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lundi 16 août 2010

Le Signe de la Croix - The Sign of The Cross, Cecil B. Demille (1932)


En 64 après Jésus-Christ, l'empereur Néron (Charles Laughton) ayant mis Rome à feu et à sang décide de condamner tous les chrétiens en ordonnant leur élimination complète. Cependant, Marcus, le préfet de Rome, tombe sous le charme de Mercia (Elissa Landi), une douce et fidèle chrétienne qui n'a pas l'intention de renoncer à la foi, même contre l'amour absolu de Marcus.

 Pour le cinéphile moyen, le nom de Cecil B. Demille est synonyme de gigantisme à travers les épopées spectaculaires aux budgets pharaoniques que sont Les Dix Commandements, Samson et Dalila ou dans un registre plus contemporain Sous le plus grand chapiteau du monde. La rétrospective ayant eu lieu à la cinémathèque française en 2008 montre que le réalisateur est bien plus digne d'intérêt que cette image, en bien comme en mal d'ailleurs. Parmi les chrétiens affirmés les plus fervent de l'âge d'or hollywoodien, il témoigne pourtant d'une facette caustique et sombre étonnante que ce soit dans les comédies conjugales de son oeuvre muette et surtout dans les grands mastodontes à venir.

Sous la maîtrise visuelle , ses penchants très à droite s'affirment (le révisionnisme de l'excellent film d'aventure Les conquérants du Nouveau Monde) ainsi qu'un certain penchant pour la violence et le sadisme. Reviennent alors à l'esprit quelques moments outrancier tel que l'orgie païenne au veau d'or dans Les Dix commandements (version 1956) ou encore des passages forts coquin de sa relecture de Cléopatre.

S'il y a bien un film montrant l'ambivalence de DeMille, c'est Le Signe de La Croix. Plongée dans l'enfer de la persécution des chrétiens sous la Rome de Neron, le film oppose donc la piété à toute épreuve des chrétiens à la décadence et la luxure des romains. La surprise est surtout provoquée par l'outrance et la démesure employée pour illustrer cette dernière.

La vérité absolue détenue par les chrétiens est assénée plus que de raison tout au long du film avec un DeMille multipliant les signes (avec les symbole de croix apparaissant de manière inattendue et inventive plusieurs fois à l'image), des scène de sermons fiévreuse et exaltées où les croyants ne font qu'un (la réunion secrète dans les ruines ponctuée de chant) et surtout la personnalité de son héroïne Mercia campée par Elissa Landi. La foi s'avère plus forte que la mort lors d'un final poignant où elle préfère être livré en pâture aux lions plutôt que de renoncer à ses convictions et sauver sa vie en fuyant avec Marcus. Lors du générique de fin, on a même droit au logo de la Paramount illuminé par un halo divin...

Si ce n'était que cela le film serait finalement bien conventionnel mais DeMille craque totalement dans sa description de la luxure romaine. Cléopatre et Les Dix Commandements comportaient comme déjà dit leur moments déviants mais rien qui ne nous prépare à à la folie du Signe de La Croix alors que celui ci leurs est bien antérieur. Un des derniers films pré code Hays qui ne se refuse donc aucun excès. On découvre entre autres une Claudette Colbert aguicheuse en diable en impératrice, toute en pose suggestive et tenues dénudée qui s'avèrera nymphomane et bisexuelle. Ainsi lors d'une scène des plus érotiques, on la découvre (nue et exhibant fièrement sa poitrine) prenant un bain de lait d'ânesse entourée de servantes, qu'elle congédiera bientôt pour inviter l'une d'entre elle à la rejoindre...

Le Néron campé par Charles Laughton est quand à lui un souverain nonchalant et influençable bouffi d'excès et de violence, le physique poupin de Laughton renforçant son côté décadent tandis que la cour de Rome ne semble qu'être un nid de vipères partagé entre les intrigues de coulisses et les orgies.

Le tout est poussé à son summum lors de la dernière demi heure où on assiste au jeux du cirque des romains, monument de sadisme absolument pas édulcoré. Il faut le voir pour le croire : des affrontements de gladiateurs bien hargneux et sanglants, femmes et enfants ligotés et livrés en pâtures à des lions, des crocodiles et des ours affamés, des hommes ayant la tête écrabouillé par des éléphants le tout sans aucune censure...

On bascule même dans le Tinto Brass (réalisateur italien responsable d'une version de Caligula au confins de la folie et de l'érotisme dans les 70's) avant l'heure lors d'un affrontement entre des pygmés d'Afrique et des gladiatrices, celles ci les jetant dans les airs pour qu'il s'empalent sur leurs lance devant un public hilare, De Mille multipliant les contre champs sur celui ci pour appuyer encore sur leurs débauche. Drôle de démarche, le réalisateur titillant paradoxalement autant nos bas instincts dans ce qu'il veut dénoncer par sa mise en image.

On ne retrouve un semblant de sobriété que lors du sacrifice final des chrétiens jetés au lions qui nous est montré hors champ, leurs foi inoxydable et la promesse d'un ailleurs plus clément les rendant forts dans ce moment, ce qui est moins évident pour le spectateur un peu médusé par tout les débordements auxquels il vient d'assister.

La ferveur religieuse aux limites de la niaiserie (Les Dix Commandements est plus équilibré à ce niveau) parvient à toucher par la grâce dégagée par le couple Fredrich March/ Elissa Landi dans la trame principale (largement inspirée du roman Quo Vadis de Henryk Sienkiewicz adapté en version muette en 1902 et 1912 et remaké par Mervyn Leroy dans les années 50 version déjà évoquée en ces pages) mais on ressent un plus grand soin et une vraie délectation dans l'aspect décadent, De Mille confirmant sa personnalité fascinante et un peu hypocrite. Parmi les personnalités les plus pieuses et rigoureuses d'Hollywood, mais capable de délivrer des séquences parmi les plus tordues du cinéma classique. Mi ange, mi démon un paradoxe divin en somme...

Disponible en dvd zone 2 français chez Wild Side, mais je recommanderai bien plus le coffret zone 1 Cecil B. demille trouvable pour pas trop cher et comportant d'autres excellents films de l'époque "Cleopatre, le western "Pacific Express", "Les Conquérants du Nouveau Monde" ainsi que "Les Croisades" (je reviendrais sur certains prochainement).

Extrait de la séquences des jeux du cirque


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