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mardi 8 février 2011

Ne vous retournez pas - Don't Look Now, Nicolas Roeg (1973)


Laura et John Baxter perdent leur fillette qui se noie accidentellement. Plus tard, le couple séjourne à Venise pour des raisons professionnelles. Des visions et des rencontres étranges ravivent chez le couple le souvenir de leur petite fille disparue.

Directeur photo brillant durant les 60's pour David Lean, François Truffaut, Richar Lester ou John Schlensinger (dans respectivement Docteur Jivago, Fahrenheit 451, Petulia ou Loin de la foule déchaînée les trois lui permettant de côtoyer Julie Christie avant ce film) l'anglais Nicolas Roeg possède une des filmographies les plus singulière qui soit. Après l'expérimental Performance et le naturaliste Walkabout, Don't Look now est son troisième film et sûrement le plus culte avec le suivant L'Homme qui venait d'ailleurs avec David Bowie.

Adaptation d'une nouvelle de Daphné Du Maurier, c'est sans doute un des longs-métrage les plus étranges des 70's. Le film s'ouvre sur un drame terrible où le couple formé par Julie Christie et Donald Sutherland perdent leurs fille dans une noyade accidentelle. Dès cette première séquence, le ton s'avère déroutant avec un montage jouant le mimétisme entre les gestes quotidien des parents dans la maison et ceux de la fillette allant vers son fatidique destin. D'emblée cette dilatation inédite du temps qui aura cours tout au long du film se manifeste en distillant des petits indices de l'incident tragique et plaçant déjà une facette prémonitoire mais inéluctable néanmoins face aux évènements à venir.

On retrouve notre couple encore fragilisé par la perte quelques mois plus tard à Venise, où Sutherland est chargé de restaurer une église. Là Roeg distille une atmosphère singulière et dérangeante où différente rencontres et évènements les ramènent constamment au souvenir de leur fillette disparue. Cela se manifeste tout d'abord par les visions d'une médium aveugle (Hilary Mason) qui les trouble en devinant leur deuil récent et la présence de leur fille toujours parmi eux, mais aussi de funestes présages à venir en sommant Sutherland de quitter Venise au plus vite. Les apparitions nocturnes inattendues d'une silhouette enfantine arborant le manteau rouge de leur fille n'est pas des plus rassurante. Roeg ose une lenteur incroyable dans sa narration qui plonge dans une torpeur et un ennui volontaire qui transforme le film en expérience sensorielle cauchemardesque aux confins du fantastique, sans obéir au enchaînements typique attendus du genre et laissant jusqu'au bout l'expectative.

On a rarement vu Venise filmée ainsi, la photo grise et vaporeuse de Anthony B. Richmond (et de Roeg lui même en partie) prolongeant cette sensation de songe dérangeant. On peut largement supposer que Brian De Palma connaissait ce film au moment de faire son Obsession tant les ambiances sont voisines notamment les scènes dans les églises et leurs vitraux inquiétant, la façon dont les inserts de tableaux délivrent des indices après coup (et aussi la présence de Pino Donaggio futur compositeur attitré De Palma qui signe là son premier score de cinéma) Florence doté de la même aura inédite.

Roeg croise une tonalité très naturaliste avec une stylisation très expérimentale par son utilisation du son, le montage sensoriel qu'on ressentait déjà dans Petulia (évoqué en janvier sur le blog) mais poussé dans ses derniers retranchements ici. L'attention maintenue constamment tient grandement aux prestations mémorable de Julie Christie et Donald Sutherland, couple fusionnel et aimant dans l'épreuve qu'il traverse (dont une scène de sexe assez décomplexée qui restera dans les mémoires) et assez à contre emploi par rapport à leur image de l'époque (icône romantique glamour pour Christie, clown farfelu pour Sutherland même si Klute est déjà passé par là deux ans plus tôt.

Une véritable expérience filmique donc qui nécessite plusieurs visions pour en saisir toute les nuances, notamment lorsqu'arrive le terrible final où le titre en forme d'avertissement trouve son explication dans une scène stupéfiante qui annonce d'ailleurs un genre phare du cinéma italien, le giallo. Les symboles avant coureurs de l'horreur à venir reviennent alors à l'esprit et incite à une revoyure immédiate aussi glaçante soit l'expérience.

Sorti en dvd zone 2 français au début des années 2000 mais l'édition est aujourd'hui très onéreuse car difficilement trouvable donc opter pour le zone 1 Paramount doté de sous titres anglais et d'une vf.


10 commentaires:

  1. Je vais bientôt lire le roman de Daphnée du Maurier. Je note cette adaptation pour la regarder après ma lecture !

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  2. D'ailleurs dans quel recueil en français peut on trouver la nouvelle ? En cherchant je n'ai trouvé que les références en anglais, bien curieux de lire la version papier de cette étrange histoire. Je suis dans ma période Du Maurier en lecture ^^ (malgré la petite déception à la lecture de "L'auberge de la Jamaïque" pour le coup nettement préféré le film).

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  3. Je l'ai dans ce recueil : http://www.amazon.fr/Dont-Look-Now-Other-Stories/dp/0141191139/ref=sr_1_3?ie=UTF8&s=english-books&qid=1297247822&sr=1-3 mais je ne l'ai pas encore ouvert !
    Je ne sais pas en revanche, si une traduction en français existe.

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  4. Oui j'étais tombé aussi sur cette édition en cherchant je tenterai donc celle ci si ce n'est pas trouvable en français merci ! ;-)

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  5. il y a une traduction dans un des recueils de la coll. Omnibus consacrés à Daphne du Maurier. Je ne sais plus son titre, mais il n'y a que 2 ou 3 volumes.
    Ce film est magnétique, troublant et... glaçant.
    La photo de la petite fille en rouge dans ce recoin de Venise sous la pluie me fait penser au début de "Suspiria" d'Argento quand J.Harper arrive à la porte de l'academie de danse. Le plan est presque similaire.
    Autre film fascinant.

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  6. Merci du tuyau pour Daphné Du Maurier vu qu'entre temps je n'ai pas eu le courage de m'attaquer au texte en anglais ^^. Sinon même si moins outrancier que "Suspiria" il y a effectivement une folie qui fait songer au film d'Argento je n'avais jamais fait le lien entre les deux scènes effectivement. Ca me donne envie de revoir le Argento ça fait bien longtemps...

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  7. Et voici l'intéressant brouillon du Roeg par Aldo Lado, un an plus tôt, en VO :
    https://www.youtube.com/watch?v=AbtV7MW-UHc
    Enjoy !

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  8. Merci pour le lien jamais vu ce film ! George Lazenby a donc fait des choses bien après son remarquable James Bond c'est bon à savoir ^^. Il y avait vraiment une fascination autour d'une Venise obscure et inquiétante à cette période entre ce film le Roeg et le De Palma de "Obsession"...

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  9. Une partie de Obsession se déroule à Florence, pas à Venise...

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  10. Ah oui petite confusion de ma part l'ambiance des deux films est si proche que j'ai confondu les ville aussi ^^

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