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samedi 31 mars 2012

Confession d'un commissaire de police au procureur de la république - Confessioni di un Commissario di Polizia al Procuratore della Repubblica (1971)


L'histoire est celle du commissaire de police, Bonavia, qui ne réussit pas à faire inculper un promoteur immobilier véreux, Lomunno, en raison de ses accointances politiques. Poussé à bout, Bonavia fait libérer un ennemi personnel de Lomunno, qui a juré de le tuer. L'affrontement sanglant qui s'ensuit, auquel Lomunno échappe, fait intervenir le juge d'instruction Traini. Les deux enquêteurs s'affrontent tout en poursuivant le même but. Mais Bonavia envisage une action désespérée...
Damiano Damiani réalisait avec ce Confession d'un commissaire de police au procureur de la république un saisissant pamphlet dénonçant les collusions entre la mafia et les hautes sphères de la justice et de l’Etat. Cet engagement et propos acerbe sont une constante de l’œuvre du réalisateur qui fit le prolongement de ce qu’on appela en Italie le « cinéma citoyen ». Ce terme désigne une vague de films italiens sortis entre la fin des années cinquante et le milieu des années 60. Le pays alors en plein boom économique voit naître diverses injustices liées à l’avidité des nantis, la corruption des institutions et le pouvoir toujours plus étendu de la Mafia, notamment la Camorra.

Francesco Rosi initiera le mouvement avec des films remarquables comme Le Défi sur l’ascension d’un ambitieux jeune mafieux ou encore Main basse sur la ville dénonçant la spéculation immobilière sauvage et le rôle qu’y jouent les politiques. D’autres cinéastes engagés suivront comme Bernardo Bertolucci mais le « cinéma citoyen » n’est finalement que le prélude d’œuvres dont la production et la radicalité s’amplifieront à partir de la fin de la décennie. Deux raisons à cela : mai 68 qui s’avère tout aussi agité en Italie et entraînera dans son sillage des étudiants virulents dont certains basculeront dans les extrêmes et le terrorisme durant les "années de plomb" ; en 1969, ce sont les mouvements syndicalistes ouvriers qui plongent le pays dans le chaos.

Là encore plusieurs réalisateurs brillants s’engouffrent dans la brèche comme Elio Petri qui signera un mémorable Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon. Parmi eux, on trouve donc Damiano Damiani qui malgré son talent ne bénéficie pas tout à fait à l’époque de la même reconnaissance. En effet, contrairement à la forme austère d’un Rosi ou décalée de Petri, Damiani œuvre lui ouvertement dans le cinéma de genre, la notion de divertissement ne disparaissant jamais sous prétexte de « film à message ». Le cinéaste avait pourtant débuté dans un cinéma engagée à teneur plus auteurisante et intellectuelle au début des années 60 avec Jeux précoces, son premier film, pour lequel il remportera le Prix Fipresci au Festival de San Sebastian. Damiani prendra pourtant progressivement conscience que cette approche ne lui permet finalement que de prêcher auprès de convaincus, la critique et les militants de gauche.

Pour que le message ait davantage de portée, il faut s’attaquer à des genres plus populaires que le grand public, en quête d’évasion, pourra également voir, et solliciter sa conscience dans des intrigues dont l’efficacité cache un fond plus polémique. La bascule se fera avec El Chuncho (1966) , chef-d’œuvre du western spaghetti où Damiani dénonce rien moins que l’interventionnisme américain dans les pays d’Amérique du Sud. Le film est un succès immense et contribue à créer le sous-genre du « western Zapata » se déroulant durant la Révolution mexicaine et permettant ainsi diverses interprétations politiques aux intrigues.

Damiani, ainsi conforté dans son approche, appliquera le même traitement au polar où action musclée côtoie dénonciation de la corruption et de la mafia comme Seule contre la mafia (1970), La Mafia fait sa loi (1967) et donc Confession d'un commissaire de police au procureur de la république. Si Damiani possède lui une vraie signature visuelle et une finesse psychologique brillante, ce ne sera pas le cas de tous les suiveurs qui pousseront cela jusqu’à la caricature avec la création d’un autre sous-genre nommé « le film de mafia ». Les critiques italiens de l’époque diront ironiquement que ces films avaient un fond de gauche et une forme de droite, c’est à dire conventionnelle. A trop vouloir flatter et capter le grand public, on basculait ainsi dans un simplisme qu’aura toujours su éviter ce touche-à-tout qu’était Damiano Damiani.

