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vendredi 13 août 2010

La Comtesse aux Pieds Nus - The Barefoot Contessa, Joseph L. Mankiewicz (1954)

A l'enterrement de Maria Vargas, sous la pluie, Harry Dawes se souvient...
Engagé par le producteur Kirk Edwards pour réaliser un film, ils découvrent leur vedette un soir dans un cabaret de Madrid: Maria Vargas. La danseuse devient alors Maria D'Amata, une star hollywoodienne adulée. Mais celle-ci se sent terriblement seule et rêve de rencontrer son prince charmant.


Un des grands chef d'oeuvre de Mankiewicz que cette version moderne de Cendrillon où l'héroïne aurait conservé son innocence dans un monde sans magie. La structure narrative évoque un autre classique du réalisateur, All About Eve. Une ouverture sur un grand évènement (la célébration pour Eve un enterrement avec La Comtesse) où chacun des souvenirs des principaux protagonistes nous éclaireront sur la personnalité de la femme justifiant leur présence dans une narration en flashback.

La voix off n'a jamais été aussi omniprésente chez Mankiewicz, adoptant le point de vue de l'ami et mentor Humphrey Bogart, de professionnel sans scrupule en quête de lumière Oscar Muldoon (Edmond O'Brien) et de l'amoureux Torlato-Favrini (Rossano Brazzi). Le ton du film change selon le regard que chacun porte sur elle, nostalgique et triste pour Bogart qui voyait en elle une femme seule et blessée, blasé et illuminé à la fois pour Muldoon pour qui ce talent brute et sincère reste un mystère puis romanesque et ténébreux avec Brazzi pour qui elle représentait le clou du musée consacré à sa famille sur le déclin. La récit est nimbé du voile du souvenir à travers les regrets de ces trois hommes et la photo flamboyante de Jack Cardiff qui su déjà si bien illuminer la beauté d'Ava Gardner dans Pandora. Elle retrouve l'aura d'icône inaccessible du film de Lewin ajoutée à une lueur de désespoir égaré constant dans le regard.

Ses trois regards différents éclairent Ava Gardner sous un jour à la fois mystérieux et insaisissable, tragique et terriblement poignant. Mankiewicz fait preuve de sa cruauté et de son cynisme coutumier pour dépeindre les moeurs hollywoodienne (l'ouverture et son festival de répliques assassines donne le ton, tout comme la voix off désabusée) mais là ou dans Eve la cercle continu de l'ambition et de l'arrivisme amusait ou dégoutait ici le personnage de Maria si pur plongé dans ce monde ne peut qu'émouvoir.

On passe donc de l'ascension, l'errance puis la chute d'une icône trop fragile pour le conte noir moderne dont elle est l'objet. Ava Gardner exprime à merveille tout ces nuances tour à tour aussi irréelle et insaisissable que dans Pandora puis aussi démunie qu'une enfant dans l'instant suivant. Pour son premier film au sein de sa société de production Figaro, Mankiewicz se permet toute les audaces dans son scénario brillant pour lequel les stars féminines hollywoodiennes du moment s'étriperont.

Jennifer Jones est stoppée par son mari David O'Selznick qui s'est un peu trop reconnu dans le Kirk Edwards, Linda Darnell brise son couple (elle était avec Mankiewicz depuis Chaînes Conjugales) avec Mankiewicz car il ne veux pas l'auditionner et Rita Hayworth refuse elle le rôle de Maria un peu trop librement inspiré de sa vie malgré malgré les dénégations de Mankiewicz. De toute façon depuis Pandora l'association Espagne/Ava Gardner ne laisse pas imaginer qui que ce soit d'autre dans le rôle.

Les aspect les plus osés et sombre (l'impuissance de Brazzi) symbolisent l'amertume croissante de Mankiewicz, lui qui à l'habitude de se créer un double distancié dans ses histoires passe ainsi des rieurs et cyniques Diello (James Mason dans L'Affaire Ciceron) et Addison Dewitt (George Sanders dans Eve) au désabusé et mélancolique Harry Dawes magistralement incarné par Bogart à l'allure fatiguée. Hormis l'épique Cléôpatre cette noirceur et absence d'espoir dans le genre humain ira en s'accentuant dans ces films suivants. Là, malgré le destin brisé de Maria Vargas l'émotion a encore sa place...



Disponible en dvd zone 2 français


4 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce film, que j'ai vu il y a... bien longtemps.

    Je n'aurais pas pensé à rapprocher la construction de La comtesse aux pieds nus" avec celle d'"All about Eve", mais maintenant que vous le dites...

    Ava Gardner, dans son autobiographie, nie que le film soit inspiré de sa vie, et pourtant, il y a des similitudes troublantes (en particulier, le fait qu'enfant, Ava, issue d'une famille pauvre, trouvait rassurant de tremper ses pieds dans la boue plutôt que de porter des chaussures).

    L'histoire de cette Cendrillon moderne aurait pu sombrer dans le mélo, mais le film évite cet écueil grâce à une savante construction et de très bons acteurs, Ava Gardner et Humphrey Bogart en tête.

    Concernant la fin, j'ai lu quelque part que le scénariste, au départ, avait fait du comte italien un homosexuel, mais comme on n'en parlait pas de manière aussi directe dans les films de l'époque, il s'est vu obligé de broder toute cette histoire autour de l'impuissance du personnage.

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  2. Oui c'est vrai le scénario de Mankiewicz faisait du comte un homosexuel. Apparemment c'était le gros tabou de l'époque Mankiewicz a également esquivé le sujet dans un de ses films suivant "Soudain l'été dernier" ou le personnage du mari disparu est homosexuel sans que ce soit dit (contrairement à la pièce de Tenessee Williams) bien que ce soit tout de même bien explicite.

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  3. Je ne sais pas si vous avez lu Amour et érotisme au cinéma (je crois que c'est le titre) d'Ado Kyrou, des Cahiers du cinéma. Pour ce genre de films, c'est ce livre, une mine, qui, adolescent, a fait mon éducation, me révélant l'existence de Ruby Gentry, Le portrait de Jenny, Traquenard, Péché mortel, Duel au soleil, Pandora et tous les autres sommets de ce genre. Je vous le recommande, si vous arrivez à le trouver.

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  4. Et non je n'ai pas lu ce livre mais ça me tente beaucoup vu qu'une bonne partie des film que vous citez on été évoqué ici comme Le Portrait de Jennie ou Pandora ça m'a l'air très intéressant je chercherait ça merci !

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