Au onzième siècle, sur la côte normande, à quelques kilomètres de la Mer du Nord. Alors que la région est régulièrement en proie aux pillages et aux raids meurtriers des Frisons, un peuple germano-nordique, le Duc de Normandie offre en signe de reconnaissance à Chrysagon, l'un de ses meilleurs chevaliers, un vaste domaine constitué de terres pour la plupart ingrates car marécageuses, d'un village, et d'un château. Vainqueur des armées du Prince de Frise, le nouveau maître de la région tombe amoureux d'une jeune paysanne, sur laquelle il fait valoir le droit de cuissage le soir de ses noces. Tandis que gronde la colère des villageois conduits par le fiancé de la belle rendu fou de douleur, Chrysagon doit faire face à une contre-attaque de l'ennemi...
Avant le film de Schaffner, le Moyen Age dans le cinéma à grand spectacle américain était symbolisé par des films comme Ivanohé, Les Chevalier de La Table Ronde de Richard Thorpe ou encore Prince Vaillant de Henry Hathaway. Si ces films demeurent d'excellents divertissements, leur Moyen Age passé à la moulinette hollywoodienne s'en trouvait grandement édulcoré (encore que dans Ivanohé on retrouvait tout de même la notion d'antisémitisme de l'époque) et dépourvu de ses aspects les plus repoussants. Le Seigneur de la Guerre est donc un des tout premier film à aborder cette période de manière "réaliste", dans toute sa complexité et son obscurantisme.
Le film est adapté d'une pièce de Leslie Stevens (célèbre pour être le créateur de la série Au delà du réel et réalisateur de la curiosité Incubus unique film tourné en espéranto) par Universal qui propose le rôle principal à un Charlton Heston jamais aussi à l'aise qu'en figure historique charismatique. C'est lui qui impose Franklin J. Schaffner à la réalisation, s'étant bien entendu avec ce dernier lors du tournage d'une version de MacBeth pour la télévision. Pour son premier tournage de cette envergure, Schaffner détourne les attentes de la Universal qui espérait simplement un gros film d'aventure spectaculaire en délivrant un films aux thèmes complexes et à l'atmosphère crépusculaire notamment en choisissant une des périodes les moins attrayante du Moyen Age comme cadre du récit.
L'histoire dépeint les tourments de Chrysagon (Charlton Heston) guerrier ayant reçu en récompense le commandement d'un fief dans une région ingrate et hostile. L'interprétation d'Heston bien loin de ses personnage héroïque est surprenante. Il incarne un homme tourmenté et las d'une vie passé à guerroyer. La séquence d'ouverture nous montre pourtant sa rage intacte lors d'un furieux affrontements avec les frison. Peu à peu d'étonnants questionnements se dévoilent tel la difficile coexistence entre la culture païenne encore vivace dans le village et la religion catholique que tente d'imposer les nouveaux venus.
L'atmosphère du film oscille d'ailleurs entre ces deux penchants, les symboles et l'iconographie religieuse se glissant par de subtils inserts ou plans plus affirmés pour traduire la culpabilité de Heston essentiellement dans les scènes en intérieur. A l'opposé le côté plus mystique et sans tabou du paganisme imprègne les séquences en extérieurs, lorsque les élément semblent s'opposer à ce que Heston abuse de force de la jeune paysanne jouée par jouée par Rosemary Forsyth (Heston aurait souhaité Julie Christie mais essuya le refus de Universal). La religion amène le tourment de Heston qui ne peut s'aliéner la population et c'est en contournant la tradition païenne du droit de cuissage qu'il arrivera à ses fins.
Un héros ambivalent donc (et qui contredit l'image noble et vertueuse du chevalier dégagé par des films comme Ivanohé) mais humain puisqu'il agit plus par passion que par tyrannie, la paysanne s'avérant partager ses sentiments. La scène où ils se déclarent, amorcée de manière sordide par cette étreinte forcée devient donc un fabuleuse séquence romantique.On peut donc ajouter une certaine idée de lutte des classes qu'on trouve dans d'autres Schaffner comme la société hiérarchisée de La Planète des Singes, la soumission des paysans et le tribut au Seigneur étant très bien dépeinte.
La relation fratricide orageuse entre Heston et Guy Stockwell est également passionnante, le second bouillonnant d'être éternellement dans l'ombre de son aîné et son aura de guerrier légendaire. Tout en exploitant toutes ses pistes, le film n'en oublie pas d'être hautement spectaculaire.
Schaffner fait preuve d'une maîtrise impressionnante dans ses cadrages millimétré et souvent porteur de sens à déchiffrer, et les combats sont d'une hargne et d'une violence saisissante notamment un siège final qui offre tout le panorama de ce qu'une bataille moyennageuse a à offrir : catapulte, marmite d'huile bouillante, assaut de pont levis.
L'érotisme latent est particulièrement poussé aussi pour un film de cette période, que ce soit Rosemary Forsyth à demi nue subissant le regard appuyé et concupiscent de Heston ou encore une brève séquence de fête de mariage pas loin de céder dans l'orgie. N'oublions pas un score somptueux de Jerome Moross (le main theme est entêtant) pour ce grand film qui entre romantisme, barbarie et réfléxion annonçait les autres chef d'oeuvres sur cette période que sont La Vallée Perdue ou encore La Chair et Le Sang de Paul Verhoeven.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
Trailer amusant Universal ne sachant pas comment vendre le film (Schaffner se plaindra d'ailleurs des coupes du studio pour éduclorer le contenu) appuie sur le côté action/aventure pas si omniprésent
Très grand film, pionnier dans sa manière de montrer un Moyen-Age non "romantisé" malgré de nombreuses libertés historiques...
RépondreSupprimerHeston trouve sans doute là son plus grand rôle.
Merci pour cette notice, qui a porté à ma connaissance l'existence du DVD, cela faisait des années que je souhaitais revoir ce film, de préférence en VO.
D'ailleurs même le dvd du film fut longtemps épuisé et revendu très cher mais on le trouve facilement il a été réédité l'an dernier. Si vous aimez "Le Seigneur de La Guerr" il faut absolument voir (ou revoir !) "La Vallée Perdue" de James Clavell qui brasse les même thèmes mais en plus appuyé encore. Je le cite et le met en lien dans le texte j'en avais parlé en janvier un chef d'oeuvre méconnu pour un Moyen Age tout aussi atypique au cinéma !
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