Confession d'un commissaire de police au procureur de la république voyait les retrouvailles entre Damiano Damiani et le scénariste Salvatore Laurani avec qui il s’était très bien entendu sur El Chuncho. Ce dernier film se caractérisait par la perte de repères progressive qu’il instaurait entre ses protagonistes et leur motivation : les révolutionnaires étaient autant des exaltés que des bêtes sanguinaires revanchardes envers leurs oppresseurs, le semblant de figure héroïque joué par Lou Castel s’avérait au final le plus détestable de tous… El Chuncho montrait qu’en période troublée, les êtres nobles et vertueux n’avaient plus leur place (s’ils avaient jamais existé) pour ne laisser que des hommes et femmes cédant à leurs pulsions, positive comme négative.

C’est ce même constat qui est fait ici dans l’impasse que constitue l’étendue du pouvoir mafieux. Nous avons donc là le commissaire de police Bonavia (Martin Balsam) qui va sciemment faire libérer de l’asile un déséquilibré dont il sait qu’il ira dès sa sortie tuer l’homme d’affaire Lommuno (Luciano Catenacci) qui avait contribué à le faire interner. Lommuno est un promoteur immobilier véreux, en maille avec les notables de la ville, que Bonavia malgré tous ses efforts n’a jamais réussi à arrêter. La tentative de meurtre détournée de Bonavia échoue, ne laissant qu’un terrible bain de sang. Entre alors en scène le jeune procureur Traini (Franco Nero) qui va tenter tout à la fois de confondre les agissements de Bonavia, coincer Lommuno et dénoncer la corruption régnant en ville.

L’aspect le plus passionnant du film est le jeu de miroir entre Traini et Bonavia, en tous points opposés bien que poursuivant le même but. Traini, jeune magistrat idéaliste et ayant foi en le pouvoir des lois est formidablement incarné par un Franco Nero dont le regard bleu magnétique symbolise la bonté et la détermination. A l’inverse Bonavia (Martin Balsam, fameux second rôle américain qui trouva un second souffle dans le cinéma de genre italien) est un homme désabusé par un système auquel il ne croit plus à force d’entraves diverses à ses investigations au fil des ans. Damiani maintient l’ambiguïté autour de Bonavia et ses méthodes extrêmes (rejoignant paradoxalement celles de son rival lorsqu’ils se mettent mutuellement sur écoute) tandis que Traini est un idéal de droiture, renforcé par le physique avantageux de Franco Nero. La caractérisation des deux personnages sert aussi cette différence.

Traini, fondu dans le système, est vêtu de costume strict et soigné et son appartement s’avère tout aussi sobre et impersonnel, hormis un tableau féminin représentant sa mère. Le plus âgé Bonavia semble beaucoup plus libre dans son attitude, entre sa maîtresse deux fois plus jeune que lui, ses vestes criardes à la mode. Tout cela n’est pas innocent et reflète finalement les méthodes des deux hommes. Bonavia se fie à son instinct et jongle avec la loi (lorsqu’il laisse échapper un jeune voleur) quand Traini y est entièrement soumis. Dans sa vie comme dans son métier, Bonavia fonctionne à sa guise, désolidarisé d’un système vicié selon lui.

Damiani ne choisit pas entre les approches des deux protagonistes, mais fait un douloureux constat sur celle qui sera la plus efficace. Un flashback révèlera que la vengeance est le moteur de la détermination de Bonavia et qu’il suit finalement son cœur. La raison voudrait que l’on prenne parti pour Traini mais la radicalité de son adversaire semble bien la seule alternative. Toutes les entorses de Bonavia serviront ainsi l’enquête (la dissimulation d’un témoin important notamment) quand Traini piétinera voire révélera des informations cruciales malgré lui aux taupes qui l’entourent.

