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jeudi 2 février 2012
L'Horloger de Saint-Paul - Bertrand Tavernier (1974)
Michel Descombes (Philippe Noiret) est horloger dans le quartier de Saint-Paul à Lyon. Un matin, deux policiers se présentent à son atelier et le questionnent sur son fils, sans vouloir lui dire ce qui est arrivé. Il est immédiatement accompagné hors de Lyon sur le lieu où sa camionnette a été retrouvée, vide. Là, le commissaire Guilboud (Jean Rochefort) lui apprend que son fils a tué un homme ...
Premier film de Bertrand Tavernier, L'Horloger de Saint-Paul pose les bases de plusieurs éléments fondamentaux de son œuvre à venir. On retrouve notamment cette faculté à s'approprier un matériau en déplaçant le cadre qui fera la réussite de Coup de torchon, adaptation de Jim Thompson transposée en Afrique. Ici Tavernier s'attaque au roman L'horloger d'Everton de Georges Simenon où l'intrigue passe des Etats-Unis à Lyon. Lors de la gestion de longue haleine (quatorze mois d'écriture ponctués du refus d'une foule de producteur), Tavernier ira chercher le duo de scénariste Aurenche/Bost dont il admire la souplesse et la discrétion de l'écriture dans leur grande période des années 40/50. Ils semblent tout appropriés pour ce drame intimiste qui lance une amitié commune et une fructueuse collaboration qui donnera Que la fête commence, Le Juge et L'Assassin, Coup de Torchon et Tavernier rendra même un bel hommage à Aurenche avec son superbe Laissez-passer (2001).
L'Horloger de Saint-Paul mêle la sensibilité intimiste de Tavernier avec une certaine dimension engagée qu'on peut trouver dans nombres de ses œuvres (Ça commence aujourd'hui, L 627...) avec notamment lors de la joviale scène d'ouverture un personnage qui sur le ton de la plaisanterie dépeint un programme télévisé qui est tout simplement celui du futur La Mort en direct (1980). Michel Descombes, horloger à l'existence tranquille voit sa vie bouleversée lorsqu'il lui est annoncé que son fils a tué un homme et est en cavale.
Dès lors débute une longue introspection de ce père qui au fil des révélations va découvrir que son fils est finalement un étranger pour lui. Parallèlement à cela Tavernier offre une sorte de photographie sobre de cette France des 70's, celle d'avant 81 où règne clivage politique et souvenir des temps difficiles où les choix étaient plus "simples". Les discrètes allusions au passé résistant de Noiret, les méthodes et le discours ambigu des syndicats et la nostalgie militaire dessinent un arrière-plan agité où s'intègre le drame humain. Le crime se trouve politisé par discours déformé des journalistes, mais aussi par les autorités lorsqu'interviendra la sentence de jugement finale.
Plus que la résolution ou la révélation de la nature du meurtre, c'est surtout le mystère de ce lien brisé entre le père et le fils qui importe. Ce sera tout d'abord durant une longue première partie où la solitude de Noiret le place face à lui-même et ses doutes tandis que les échanges avec et étrange avec le commissaire joué par Jean Rochefort donne un ton sensible et décalé à l'ensemble. La même incertitude plane lorsque père et fils ne peuvent échanger sur les faits et ce n'est qu'au prix d'un curieux sacrifice que le lien sera renoué.
On renonçant à se battre pour son fils et en respectant son mutisme, Noiret le retrouve finalement dans une conclusion des plus singulière, apaisée et terrible à la fois. Tavernier se montre très inspiré pour traduire tout cela visuellement, par une mise en scène sobre où en faisant de cette ville de Lyon un personnage à part entière où se perd Noiret dans ses déambulations solitaires.
On pourra néanmoins reprocher malgré la réussite un certain manque de nerf dans la narration se reposant trop sur le magnétisme de son interprète. Récompensé du Prix Louis-Delluc et Prix du Jury à Berlin, L'Horloger de Saint-Paul lance définitivement la carrière d'un Tavernier qui pourra enfin mettre sa cinéphile au service de ses propres films.
Sorti en dvd chez Studio Canal
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