les hispaniques.

Bien que toutes les théories soient bien connues aujourd'hui, le film était vraiment dérangeant pour l'époque (vu la fraicheur des évènements) et l'excellent scénario de Dalton Trumbo détaille tout les rouages que Stone illustrera à son tour : les trois tireurs, le travail de fond pour faire de Oswald un coupable idéal avec un sosie qui arpente le Texas en se revendiquant communiste à qui veut l'entendre... On voit aussi la profonde inconscience qui régnant alors avec un Kennedy venant dans un Texas hostile avec un protection indigne de son rang.

A la virtuosité de Stone, Miller oppose un style sobre dans la droite lignée des thrillers politique 70's dont la déferlante s'annonce avec le scandale du Watergate. La lente montée de tension alors que se prépare le drame à venir est sans doute le meilleur moment du film, le meurtre en lui même étant montrée de manière frontale et violente.

La courte durée du film (1h30) permet d'oublier un déroulement assez monotone tout de même (des gens assis en train de discuter tout le film finalement) et le cast des hommes de mains et des tireurs propose une galerie de trogne des plus réussies : Ed Lauter, Richard Bull (le gentil Nels Olson dans  "La petite maison dans la prairie" ! le choc de le voir en assassin) et Dick Miller. Une vraie curiosité très intéressante donc.

Trouvable en dvd zone 2 chez Warner

lundi 21 juin 2010

Fathom - Leslie H. Martinson (1967)


 Parachutiste chevronnée, la voluptueuse Fathom Harvill (Raquel Welch) est envoyée en Espagne par les services secrets britanniques à la recherche d'un insaisissable partisan de la guerre (Tony Franciosa) soupçonné d'avoir mis la main sur un détonateur nucléaire mystérieusement égaré. Mais l'espionne découvre les véritables intentions de ses commanditaires.

Excellentissime comédie d'espionnage 60's, un sous genre pas si simple à gérer mais qui compte son lot de pépites comme les les deux Flint ou encore la première version de Casino Royale. Leslie H.Martinson, réalisateur entre autre de l'adaptation cinéma de la première série parodique Batman gère idéalement l'équilibre entre comique et sérieux. Si on est bien conscient que l'on est devant un objet léger et fantaisiste, l'intrigue n'est jamais traitée par dessus la jambe et se suit avec intérêt de bout en bout porté par un esprit serial particulièrement plaisant avec son lot de péripéties, trahison et retournement de situations surprenant (comme l'enjeu qui change totalement suite à une révélation à mi film).
Le film repose entièrement sur le charme et le classe de Raquel Welch. Epatante en espionne amateur, elle affole totalement le spectateur par son sex appeal ravageur (il faut voir son apparition en petit bikini vert...) mais avec l'once de second degré sur elle même et de charme qui font la différence tout en étant tout à fait crédible dans les moments plus tendu. Le jeu de séduction avec le personnage ambigu de Tony Franciosa (très classe et charmeur aussi) fonctionne donc très bien avec une belle alchimie entre les deux.
Contrairement aux Filnt ou à Casino Royale cités auparavant, on est plus dans une comédie d'espionnage qu'une parodie, et le scénario évite les moments en roue libre (qui gâchait le bariolé Modesty Blaise de Joseph Losey par exemple) avec une intrigue bien nerveuse et palpitante. Martinson livre un festival de morceaux de bravoures bien enlevés où une réelle tension se ressent.
Au programme une course poursuite en hors bord digne de meilleurs James Bond, Raquel Welch en robe rouge livrée en pâture à un taureau dans une arène de corrida, un face à face en pleine mer avec un tueur armé d'un harpon ou encore un joli duel aérien final entre deux avions. Léger, enlevé et emballé en 1h30, petite surcrerie irrésistible pour les amateurs du genre.

Facilement trouvable en dvd zone 2 et zone 1

Petite leçon de pliage de parachute avec Raquel Welch lors du générique de Maurice Binder, il fait chaud d'un coup...



