Flic d'élite Tom Sharky ? Sans doute mais encombrant : grande gueule, mauvais caractère, partisan des méthodes musclées. En bref, viré des stups, direction la brigade des moeurs...
L'ambiance change pas de vagues surtout ! Sharky ne l'entend pas de cette oreille. Entraînant ses collègues, il monte une véritable machine de guerre contre les barons du sexe, et part en croisade contre le plus terrible d'entre eux, le dénommé Victor.
Et lorsque Dominoe, la call-girl qu'il doit protéger, est en danger, Sharky va se déchaîner...
Aujourd’hui source de moqueries et symbole de ringardise absolue, on en finirait par oublier l’immense star que fut Burt Reynolds dans les 70’s, dont la popularité équivalait à celle d’un Clint Eastwood ou d'un Charles Bronson. La tournure désastreuse de la carrière de Burt Reynolds peut se rapprocher de celle de Charles Bronson. Ce dernier s’était en effet laissé enfermer dans la caricature de son rôle le plus célèbre, l’excellent Un Justicier dans la ville, pour aligner les nanars n’ayant ni la tension, ni l’ambiguïté du film de Michael Winner. Burt Reynolds a connu le même destin avec Cours après moi shérif, réjouissante course poursuite automobile de Hal Needham, immense succès au box office, dont il enchaînera les suites jusqu’à plus soif. Seul Clint Eastwood aura su se dégager sans la renier de l’image de L’inspecteur Harry, tandis que le spectateur moyen verra toujours en Burt Reynolds le moustachu rouleur de mécaniques, au volant d’une Pontiac Trans Am.
Tout avait pourtant idéalement commencé. Burt Reynolds trouve son premier rôle majeur dans Navajo Joe, western spaghetti d’un des maîtres du genre, Sergio Corbucci, dans lequel il campe un indien vengeant le massacre de sa famille. Il tourne avec les plus grands réalisateurs de l’époque, comme Robert Aldrich sur le très divertissant Plein la gueule (mélange de film de prison et de football américain) et surtout La Cité des dangers, immense polar désespéré dans lequel il trouve son meilleur rôle. John Boorman fera également appel à lui sur le célébrissime et hargneux Délivrance, tout comme Peter Bogdanovich avec qui il tourne à deux reprises dans Enfin l’amour et Nickelodeon. À cette époque, il savait brillamment alterner des films plus difficiles et des séries B musclées mettant son physique de déménageur en valeur, tel l’oublié Les Bootleggers à l’ambiance « redneck » poisseuse. Jusqu’à l’impasse de Smokey and the bandit.
On crut pourtant Reynolds capable de reprendre sa carrière en main au début des 80’s, lorsqu’il réalisa et tînt lui-même la vedette de L’Anti-Gang. Adapté du roman de William Diehl, Sharky’s Machine, le film offre une étonnante relecture du Laura de Preminger, remplaçant le film noir par le polar urbain. Tous les poncifs de ce dernier sont d’ailleurs respectés pour le plus grand plaisir des fans du genre : des seconds rôles formidables (excellent Brian Keith en « papa »), des répliques ordurières comme on n’en fait plus et un Burt Reynolds qui en impose tout en décontraction. Le casting s’étoffe d’ailleurs de la présence prestigieuse de Vittorio Gassman en proxénète manipulateur, ainsi que d’Henry Silva (habitué des rôles de fous furieux dans les polars italiens), inoubliable en tueur junkie psychotique.
L’Anti-Gang démontrait clairement les grandes aptitudes de Reynolds à la réalisation, grâce à quelques morceaux de bravoure époustouflants. L’ouverture sur une séquence de deal tournant au vinaigre est formidable de tension, le tout finissant en course poursuite sanglante. C’est pourtant la première heure du film, dénuée d’action, qui fascine. Annonçant le Body Double à venir de De palma, on y suit Burt Reynolds dont la mission de surveillance de la prostituée Rachel Ward (premier rôle et superstar deux ans plus tard avec le feuilleton Les Oiseaux se cachent pour mourir) vire progressivement à l’obsession amoureuse et voyeuriste.
Le meurtre de Rachel Ward est également un grand moment, entre un montage virtuose (on pense de nouveau à la scène de meurtre de Body Double) et la violence surgissant de manière crue, brève et directe. Tous les crimes perpétrés par Henry Silva font montre d’un soin et d’une science du suspense très soignés et ce, tout au long du film.
La dernière partie est nettement moins convaincante, Burt Reynolds semblant avoir cédé à tous ses mauvais penchants. Entre idées saugrenues (les tueurs chinois…), le sort abrupt réservé à Vittorio Gassman (même si Henry Silva a droit à une mort restée dans les annales) et surtout l’amourette Reynolds/Ward débordant de clichés, les promesses ne sont clairement pas tenues.
Joli succès et considéré comme un des meilleurs polars de l’époque, L’Anti-Gang aurait donc dû donner un nouveau souffle à la carrière de l’acteur. Il n’en fut rien. Il continua à s’enfoncer progressivement, malgré un sursaut en 1995 grâce à Boogie Nights de Paul Thomas Anderson, dans lequel il interpréte un réalisateur de pornos haut en couleurs. Malgré ses défauts évidents, Sharky’s Machine est donc un des derniers vestiges d’un immense talent et d’un beau gâchis.
Sorti en dvd zone 2 français chez Aquarelle
Il existe un site français sur Burt Reynolds :
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