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lundi 28 février 2011
Prête à tout - To Die For, Gus Van Sant (1995)
La belle Suzanne Stone (Nicole Kidman) est une jeune femme qui ne cache pas son ambition débordante : elle veut percer dans le milieu de la télé. Quitte à se débarrasser de tous ceux qui pourraient lui mettre des bâtons dans les roues, à commencer par son propre mari…
Prête à tout est un film très important dans la carrière de son réalisateur et de sa vedette principale. Gus Van Sant, jusqu'ici associé à un cinéma indépendant plus rugueux voit là s'entrouvrir la porte des studios et des productions plus prestigieuses pour un parcours truffé de films passionnants comme Will Hunting et sa relecture de Psychose. Quant à Nicole Kidman bien qu'elle ait montrée un talent certains dans quelques films efficace mais mineurs (Calme Blanc, Malice) son statut de femme de Tom Cruise et le peu d'envergure des rôles réunissant le couple (Jours de Tonnerre, Horizons Lointains j'avoue un petit faible pour ce dernier) n'attire guère l'attention sur elle mais tout va changer avec Prête à tout.
Andy Warhol vantait le principe selon lequel tout un chacun avait droit un jour dans sa vie à 15 minutes de célébrité et c'est bien la seule chose après laquelle cours justement Suzanne Stone. Dès l'ouverture, Van Sant propose une narration morcelée où divers type de filmages vont se bousculer. L'esthétique est variable selon le point de vue adopté mais également selon le propos voulu. Ainsi toute les scènes de narration "classique" avec une photographie aux couleurs pastels mettant en valeurs les tenues criardes de Kidman et évoquant le film publicitaire de son monde idéal . D'un autre côté on a des interventions face caméra de Suzanne Stone sur fond blanc immaculée renforçant son côté artificiel et où elle donne son opinion biaisée et hypocrite sur les évènements du récit. Le procédé est repris également sous forme de reportage "sur le vif" où les protagonistes sont filmés dans leurs environnements quotidiens où plus ironiquement encore dans le cadre d'une émission de télé racoleuse façon reality show. Van Sant inclus également dans son montage quelques inserts en forme de flashforward sur des lieux ou objets qui auront leur importance plus tard.
Toute cette pluie d'artifices est au service du portrait peu reluisant d'une ambitieuse arriviste s'avérant effectivement "prête à tout". Van Sant connaît ses classiques et on pense ici à une version modernisée de Sunset Boulevard avec ce jeu sur la grandeur que l'héroïne s'attribue et le regard des autres bien moins flatteur (la séquence vers la fin où elle prend la pose devant les journalistes émerveillée d'être enfin sous les spots et la nuance qu'apporte l'alternance de sa vision par la réalité sordide rappelle la conclusion du Wilder). La conclusion avec l'adolescente devenue célèbre malgré elle au détriment de Suzanne lorgne quant à elle derrière l'ironie du Eve de Mankiewicz.
La prestation de Nicole Kidman évoque d'ailleurs celle de Gloria Swanson dans Sunset Boulevard à la différence que Swanson reste enfermée le statut de star qu'elle a été tandis que Suzanne Stone se fige elle dans le masque et les manières de la vedette qu'elle pense devenir. L'échelle n'est plus la même, le prestige du cinéma de l'âge d'or a laissé la place à l'ambition des grands networks télévisuels. Cette fascination pour le petit écran, Kidman en donne une illustration magnifiquement creuse. Suzanne Stone persuadée de son bon goût en tout chose arbore un maquillage juste ce qu'il faut de trop marqué, enchaînes les phrases spirituelles toutes faîtes piochées dans les magazine et affiche constamment un masque souriant dissimulant les plus perfides pensées. C'est la banlieusarde, la provinciale qui rêve de la grande ville et s'imagine supérieure à son entourage plus terre à terre. Van Sant prolonge ainsi sa vision de l'Amérique white trash et peuplée de paumés en tout genre (qu'on retrouvera aussi dans Will Hunting, Elephant, Paranoid Park) Kidman ne valant guère mieux que les adolescents qu'elle interviewe. Parmi eux un tout jeune Joachim Phoenix (et Casey Afflek) déjà brillant en adolescent perdu.
Nicole Kidman offre une prestation époustouflante en femme fatale obsédée par les médias, tour à tour sexy, psychorigide et d'une fausseté constante qui en font un mystère complet. Tout ce que l'on sait d'elle se définit par sa focalisation sur sa carrière mais on ne saura rien de plus plus sur l'origine de cette motivation. Lors des premières scènes Matt Dillon tombe sous le charme sans que le moindre dialogues ne soit échangés entre eux, Kidman représentant toujours une silhouette lointaine, sensuelle et à la posture toujours parfaite.
Et c'est bien ce qu'est Suzanne Stone finalement tout au long du film, une figure aussi distante et irréelle que ces icônes vedettes qu'on se plaît à admirer à la télévision, en représentation permanente (ce regard et ce laïus après son premier entretien grandiose !). Le rôle lui vaudra d'ailleurs un Golden Globe, les choses sérieuses pouvant enfin commencer pour la carrière fabuleuse que l'on sait puisque dès l'année suivante arrive le magnifique Portrait de Femme. Gus Van Sant prouvait quant à lui l'acuité intacte de son regard dans un cadre de studio et on peut préférer cette période plutôt que son retour "arty" de ses dernières années.
Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal
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