 

Sorti en dvd zone 2 français che SNC/M6 Vidéo


vendredi 30 mars 2012

Le Jardin du Diable - Garden of Evil, Henry Hathaway (1954)


Trois passagers d'un bateau se trouvent coincés dans une petite bourgade du Mexique après une avarie de machines. Alors qu'ils prennent un verre, une femme aux cheveux roux surgit et les supplie contre récompense de secourir son mari bloqué au fond d'une mine par un éboulement. Les trois hommes ainsi qu'un client du bar acceptent. Ils l'accompagnent dans une région isolée aux mains des Apaches.

Hathaway réalise un des plus singuliers westerns des années 50 avec ce Jardin du Diable où le déroutant scénario de Frank Fenton nous emmène de surprise en surprise. Le film démarre comme un western d'aventures picaresque façon Vera Cruz (réalisé cette même année 1954 et où Gary Cooper campe un personnage assez proche) où trois hommes coincés dans une bourgade mexicaine acceptent de suivre une femme dont le mari est coincé dans une mine d'or.

Tout les les archétypes sont là, personnages comme décors spectaculaire pour mener un récit mouvementé. Gary Cooper est ici un homme droit mystérieux et taciturne sur son passé, Cameron Mitchell serait plutôt le jeune chien fou à la gâchette facile et le grand Richard Widmark aux antipodes de ses rôles de psychotique est le désinvolte posant un regard distancié sur le danger. On comprend déjà que l'on est ailleurs avec le personnage de Susan Hayward qui ne tombe dans aucun clichés du genre (la vamp, la femme effacée et aimante) pour composer une femme à poigne qui ne lève pas un regard sur les hommes ayant accepté de l'accompagner.

Seul compte pour de sauver son époux enseveli et aucun obstacle ne se posera en travers de sa route. Une scène définit cette détermination lorsqu'elle traverse la première et en sautant à cheval et sans la moindre hésitation la crevasse d'un chemin sinueux en flanc de montagne. Ce passage accompagne aussi le basculement du film dans un territoire inconnu, autant dans l'espace traversé que par la tournure de l'intrigue.

Le rythme et l'atmosphère sont des plus étranges. Hathaway effectue un grand écart étonnant avec ces cadrages amples dévoilant toute la majesté des somptueux et très variés décors naturels contrebalancé par une caméra statique qui instaure progressivement une ambiance des plus oppressantes. On ne sait pas vraiment ce que l'on doit craindre le plus, les indiens tapis dans l'ombre dont c'est le territoire ou alors les passions des protagonistes que ce soit l'appât du gain ou l'attirance pour Susan Hayward. Pas d'action donc mais une tension sourde où l'on explore les failles des personnages et devine dans quel travers ils tomberont lorsque les choses se gâteront.

L'interprétation est exceptionnelle au sein du trio vedette. Gary Cooper taiseux et droit comme la justice fait passer une gamme d'émotions subtiles à un personnage dont on ne saura rien jusqu'au bout. Richard Widmark est lui fascinant en homme lucide sachant lire l'esprit des autres et qui malgré cela se montrera prêt à céder à une Susan Hayward ambiguë. Hathaway saisit magnifique la séduction et le pouvoir de conviction de cette femme sensible mais prête à capable de pousser les hommes à leur perte si besoin.

L'arrivée à la mine et les retrouvailles avec son mari l'éclaire sous un nouveau jour où on saisit toutes les nuances du script de Fenton. On a là des êtres vide de toute humanité dans leur simple quête de richesse et finalement les plus attachants seront ceux qui sauront se sacrifier où survivre pour une plus noble cause.

Le mari (Hugh Marlowe) saura ainsi rendre tragiquement à son épouse l'abnégation qu'elle a mis à le sauver, Richard Widmark exprimera sa flamme au travers du hasard d'un jeu de carte (même si une belle scène de de déclaration aura précédé) et Gary Cooper dans la belle scène finale rejoindra Susan Hayward dans un soleil couchant sachant lui aussi où est l'essentiel.

L'action est entièrement soumise à cette évolution des personnages et n'arrive finalement que dans les tous derniers instants du film. Là Hathaway récompense notre attente avec un sacré morceau de bravoure où une course poursuite nerveuse s'enchaîne avec une embuscade en montagne.