Et la bande annonce d'époque jouant à fond sur les charmes de Raquel Welch

vendredi 18 juin 2010

Gendarmes et Voleurs - Guardie e ladri, Mario Monicelli (1951)



Ferdinando Esposito vit de petites arnaques à Rome. Déguisé en guide il vend de fausses pièces antiques à des touristes, l'un d'eux, Locuzzo, découvre qu'il vient de se faire avoir et jure de retrouver Esposito qui s'enfuie. Ce dernier recrute des enfants pour aller chercher des colis à une distribution de bienfaisances organisée par des Américains à destination des familles italiennes en difficulté. Mais alors qu'arrive son tour, Esposito découvre que l'Américain organisateur n'est autre que Locuzzo, qui le reconnait et envoie le sergent Bottoni à ses trousses. Au bout d'une longue poursuite le policier rattrape le voleur, mais ce dernier, par un subterfuge, arrive à s'échapper.Locuzzo est furieux et en réfère en très haut lieu. Bottoni est suspendu et menacé de procès pour négligence. S'il veut s'en tirer il va devoir retrouver Esposito avant la date du procès.

 Plusieurs années avant le céléèbrissime Le Pigeon, Monicelli tentait déjà le rapprochement entre comédie et néoréalisme (qui allait trouver son aboutissement avec le film de 58 et lancer la comédie italienne féroce) à travers cette commande pour le comique Toto co réalisée avec Sténo. On est donc bien évidemment loin de la méchanceté et de la noirceur de la grande comédie italienne et le tout est encore largement imprégné de préoccupations sociales. On ressent beaucoup cela dans le traitement des personnages dans la tonalité des comédie populaires italiennes des années 50, tous très attachants malgré la provenance douteuses de certains. On assiste donc ici au redoutable jeu de chat et de la souris entre un officier de police balourd incarné par Aldo Fabrizi et un voleur sournois joué lui par Toto.

Le scénario se montre très inventif pour dépeindre leur rapport. L'opposition joue à plein lors de leur première entrevue où Fabrizi traque longuement Toto après l'arnaque de celui ci sur un touriste. La poursuite est hilarante de lenteur et de ridicule, et la séquence qui suit entre aparté improbable (Steno et fabrizi qui stoppe un temps leur poursuite pour discuter de cure thermal de repos ) ,échanges savoureux (avec un Toto irrésistible de sans gêne qui humilie Fabrizi durant leur conversation) et l'évasion finale de Toto est un grand moment de comédie.

L'histoire prend ensuite un tour étonnant, l'officier devant retrouver celui qui l'a roulé sous peine d'être sanctionné. L'idée de son enquête est fabuleuse, puisqu'il va se rapprocher de la famille du voleur et se faire bienfaiteur afin de le retrouver. Une ambiguité se fait jour, le policier adoptant une méthode tout aussi sournoise que l'escroc pour l'arrêter, avec pour victime une famille innocente quand l'autre ne s'attaquait qu'à de pauvres bougres touristes (ce que souligne un échange entre eux à la fin du film). La pression sociale poussant à des actes répréhensible finit donc par rapprocher leur deux trajectoires.


L'époque n'est pas encore à aller au fond thématique de cette dualité et finalement Fabrizzi s'attache à la famille de son ennemi, qui lui même explore la sienne de son côté avec un savoureux moment où les deux s'interceptent au téléphone, chacun étant au domicile de l'autre. La facture visuelle évoque bien évidemment le néo réalisme à travers les quartiers populaires de Rome et ces environs encore très champêtres mais Monicelli parvient à délivrer quelques moments à la limite du Tex Avery lors des innombrables poursuite entre ses deux héros, et le film est sacrément drôle du début à la fin. Très sympathique, je découvre un peu Toto avec ce film et serait très curieux de voir les autres films faits avec Steno ou Monicelli s'ils sont aussi réussis.


Facilement trouvable en dvd zone 2 français

Extrait tordant