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lundi 6 septembre 2010

Hamlet - Kenneth Branagh (1996)


Avec cette monumentale version de Hamlet, Kenneth Branagh concrétisait le rêve de toute une vie en transposant le classique de Shakespeare sur grand écran. Malgré un modeste budget de 18 millions de dollars, tout tend ici vers le grandiose à travers le casting prestigieux pour le moindre second rôle, la durée de 4h où le texte est respecté dans son intégralité et aussi le choix du 70 mm, format insensé utilisé pour les fresques hollywoodiennes monumentales à grand spectacle dans les années 50/60. Hamlet fut d'ailleurs un des derniers films (avec le Horizons Lointains de Ron Howard) filmés (et projeté) intégralement dans ce format.

Totalement investi (producteur, scénariste, réalisateur, acteur principal...) Branagh déplace de 600 ans le cadre de l'intrigue pour passer du Moyen Age au milieu du 19e siècle. Cinéaste de l'excès, de l'exubérance et de l'outrance, c'est dans cette veine que se situe sa version voulue comme épique. Il n'atténue en rien la théâtralité du texte à travers un jeu d'acteurs hyper expressif (ainsi que leur manière de se mouvoir les décors gigantesque n'étant que des extension d'une scène de théâtre) et des monologues conservés dans leur intégralité qu'il marie à une mise en scène et une imagerie tout aussi grandiloquente.

Pour l'aspect plus "grand spectacle", l'ouverture sur le mariage entre Claudius et Gertrude est un véritablement enchantement avec l'arrivée triomphale du couple illégitime, la ferveur de la cour, le décor extravagant... La conclusion tendant sur le film aventure de l'âge d'or avec le duel à l'épée spectaculaire en montage alterné avec l'arrivée de l'armée d'envahisseur donne aussi dans cette veine. C'est pourtant quand il apporte sa touche de manière plus directe que Branagh passionne. Les apparitions du spectre du père puis sa révélation à Hamlet donne dans le plus pur style expressionniste à la Orson Welles, la silhouette du souverain déchu figurant une ombre imposante et fantomatique et lorsque son visage se dévoile révèle une figure spectrale d'ogre.

La façon dont certains moment son agencés sont forts réussis tant Branagh parvient à les rendre cinématographique, le fameux To be or not to be et l'entrevue houleuse avec Ophélie qui suit joue à merveille du choix du miroir utilisé par Claudius pour les espionner. L'aspect charnel plus ouvertement prononcé fonctionne bien également tel ces inserts de la nuit d'amour passé ensemble lorsque Ophélie est interrogé par son père sur ses rapports avec Hamlet, exprimant juste l'inverse de ce qu'elle affirme et s'ajoutant au jeu troublé de Kate Winslet.

Aux antipodes du Hamlet intériorisé et torturé d'un Laurence Olivier, Branagh donne une nature bouillonnante au personnage très corporelle et vociférante quand il simule la folie et plus ténébreuse (mais tout aussi expressive) lorsqu'il se trouve seul en proie à ses démons intérieurs. Cette facette un peu crispante parfois tend à se calmer avec la quiétude et la résignation acquise par le héros quand approche le final. Presque tout les grands seconds rôle ont droit à leur grand moments dont on retiendra surtout Charlton Heston habité lorsqu'il fait l'épitaphe du Roi Priam (Sir John Gielgud dans une apparition éclair mais marquante), Billy Cristal en fossoyeur pragmatique et un hilarant Robin Williams, génialement ridicule en flatteur de cour.

Les 4h sont tout de même dures à digérer et pas dénuées de lourdeur et on est en droit de préférer la légereté romanesque galvanisante de Beaucoup de bruit pour rien sa meilleure adaptation de Shakespeare (d'ailleurs dans cette veine légère je suis très curieux de voir son Peine d'amour perdues inspiré des grandes comédies musicales de l'Age d'or). Il semble néanmoins qu'il y ait tout donné tant rien de ce qu'il a pu faire depuis n'a été aussi convaincant ...


Sorti en dvd zone 2 dans une belle édition chez warner, et pour les possesseurs de blue ray une édition est parue en aout, certaines captures proviennes des test de sites spécialisés d'ailleurs.

6 commentaires:

  1. Hamlet version intégrale de 4h, un de mes plus grands souvenirs de spectateurs. J'avais 16 ou 17 ans, je l'ai vu aux Halles avec entracte, et je me suis délecté de chaque minute du film. C'était l'époque où la cinéphilie commençait à m'envahir, et Branagh m'a filé une claque monumentale. Je me souviens que cette année là, rien ne m'avait autant impressionné au cinéma. Je ne l'ai pas revu depuis, ayant peur que le voir sur petit écran ne rende pas justice à mon souvenir sur grand écran.
    Je te recommande vivement "Peines d'amour perdues" si tu ne l'a effectivement pas vu. Au ciné, petite déception, mais celui-là je l'ai revu depuis, et mon avis a totalement changé dessus. Une vraie bouffée d'air frais, un enchantement musical, qui prouve que Branagh a encore à offrir après l'oevure monumentale qu'était Hamlet. Mince, ça me donne envie de poster quelque chose sur Branagh sur mon blog. Je vais y penser...

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  2. Ca doit être sacrément impressionnant en salle et j'imagine que les petites lourdeurs que je soulignait doivent largement s'estomper un tel spectacle sur grand écran, une belle expérience sûrement. Je vais me procurer "Peine d'amour perdues" tu m'as motivé pour de bon là merci !

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  3. Une expérience inoubliable oui !
    Quant à "Peines d'amour perdues", je ne penses pas que tu seras déçu !

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  4. Voilà un billet qui ne me donne qu'une envie : me précipiter sur cette adaptation ! :D

    Est-ce que quelqu'un connaîtrait la musique de la bande-annonce, par hasard ? Elle est très connue et souvent utilisée, mais j'aimerais bien savoir d'où elle provient.

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  5. Pour toute la seconde partie de la bande annonce il s'agit du score de Patrick Doyle pour "Henry V" autre adaptation de Branagh. Merci aux commentaires sur youtube ^^

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  6. ... Patrick Doyle, qui signe la très belle musique de "Raison et Sentiments" d'Ang Lee. Décidément, tout est lié ! Merci, Justin. ;)

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