L'ennemi indien n'est qu'un prétexte et un révélateur qu'Hathaway film comme des silhouettes indistinctes et sans visages, une menace omniprésente dont les flèches peuvent surgir de partout amenant une dimension fantastique et psychologique appuyée. Formellement c'est somptueux de bout en bout et un des Hathaway les plus aboutis visuellement où les images marquantes sont multiples. Vraiment surprenant dans sa manière de contredire un argument attendu, un superbe western pour peu qu'on accepte d'être happé dans son étrangeté.


Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis dans la collection western

jeudi 29 mars 2012

Après moi le déluge - I'm alright Jack, John Boulting (1959)


Le naïf Stanley Windrush revient de la guerre avec une seule ambition : réussir dans les affaires. Cependant, à sa grande consternation, il s'aperçoit bien vite qu'il lui faut démarrer au bas de l'échelle et gravir les échelons un par un pour arriver à ses fins, et qu'aussi bien la direction que les syndicats se servent de lui dans leur lutte pour le pouvoir.

Les frères Boulting signent une corrosive et jubilatoire satire qui comme la plupart de leurs films met en boite la société britannique des années 50. I'm alright Jack est en fait la suite de Private's Progress que les frères réalisèrent trois ans plus tôt et les deux films sont adaptés du diptyque de roman Private Progress/Private Life écrit par Alan Hackney qui contribue également ici au scénario. Le premier film était lui une satire de l'armée et on retrouve les acteurs de ce dernier Ian Carmichael, Dennis Price, Richard Attenborough, Terry-Thomas et Miles Malleson qui reprennent leur rôle tandis que plusieurs dialogues font référence à ce précédent volet. Cette fois, ce sera le monde du travail qui sera largement égratigné.

Le film s'ouvre les images de liesse des anglais alors que se termine la Deuxième Guerre Mondiale. Parallèlement à cette joie, on assiste à la retraite du vieux magnat Sir John Kennaway (Peter Sellers grimé qui inaugure sa manie des doubles rôles) pour un repos éternel après une vie bien remplie comme nous l'explique la voix off malicieuse. On ne l'a pas encore saisi mais avec lui c'est toute la volonté de travail et d'abnégation du peuple britannique qui s'envole aussi comme l'illustre la séquence suivante. Une ellipse nous amène au début des années 50 et si la voix off continue à vanter ironiquement les mérites du travail, les images la contredisent avec une caméra qui passe de paysage industriel fait de cheminée d'usine à... la campagne d'un camp de naturiste oisif !

On découvre alors notre héros, Stanley Windrush (Ian Carmichael) jeune homme désireux de faire carrière dans le monde de l'industrie. Seulement Stanley est un benêt doublé d'un gaffeur compulsif et les premiers entretiens ne se passent pas exactement bien, entre un entretien chez un fabricant de lessive où il pose toute les questions qui fâchent et surtout un hilarant passage dans une biscuiterie où seront causés pas mal de dégât. Dépité, Stanley est alors contacté par son oncle Bertram Tracepurcel (Dennis Price) et son ancien camarade de régiment Sidney De Vere Cox (Richard Attenborough) pour venir apprendre le métier en tant que simple ouvrier dans leur usine de fabrication de missile. L'acte est moins noble qu'il n'y paraît puisqu'ils comptent sur Stanley pour venir semer la zizanie malgré lui parmi les syndicats tatillons et leur permettre de faire une plus-value alléchante sur une de leur affaire en cours.

Si les patrons en prennent pour leur grade par leur avidité et leurs manipulations, le script réserve tout son fiel au monde syndical. Le naïf Stanley découvre ainsi des pratiques étranges entre les parties de cartes derrière les containers en pleine journée de travail, un directeur d'usine planqué (Terry-Thomas habitué des Boulting) et peu regardant qui cède au moindre caprice du délégué syndical Fred Kite (Peter Sellers).

Le moment le plus savoureux arrive lorsque minuté à son insu, Stanley provoque l'ire de ses collègues pour avoir fait trop rapidement son travail et instauré ainsi des standards plus assidus. On rit bien fort dès la scène suivante où Terry-Thomas tente de justifier l'abnégation de cet embarrassant ouvrier :

He's a new man. He hasn't got used to the natural rhythm of the other workers.

