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dimanche 4 septembre 2011

Le Chant du Missouri - Meet Me in St. Louis, Vincente Minnelli (1944)


À Saint-Louis en 1903, alors que la ville prépare l'Exposition universelle, la famille Smith vit un bonheur sans histoire. Mais un soir, le père de famille annonce qu'il a obtenu un travail plus avantageux à New York et qu'il faudra bientôt quitter le Missouri. La mère et les trois filles sont en émoi…

En 1944 l'Amérique est plus que jamais plongée dans la Deuxième Guerre Mondiale et la population vit dans l'angoisse des hommes risquant leur vie au front. Voulant faire oublier aux familles cet avenir incertain, les studios se réfugient plus que jamais dans des univers irréels ou fantasmés pour dépayser le spectateur. Le Chant du Missouri parvient à une réussite plus grande encore que cette simple volonté d'évasion en apportant une forme de réconfort aux américains par des thèmes plus proche de leur quotidien ce que son esthétique flamboyante et factice laisse supposer. Ce monde merveilleux et enchanteur que l'on va visiter ne se situe pas dans quelque contrée imaginaire de conte mais dans le Missouri du début de siècle, en ébullition avant l'Exposition universelle à venir en 1904.

Le regard tendre et nostalgique qui traverse le film est issu des récits de Sally Benson qui consigna dans des courtes histoires (publiées dans le New York Times puis plus tard rassemblées dans un livre intitulé 5135 Kensington soit l'adresse de la maison de son enfance) qui relata ses souvenirs d'enfance à travers le regard de la fillette insouciante qu'elle était. Le film malgré quelques infidélités (le point de vue n'est plus celui de la fillette se rattache sans doute plus aux amours des grandes sœurs) capte parfaitement le sentiment de bonheur et de nostalgie exprimé à travers cette vision d'un passé fantasmé, le choix du producteur Arthur Freed d'en faire une transposition musicale renforçant encore l'ivresse. L'introduction de chaque grande séquences de l'année de cette petite famille par une vieille photo datée qui s'anime soudain au rythme des saisons pour faire vivre ce passé retranscrit idéalement cela.

Dès les premières minutes, c'est donc un tourbillon de personnages bondissants, de couleurs flamboyantes et de musique enjouée qui s'emballe sous nos yeux. Minnelli parvient à introduire et caractériser une dizaine de personnages en un rien de temps et chacun s'imprègnera durablement en nous quelle que soit son temps à l'écran ou son importance dans le récit : l'orageux mais aimant père de famille joué par Leon Ames, l'acariâtre servante Katie, la douce sœur aînée Rose même si c'est la cadette espiègle Toothie (vraie surnom d'enfance de Sally Benson comme tous les autres personnages qui conservent les prénom des membres de sa famille à l'écran) et la merveilleuse Judy Garland en Esther qui captivent l'attention.

La première séquence où ce petit monde bouillonne dans l'attente d'un coup de téléphone annonçant une demande en mariage pour Rose nous les présente ainsi exubérants, bruyant et attachant à l'image de la jeune et pétillante Margaret O'Brien (un vrai petit ange confondant de naturel et de fantaisie).

Le Chant du Missouri est un film pratiquement sans vrais conflits ou ressort dramatiques prononcés si ce n'est la menace de s'éloigner de ce havre de paix. Dès lors deux sentiments et types d'atmosphères animent le récit, le bonheur radieux et insouciant qui parait éternel puis la douce mélancolie et la tristesse de se rendre compte qu'il va pourtant bien devoir toucher à sa fin. Le récit se savoure donc plus sur les moments, heureux ou pas qui vont véritablement se figer dans les souvenirs des protagonistes : une soirée d'Halloween mouvementée, la découverte des premiers émois amoureux (merveilleuse scène où Judy Garland trouble son voisin en l'invitant à éteindre les lumières), le bal de noël.

Les chansons, véritable moteur de la narration, ne font pas que l'accompagner mais la transcende totalement. S'il n'y a pas de vraies péripéties marquées, chaque morceau transporte complètement l'émotion de chacun de ces moments voulu comme anodins ou pas. Le Meet me in Saint Louis (vrai standard du début du siècle) d'ouverture exulte de l'énergie qui traverse ce foyer, The Boy next door et sa mélancolie adolescente magnifiquement exprimée par Judy Garland et le poignant Have Yourself a Merry Little Christmas dont les paroles sur la tristesse d'être éloigné du foyer touche quelque chose de bien plus réel et universel à la fois...

Judy Garland réticente au départ à faire le film car désireuse de s'éloigner des rôles adolescents rayonne comme jamais ici, sans doute animée par la vraie romance qui se jouait en coulisse avec Vincente Minnelli qu'elle épousera ensuite. Ce dernier la filme amoureusement et la met divinement en valeur et équilibre l'ensemble du film entre méticulosité historique dans les différents éléments de décors et liberté esthétique absolue par sa manière de les illustrer. Le film se passe comme un rêve éveillé issu du passé ce qui est totalement le but. Le final lors de l'Exposition universelle est un triomphe artistique absolu. Si contrairement au film dans la réalité Sally Benson dû bien quitter Saint-Louis pour New York, les moments heureux ne la quittèrent jamais et c'est exactement ce que réussit Minnelli avec le spectateur qui n'a connu ni ces lieux aimés ni cette époque rêvée.

Sorti en dvd zone 2 chez Warner dans une belle édition

3 commentaires:

  1. Merci pour cette critique ! J'ai beaucoup aimé ce film et je vois qu'il vous a plu aussi ^^ Toutes ces couleurs, le charme de Judy Garland et les joyeuses chansons du film
    (mention spéciale à Meet Me in Saint Louis et the Trolley Song) m'ont entraînée dans l'atmosphère de l'Amérique des années 50 et m'ont laissée rêveuse...on dirait un vrai petit paradis. J'ai aussi aimé cette atmosphère chaleureuse, entre amourettes et réunions de famille, c'est un film plein de joie de vivre ! A bientot.

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  2. Pardon pour l'erreur sur la date, l'exposition universelle de Saint Louis c'était en 1904 bien sur ^^

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  3. Oui une vraie merveille ce film, on sent qu'entre de mauvaises mains il y a tout pour sombrer dans la mièvrerie mais Minelli trouve toujours l'émotion juste un vrai rêve éveillé. Moi aussi ma chanson préférée est Meet Me in Saint Louis diablement entraînante !

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