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mardi 7 juin 2011

Monsters - Gareth Edwards (2010)


Une sonde de la NASA s’écrase dans la jungle mexicaine, libérant sur terre des particules d’une forme de vie extra-terrestre. Six ans plus tard, le Mexique et le Costa-Rica sont devenus des zones de guerre désertées par les populations locales, mises en quarantaine et peuplées de créatures monstrueuses. Un photographe est chargé d’escorter une jeune femme à travers cette zone dévastée. Seuls sur la route, ils vont tenter de rejoindre la frontière américaine...

Monsters a constitué une des plus belles surprises de 2010 et son réalisateur Gareth Edwards se pose d’emblée avec ce premier film comme un des grands espoirs des années à venir. La grande force de Monsters est son traitement inattendu pour un thème rebattu au premier abord. Le point de départ rappelle le récent et très réussi District 9 avec une humanité forcée depuis plusieurs années de cohabiter avec une présence extraterrestre entre la frontière des Etats-Unis et une partie de l’Amérique Centrale. Les grosses astuces narratives de District 9 ainsi que l’extravagance et le spectaculaire attendu d’une telle idée sont pourtant absents, Edwards optant à l’inverse pour un étonnant minimalisme et une intrigue resserrée.

On suit ainsi le périple de du journaliste Kaulder et Sam la fille de son patron qu’il est chargée d’escorter jusqu’au Etats-Unis à travers la fameuse zone dévastée. Les clichés du journaliste blasé et de l’héritière capricieuse s’estompent instantanément face au voile de mystère dont Edwards entoure ses personnages. Que fuie-t-elle ainsi perdue dans un lieu si dangereux, et lui que cherche-t- il a oublier dans le désespoir qu’on devine sous ce détachement apparent ? C’est dans une forme de road movie intimiste que vont se dévoiler toutes ses questions. L’approche de tournage de Edwards aura largement joué sur la forme toute en retenue du film.

A l’origine spécialiste des effets spéciaux, il décide d’utiliser sa connaissance pour plier le cadre de son récit vers un point de vue humain et intimiste porté avant tout sur son couple de héros. Le tournage se fit ainsi en équipe très restreinte avec Edwards, un preneur de son et les deux acteurs Whitney Able et Scoot McNairy (qui forment un vrai couple ce qui ajouta dans l’alchimie de leur lien). Le script se réduit à une dizaine de pages et tout en gardant la toile de fond de l’invasion extraterrestre, le tournage est en grande partie improvisé au fil des rencontres dans les divers lieux traversés (Mexique, Costa Rica) et tous les éléments de science- fiction (créatures, militaires, appareil de combats, panneau d’affichages) se voient rajoutés en postproduction notamment une bande son particulièrement fouillée dont un score synthétique entêtant de Jon Hopkins.

Ces différents éléments confèrent une aura unique à Monsters, tout à la fois fiction (le spleen hypnotique d'un Michael Mann vient à l'esprit plus d'une fois) et documentaire au discours politique fort intéressant. Les réels dangers rencontrés durant le tournage instaurent le sentiment d’urgence et de fin du monde souhaités tandis qu’ironiquement nos deux héros américains se trouvent dans la même position que les émigrants mexicains souhaitant traverser la frontière américaine avec passeur cupide, routes sinueuses et menaçantes. Malgré les embuches, Edwards déploie finalement un récit apaisé où au bout du chemin, Sam et Kaulter se révèleront à eux même. La forme est somptueuse et donnent un éclat envoutant aux magnifiques paysages traversés, Edwards alternant naturalisme et montage subtilement plus heurté synonyme du temps qui passe.

L’improvisation sert grandement l’atmosphère du film avec son lot de rencontres surprenantes où l’on côtoie une population locale chaleureuse (poignante visite nocturnes au cimetière mexicain) qui n’a pas cessé de vivre malgré l’adversité du quotidien. On est plus proche du film de reportage en territoire hostile façon L'année de tous les dangers que du pur film de monstres, l'argument fantastique ayant remplacé le vrai conflit politique et militaire. L’allusion est pourtant claire et questionne l’idée d’un protectionnisme américain exacerbé (le fameux mur entourant la frontière) où il est plus d’une fois suggéré que l’agresseur n’est pas forcément celui qu’on croit. Les créatures ne réagissent ainsi que lorsqu’elles sont attaquées (terrifiantes séquences en pleine jungle) et dans les instants apaisés proposent les séquences les plus poétiques. La conclusion entre jeu de lumières et mouvements virevoltants a le même pouvoir de fascination qu’un Abyss ou Rencontre du Troisième Type et nous les montres capable d’aimer sous les yeux émerveillés de Sam et Kaulter qui s’avouent enfin leur sentiments.

Cette traversée d’un monde en désolation leur aura permis de se trouver mais pour qui a été attentif depuis le départ (c’est plus frappant encore à la révision) on devine que le voyage s’arrête sans doute là. Le sentiment d’éphémère et d’inéluctable a rarement été plus intense que dans ces derniers instants où l’on doit quitter ceux que l’’on a vu se découvrir et se rapprocher dans le chaos. Un final poignant qui fait définitivement de Monsters un film culte, en espérant que Gareth Edwards tienne les promesses de ce premier essai magistral tant sur la forme (le budget est d’un ridicule absolu au vu de la facture visuelle impressionnante) et le fond.

Sorti en dvd zone 2 français chez M6 Vidéo

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