Le jeu de massacre est irrésistible notamment dans la description des tire-au-flanc que constituent les salariés de l'usine, prêt à se soulever comme un seul homme pour justifier leurs droits (à la fainéantise). Vue l'ironie constante (même l'histoire d'amour avec une pulpeuse Liz Frazer tourne vite au ridicule), Peter Sellers n'en a que plus de mérite à réussir à faire exister son personnage de syndicaliste acharné, le seul à être sincère même si guidé de manière maladive et compulsive par ses convictions.

 Le personnage est certes tourné plus d'une fois en ridicule (ce moment où il bombarde le malheureux Stanley de conseil de lecture gauchiste à base de Lénine et autres agréments...) mais est sincère et touchant dans cet engagement politique qui est sa raison d'être. Peter Sellers dans un de ses premiers rôles majeur fait fi de toute l'excentricité qu'on lui connaît pour une prestation sobre et attachante.

Sous la drôlerie, le film délivre un terrible constat d'échec sur un pays sclérosé, usé par les privations de la guerre et se réfugiant désormais dans le confort et l'immobilisme. Les riches ne cherchent qu'à engranger le profit au mépris de toute morale et les classes ouvrières ne désirent plus qu'en faire le moins possible. L'avenir du pays semble désormais sans vision, sans projet et surtout sans grand homme pour les mener.

C'est donc le plus simplet qui fera sonner la révolte dans une conclusion féroce qui le voit malheureusement pour lui le contraint à rentrer dans le rang, la notoriété en plus. Ian Carmichael est excellentissime en grand candide de l'enfer de l'entreprise (et les Boulting sont décidément très doué pour ce type de personnage voir Terry-Thomas en ambassadeur idiot hilarant dans l'excellent Carlton-Browne of the F.O.) et tout le reste du casting est à l'avenant. Faire autant rire avec un message si déprimant c'est un sacré talent, une grande comédie !

Sorti en dvd zone 2 anglais et dépourvu de sous-titres anglais

Extrait

mercredi 28 mars 2012

Black Dynamite - Scott Sanders (2009)



Black Dynamite » est le type le plus redoutable et le plus cool de Los Angeles. Ancien commando pour la CIA, il règne en maître avec son .44 Magnum et son nunchaku. Pratiquant un kung-fu bien à lui, il terrorise tout le monde. Fier d'être black, il est aussi très populaire auprès des femmes. Mais lorsque son frère Jimmy est assassiné, la CIA lui demande de reprendre du service. Après avoir retrouvé une douille sur les lieux du meurtre, il remonte la piste d'un complot destiné à affaiblir Afro-Américains : distribution de drogue dans les orphelinats et de bière frelatée dans les quartiers « blacks »...

Alors que tout un pan du cinéma des seventies était revenu à la mode durant les années 2000, du plus sérieux (cinéma politique) au plus bis (film d’horreur, d’arts martiaux), il était curieux que l’on n'ait pas encore eu droit à un revival de la Blaxploitation. Rappelons les faits. Début des années 70, hormis quelques personnalités comme Sidney Poitier ou Sammy Davis jr, les acteurs afro-américains en sont encore réduits aux rôles de second plan. En ces heures de revendications radicales sous la férule des Black Panthers, naît bientôt l’idée d’un cinéma tourné par et pour les blacks, qui pourront à leur tour jouer les héros Du divertissement teinté d’affirmation raciale et politique qui générera ses propres stars comme Pam Grier, Richard Roundtree ou Jim Brown et paradoxalement produit par des blancs (le mythique Shaft est produit par la MGM et Roger Corman s’engouffrera volontiers dans le filon).

Aucun chef-d’œuvre à signaler dans le lot mais des série B musclées au charme toujours actif et des bandes originales grandioses signées par les dieux de la soul de l’époque (Curtis Mayfield pour Superfly, Marvin Gaye sur Trouble Man, Isaac Hayes sur Shaft pour les plus connues…). Après être tombé dans sa propre caricature, le genre s'éteindra doucement à la fin de la décennie qui l'a vu naître. Si beaucoup d’inégalités demeurent, à l’heure où Obama siège à la Maison Blanche, que des Will Smith, Denzel Washington ou Halle Berry sont des superstars internationales, le genre a-t-il encore sa raison d’être ?

