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jeudi 18 août 2011

Un Flic - Jean-Pierre Melville (1972)

Edouard Colemann est inspecteur de police. Il mène une vie morose et le début d'une liaison avec Cathy l'aide un peu. Mais Cathy est aussi la petite amie de Simon. Simon, ami de Coleman est trafiquant de drogue. Lorsque Edouard doit enquêter sur un crime impliquant Simon, leur rivalité va éclater.

Melville terminait sa carrière sur une note en demi teinte avec ce Un Flic qui semble montrer l'inspiration du cinéaste comme à bout de souffle et totalement déconnectée. Le script semble vouloir retrouver jusqu'à l'excès l'épure et la froideur du Samouraï ou Le Cercle Rouge mais il y manque l'humanité et la croyance qui donnait à ces derniers leur dimension tragique et les empêchait de n'être que des coquilles vides. Les éléments sont pourtant brillamment mis en place pour cette nouvelle histoire d'hommes et d'amitié où le flic Alain Delon (après foule de rôle de mauvais garçon il est pour la première fois du bon côté de la loi cette facette tournera d'ailleurs à la caricature terrible par la suite) doit s'opposer à son ami gangster Richard Crenna et à la fiancée de celui-ci (Catherine Deneuve) dont avec laquelle il entretien une liaison.

Durant la première partie la sécheresse de Melville fait merveille. Le quotidien morne de Delon se devine en une courte séquence nocturne peuplée de crime sordide, l'amitié et le triangle amoureux Delon/Crenna/Deneuve se comprend sans un mot par quelques regard en une scène et il suffira d'un plan sur le regard tendu de Riccardo Cucciolla lors du hold up d'ouverture pour savoir qui n'est pas un vrai truand dans cette bande malfrat. On appréciera aussi les quelques moments où la finesse d'observation de Delon lui permet de jauger les voyous qu'il interroge tel ce moment où il sait lequel parmi trois suspects est le plus faible et susceptible de lui fournir des réponses.

Malheureusement toute cette belle amorce sera au service du vide, Melville dans une volonté louable de ne pas céder à une psychologie intempestive n'esquisse plus le moindre effort pour faire exister ses personnages qui se résument à des pantins réduit à leur fonction : le flic, le truand, la fille. Si Delon et Crenna sauve les meubles par leur charisme et un plus long temps de présence à l'écran la pauvre Catherine Deneuve est absolument transparente alors qu'elle devrait être le pivot émotionnel du film.

Plus que dans tout autre de ses polars, l'influence américaine déconnecte Un Flic de toute réalité avec son casting international en imper et chapeau stetson, ces grosses voitures évoluant dans une France blafarde que la stylisation rend indéterminée. L'épure se retourne définitivement contre le film avec cette narration aux ellipses intempestive qui rendent Delon quasi omniscient, nous laissant un peu trop souvent combler les trous de ses déductions.

Heureusement malgré ce aspect désincarné Melville orchestre quelques moments brillants comme le long hold up qui débute le film, sa science de la lenteur et son usage des plan séquence faisant très bien monter la tension. Ce qui aurait du être le grand morceau de bravoure s'avère très désuet avec un pourtant très original vol en train où nos gangsters s'immiscent et repartent d'un wagon par un hélicoptère survolant les voies. Les plan s'attardent malheureusement trop longtemps sur les maquettes bien visible et l'ensemble perd toute crédibilité. Un Flic se révèle finalement n'être qu'un squelette Melvillien ne retenant que les éléments les plus visibles et superficiels mais sans la chair autour qui sut si bien provoquer l'intérêt et l'émotion dans ses plus belles réussites. La scène finale voulue comme le pic tragique et qui laisse de marbre par trop de retenue en est la triste illustration.

Sorti en dvd chez Studio Canal

Extrait de la scène d'ouverture

1 commentaire:

  1. Il y a tout de même l'excellente scène finale dans le petit matin. Mais c'est vrai que ce film n'a guère de ressort. Je préfère l'autre ratage de Melville "Quand tu liras cette lettre"...

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