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dimanche 7 août 2011
Le Baiser de la femme araignée- Kiss of the Spider Woman, Hector Babenco (1985)
Huis-clos dans une cellule dans le contexte d’une dictature au Brésil. Molina, un étalagiste homosexuel arrêté pour détournement de mineurs, évoque chaque soir de vieux films romantiques à son compagnon d'infortune, Valentin, un prisonnier politique. Ils se lient d'amitié et entrent progressivement dans cet univers fantasmagorique.
Il y a parfois des sujets, des thématiques qui sont dans l’air du temps. On trouve ainsi des œuvres aux préoccupations voisines (même si les traitements diffèrent) qui apparaissent au même moment. C’est ainsi qu’en voyant Le Baiser de la femme araignée, on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec son jumeau sorti en cette même année 1985, Brazil de Terry Gilliam. A première vue, peu de liens entre le drame de Babenco et l’utopie de Gilliam et pourtant les films parlent de la même chose : les refuges possibles face à l’oppression de la dictature. Gilliam offrait la quiétude et l’exaltation à son Sam Lowry à travers le monde des rêves et l’ivresse de l’amour comme seule étincelle de la cruelle réalité avant que le tout s’emmêle dans un ébouriffant final. Le Baiser de la femme araignée (adapté du roman de Manuel Puig) est dans cette même veine, croisant « réalisme » (le pays d’Amérique du Sud où se déroule l’histoire n’est jamais nommé) et pure rêverie.
L’histoire dépeint le rapport entre deux prisonniers partageant la même cellule et que tout oppose. Valentin (Raul Julia) est un prisonnier politique au sérieux et à la rigueur inflexible alors que Molina (William Hurt) est un homosexuel frivole et sautillant qui doit son incarcération à une affaire de mœurs. Les privations, la frustration et la solitude vont pourtant les rapprocher peu à peu et une amitié inattendue va se nouer. Le lien se crée par l’étonnant moyen d’évasion trouvé par un Molina qui mélange personnages et intrigues issus de ses souvenirs cinéphiles pour divertir son codétenu avec un film dans le film, rétro et poétique.
A l’insalubrité et l’exiguïté de la cellule répond donc un film d’espionnage élégant où se dessine une figure féminine fantasmatique incarnée par Sonia Braga. Elle est le lien des différentes réalités du film (les trahisons du film imaginaire répondant à une autre bien réelle comme il sera révélé), prêtant ses traits à l’amour perdu de Valentin ou encore celle de l’irréelle femme araignée. L’analogie avec Gilliam se retrouve dans le lien profond entre les deux hommes qui donne un sens à leur quotidien et va les pousser à tous les sacrifices l’un pour l’autre, tout comme Sam pour Jill. William Hurt offre une prestation sensible et fragile fascinante qui lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur et le Prix d’interprétation masculine à Cannes. Raul Julia est tout aussi subtil en activiste dont les failles se dévoilent peu à peu. Leonard Schrader qui avait rompu la collaboration avec son frère Paul (Mishima qu’il a co-scénarisé sera présenté à Cannes la même année) récolte enfin les lauriers avec un magnifique scénario tout en nuances.
Les questionnements sur la masculinité, la manière dont une cause politique se confond avec notre personnalité offrent des réflexions passionnantes. Même si avec le recul la dernière partie hors de la prison s’avère moins convaincante, la magnifique séquence de conclusion permet d’affirmer une dernière fois la filiation avec Brazil. Las des souffrances et des tourments de ce monde, Valentin va pouvoir voguer dans un ultime songe avec son amour retrouvé dans un autre plus paisible, celui de la femme araignée.
Sorti en dvd zone chez Carlotta dans une belle édition.
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