Il aura fallu tout le génie d’un Tarantino dans Jackie Brown pour se réapproprier dans un récit nostalgique et intimiste le ton des œuvres de l’époque et (à l’instar des films de la Shaw Brother après les Kill Bill) provoquer leur redécouverte pour le grand public à coup de rééditions dvd massives. Pour les autres moins doués, ce n’est que l’esthétique clinquante à base de chaînes en or, coupe afro et "black attitude" exacerbée qui demeure et c’est évidemment du côté de la comédie parodique que le genre renaît de ses cendres ces dernières années. Parmi les tentatives les plus convaincantes, l’hilarant Undercover Brother (honteusement rebaptisé Opération Funky par chez nous), parodie d’espionnage à la Austin Powers sauce blaxploitation. Désormais, il y a Black Dynamite.

Plutôt que la parodie pure attendue, le film de Scott Sanders oscille entre les Grindhouse de Tarantino/Rodriguez (avec une vraie patine vintage sur la forme comme la photo, le cadre 70's, les gros zooms et faux raccords volontaires) et la petite touche décalée qui désamorce toute tentative de sérieux, tel ces Dynamite ! scandés par la bande son à chaque apparition tonitruante du héros.

Sans cela, l’intrigue est typique des classiques de l’époque : un scénario sur fond de vengeance dévoilant un complot machiavélique de l'homme blanc destiné à éradiquer les noirs avec une nouvelle drogue aux effets radicaux. Tous les autres éléments bien connus sont également au rendez-vous mais en plus appuyés, telles les punchlines vulgaires et imagées, la fascination pour la figure du pimp tiré à quatre épingles et une bande son pastichant brillamment les standards soul originels tout en narrant les événements.

Bien rythmé, le film en met par moment plein la vue, porté par Michael Jai White (vu dans Spawn et coupé au montage de Kill Bill 2) à la virilité imposante et qui impressionne lors des nombreuses scènes de combats (il est réellement champion d’arts martiaux et il le prouve). Son jeu volontairement hors sujet lors des passages plus dramatiques montre bien qu’il est en accord avec le projet de Sanders (ils ont coécrit le scénario) : s’amuser tout en rendant hommage au genre.

Après une première moitié jouant plutôt sur l’humour référentiel (dont une héroïne quasi-sosie de Pam Grier, la poitrine opulente en moins), le film décolle définitivement dans sa dernière partie, sommet de grand n’importe quoi inclassable. Entre une scène totalement décalée où Black Dynamite découvre les effets de la drogue anti black (l'explication est un grand moment) et une parodie fauchée d'Opération Dragon (il fallait bien une pincée de kung fu pour que la fête soit totale), on pense avoir tout vu. Mais ce n’est rien à côté du final dantesque où Black Dynamite prend d'assaut la Maison Blanche pour affronter le méchant ultime, Richard "Tricky Dick" Nixon en personne.

Bref, une sympathique réussite qui déçoit uniquement au niveau du traitement de la sexualité, faisant preuve d’une timidité typique des très prudes années 2000. Hormis l’ouverture tonitruante montrant Black Dynamite venant de satisfaire trois jeunes filles (et plus si affinités) et un Kama sutra endiablé en animation, le tout reste très soft. On est loin des prouesses érotiques épiques de John Shaft (alors que la production modeste laissait espérer quelques excès), mais ce n’est qu’une broutille face à un spectacle aussi jubilatoire. On devrait revenir sur des classiques Blaxploitation d'époque prochainement sur le blog.

Sorti en dvd zone 2 français chez M6 Vidéo

mardi 27 mars 2012

Jules César, Conquérant de la Gaule - Giulio Cesare, il conquistatore delle Gallie, Anton Amerigo (1963)



En 54 avant J.C., le [pro]consul romain Jules César a déjà conquis la plupart des territoires du nord de la «Provincia» et s'apprête à tenter l'invasion de la Bretagne pour la seconde fois. Mais la Gaule, soumise depuis peu, est secouée à nouveau par un mouvement de rébellion. Son meneur, Vercingétorix, un ancien esclave gaulois affranchi, est parvenu à fédérer autour de qui de nombreux peuples prêts à en découdre avec Rome pour recouvrer leur liberté. C'est la ville fortifiée d'Alésia qui sera le théâtre de ce terrible affrontement...

