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mercredi 29 décembre 2010
Jiang Hu : The Bride with white hair - Bai fa mo nu zhuan, Ronny Yu (1993)
Yi-hang, un jeune guerrier au service de la secte du Wou-tang, qui oeuvre pour la chasse aux hérétiques, rencontre la Louve, une sorcière au service de Tsi, l'ennemi juré de Wou-tang. Tous deux tombent amoureux, ce qui va entraîner des conséquences désastreuses dans leurs camps respectifs...
Cette relecture de Romeo et Juliette constitue probablement un des plus beaux films produits à Hong Kong dans les années 90 et qui doit sa grande réussite aux grands talents de ses instigateurs mais aussi une suite de hasards et contrainte qui en firent un objet unique en son genre. Le film s'inscrit dans la vague du renouveau du wu xia pian (film de sabre chinois) qui tombé en désuétude dans les 80's au profit du polar retrouvait les faveurs du public après le succès du chaotique mais grandiose Swordsman II produit (et en partie réalisé) par Tsui Hark. Le genre pullule donc sur les écrans et lorsque Ronny Yu novice en la matière (tout ces précédents films se déroule dans un cadre contemporain) décide de s'y frotter le maître mot est de contourner tout les clichés s'y rapprochant.
Ce qui aura motivé le réalisateur à se lancer c'est la magnifique histoire de ce Bride with the white hair issue d'un roman de Liang Yusheng et dont il pense donner une illustration marquante après les deux adaptations ayant déjà été réalisé. Solide metteur en scène mais sans génie jusqu'ici (ni même après) Ronny Yu déploie là une magnificence visuelle alors totalement à contre courant d'un cinéma hongkongais dont le côté bricolé constitue un des grands charmes. Les costumes sont donc dessinés par Emi Wada (célèbre pour son travail chez Kurosawa notamment le magnifique Ran), la photo Peter Pau (futur oscarisé pour Tigre et Dragons) et le couple vedette sera incarné par les deux acteurs les plus glamour de Hong Kong à savoir Leslie Cheung et Ling Ching Hsia.
Dès la magnifique introduction sur les personnages enfants, leur lien indéfectible mais aussi le poids de leur entourage se dessine. Yi-hang (Leslie Cheung) est un jeune orphelin est durement entraîné au arts martiaux dans le but de devenir le futur maître de la secte Wu Tang. Cependant sa nature légère et espiègle le place bien loin de ses préoccupations et s'est après s'être perdu en forêt pour échapper à son labeur qu'il est sauvé des loups une fillette toute de blanc vêtue qu'il n'oubliera jamais. Quelques années plus tard il découvrira qu'elle s'avère être La Louve, exécutrice sanguinaire des Tsi ennemis juré de son camp.
Le film dessine un pur univers de fantasy et de légendes où chacun des deux mondes qui s'oppose s'avère aussi néfaste l'un que l'autre. Les Wu Tang sont rongé par les intrigues de palais pour le pouvoir, et déploie une violence et une haine sans discernement pour le moindre ennemi. Yu y fustige là un certain rigorisme clanique voir religieux qui ne laisse pas la place au doute et à la nuance, ce que ne peut supporter le personnage rebelle de Leslie Cheung. Les éclairages se font alors sobre, l'ambiance solonelle et feutrée, tout le contraire de l'ennemi Tsi. Là on on donne dans la luxure et la dépravation, les éclairages se font rougeoyant et baroques dans un décor extravagants d'outrance. Tout cet excès est symbolisé par les grands méchant du films, des frères et soeurs siamois décadents et schizophrènes.
L'histoire rapproche donc deux figures destinés à être le bras armés de leur camps mais qui n'en ont cure une fois retrouvé. Leslie Cheung (une nouvelle fois magnifique de charisme) n'est guère intéressé par le pouvoir et La Louve découvre un bonheur insoupçonnée dans les bras de cet homme qui l'aime pour elle et pas l'usage qu'il pourrait en faire. Le plus beau symbole de ces sentiments est la scène où il lui donne un nom alors qu'elle n'était jusque identifié que sous son aura guerrière. Chose rare dans un film tout public hongkongais, le film ose des scènes d'amours aux élans lascif et passionné (il faudra le Green Snake de Tsui Hark pour retrouver pareil fougue) longuement filmé par la caméra amoureuse de Ronny Yu.
Comme déjà dit les contraintes de tournages apportèrent des atouts inespérés au film. La production est contrainte de construire un studio pour satisfaire les exigences de Yu mais le tournage en pleine canicule de juillet oblige à tourner essentiellement de nuit pour ne pas épuiser les acteurs en lourd costume d'époque. Du coup les séquences de jour acquièrent une aura étrange et irréelle tandis les moments nocturne déploie alors une majesté féérique d'autant plus saisissante.
Les séquences de combat donne également dans le jamais vu puisque Yu soucieux d'uniquement utiliser ses acteurs durant les affrontements compense leur carences martiales en jouant avec les vitesse de filmages ralenties sur le tournages puis accéléré en post production (le montage de David Wu est prodigieux) pour un résultat bluffant de poésie et d'inventivité (il faut imaginer les jeux sur la vitesse de l'image d'un Wong Kar Wai mais dans le cadre du cinéma d'art martiaux) ou le décor souple permet les mouvements de caméra les plus fous. L'affrontement extraordinaire avec les siamois en conclusion est ainsi sacrément virtuose.
Les séquences d'anthologies pullulent notamment dans la dernière partie. Le sacrifice de Ling Ching Hsia (qui malgré la facette guerrière délaisse son aspect androgyne pour un de ses plus beaux personnages tragique) qui traverse de terrible épreuves pour échapper à son camp s'oppose donc à la terrible lâcheté momentanée de Leslie Cheung qui va provoquer le drame. La Louve ayant tout abandonnée pour l'homme qu'elle aime ainsi trahi manifeste sa détresse par cette chevelure brusquement blanchie par la douleur. Y-hang ainsi damné pour avoir douté de sa belle devra surmonter la solitude de toute une vie et courir après une légende hypothétique pour espérer la voir revenir. Tragique et flamboyante conclusion pour ce grand film qui distille une incroyable gamme d'émotions et de personnages complexe en 1h25 à peine.
Le film fut un immense succès à Hong Kong et le premier wu xia pian à obtenir une authentique renommée internationale (les histoires d'amours sont toujours universelles). C'est également un traumatisme esthétique qui se ressent encore aujourd'hui dans les avatars récents du genre comme le Hero de Zhang Yimou qui (sans parler du fond navrant) néanmoins lorgne plus vers la pub pour du parfum que la splendeur de Ronny Yu. Le film connaîtra une suite la même année mais bien moins intéressante car trop simpliste sans les nuances du roman.
Sorti en dvd zone 2 chez Studio Canal et doté d'une passionnante interview de Ronny Yu sur la confection du film.
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