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dimanche 6 février 2011

La Ciociara - Vittorio De Sica (1961)

En 1943, une jeune femme, veuve, décide de fuir la capitale avec sa fille pour retrouver le calme de son village.

Souvent accusé par les purs et durs du néo-réalisme d'avoir vendu son âme au diable avec ses grosses comédies des 60's, De Sica donne avec La Ciciarra (sorti en 1961) une réponse éclatante avec cette oeuvre carrefour du drame et de la comédie teintée du néo-réalisme des débuts.

L'histoire nous conte le pénible destin des Italiens de classe modeste au quotidien difficile alors que le conflit commence à tourner, et plus précisément des réfugiés fuyant les grandes villes pilonnées par les bombes pour aller à la campagne plus calme et sécurisante. On retrouve tout l'art de De Sica pour dresser un portrait immédiatement attachant de ses paysans, un peu ignorants et ne sachant s'ils doivent ou pas toujours soutenir le Duce et les Allemands ou alors se ranger du côté des Anglais, penchant vers celui susceptible de leur amener le plus rapidement la paix. Le tout est symbolisé par le personnage de Sophia Loren, mère courage et vindicative prête à tout pour préserver sa fille des horreurs de la guerre.

De Sica est décidément le meilleur pour filmer Sophia Loren, que ce soit dans sa facette glamour (voir Hier, aujourd’hui et demain ou la première partie de Mariage à l'Italienne) ou comme ici dans son côté plus authentique en vraie fille de la campagne, malgré son séjour à la ville et toujours dotée d'un sex-appeal déconcertant. A l'opposé se trouve le personnage de Jean-Paul Belmondo (doublé en italien) en intellectuel vindicatif conscient de la mascarade du fascisme, un rôle tout en subtilité que ce type ordinaire, humain et lucide démontrant le registre étendu du Belmondo des débuts. Les fascistes purs et durs ne sont pas masqués non plus avec, régulièrement, l'ombre des miliciens qui se fait sentir.

On suit donc le quotidien de cette petite communauté, entre éclats de rires (Sophia Loren aligne les réplique géniales), difficultés matérielles avec les denrées de plus en plus rares et le danger des patrouilles allemandes et des bombardements. Le rapprochement progressif entre Loren et Belmondo est bien amené et la relation de cette dernière avec sa fille poignante (la jeune Eleonora Brown est épatante de charme et de fragilité).

Le film bascule totalement dans sa dernière demi-heure très sombre, alors que le danger semble pourtant s'écarter avec l'arrivée des alliés. Entre le destin tragique de Belmondo, une traumatisante scène de viol de Sophia Loren et sa fille (dénonçant une terrible réalité sur les exactions des corps du général Alphonse Juin dans la région apparemment constitués de soldats des colonies et cassant le regard moins nuancé du récent Indigènes) et leur relation qui se disloque lentement à la suite de ce choc. Un drôle de contraste lorsque le pire arrive quand la paix pointe son nez et le ton léger et doux amer du reste du film bascule dans le vrai drame sur la toute fin. Son rôle valut un Oscar bien mérité à Sophia Loren qui fut à cette occasion la première actrice non anglophone se voyant offrir la récompense suprême.


Sorti en dvd zone 2 français

2 commentaires:

  1. Vu aujourd'hui pour la première fois (ça faisait des années que je souhaitais voir ce film en version originale comme il se doit) et il est d'une puissance. Le basculement vers l'horreur et la manière de montrer les femmes comme premières victimes de la guerre, aussi bien moralement que physiquement, m'a bouleversée. La dernière demi-heure est éprouvante pour la traversée des deux femmes. Sophia Loren est d'une photogénie impressionnante, on voit à la fois la star lumineuse et le personnage de mère-courage icône sans opposer les deux! Grand film! Stéphanie

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    1. Hello Stéphanie !

      Oui le ton reste doux-amer jusqu'à cette traumatisante dernière partie à l'incroyable noirceur ça a dû être encore plus marquant si tu l'a vu à l'occasion de la ressortie salle récente. Et Sophia Loren extraordinaire oui.

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