Très librement inspiré de La Guerre des Gaules de Jules César, le film n'en a que plus d'intérêt puisque étonnement ces faits ont été relativement peu abordé dans le péplum (si ce n’est dans des films fantaisiste et oubliables comme L'Esclave de Rome" et Seul contre Rome fond du panier du péplum italien).

Le film mélange très habilement fait réels historiques, tous solidement abordés et un aspect plus romanesque qui fonctionne bien également. La première heure met ainsi parallèlement en scène les difficultés de César et Vercingétorix à unir leurs camps. D'un côté César en lutte avec un sénat agacé par le pouvoir que lui confère ses victoires et qui cherche à le stopper en lui refusant des légions supplémentaires alors qu'il s’apprête à attaquer la Bretagne. De l'autre Vercingétorix s'évertuant à force d'alliances et de compromis à rassembler le peuple celte sous son commandement. Toutes les manœuvres et discussion politiques sont très bien vues à ce niveau et offre une vraie crédibilité à la situation en place.

Pour ce qui est de l'aspect romanesque, on a l'histoire d'amour impossible de rigueur entre la pupille de César promise à Cicéron par alliance politique, mais amoureuse d'un de ses généraux. C’est un élément classique mais suffisamment bien traité pour susciter l'intérêt. Il y a par contre d'autres aspects plus discutables comme de faire de Vercingétorix un simili Spartacus puisqu'il s'avère être un esclave affranchi. Par contre belle idée que de faire de Jules César celui qui l'affranchit en ouverture, créant ainsi son propre ennemi sans le savoir. L'autre élément amusant et incohérent est de faire intervenir la reine des belges Astrid aux côtés de Vercingétorix, alors que son peuple aurait été décimé par César quelques année auparavant et donc pas en mesure d'apporter une aide quelconque. La cause de la défaite finale dû à sa jalousie est assez grossière également mais contribue à l'aspect plus feuilletonnesque de l'histoire.

Le traitement est assez étonnant puisque l'envahisseur romain est présenté sous un jour positif alors que les gaulois ne sont que des rustres sanguinaires, le cinéma proposant le plus souvent la solution inverse. Vercingétorix est une vraie brute barbare qui n'hésite pas à faire couper la main d'un allié qui ne lui a pas fournis la totalité des renforts demandé, use de la torture et n'est pas loin de violer la pupille de César qu’il a prise en otage lors d’une scène. César est lui au contraire montré comme un chef charismatique aimé de ses hommes prêts à le suivre jusqu'en enfer (à qui il rend bien cet amour lors d’une séquence où il donne de l'eau aux blessés), fin stratège prêt à foncer au cœur de la bataille lorsqu'elle devient désespérée.

Très belle interprétation de Cameron Mitchell (acteur américain plus connu pour être un des héros de la série western Bonanza et premier rôle récurrent du péplum italien comme l’excellent La Ruée des Vikings de Mario bava évoqué sur le blog) en César, une vraie allure, une présence et une noblesse de tous les instants. Rick Battaglia boule de nerfs au regard fiévreux apporte également un beau magnétisme à son Vercingétorix.

Pas mal de qualités donc mais un certain manque de moyens et les lacunes de Anton Amerigo (en fait pseudo sous lequel se cache le réalisateur Tanio Boccia coupable d'un oubliable Maciste et les filles de la vallée) derrière la caméra entache un peu la bonne impression. On est loin des cohortes impressionnante de légions vues ans les péplums américain, le tout est particulièrement fauché avec les immenses décors naturels yougoslaves trahissant la cruelle déficience en figurants. Les intérieurs sont soignés mais pas bien flamboyant malgré quelques réussite comme le camp des gaulois. La dernière partie illustrant les batailles de Gergovie et d'Alésia est bien plus spectaculaire et bénéficiant de gros moyens avec deux armées énormes se faisant face.

Cependant Amerigo est très brouillon dans le traitement stratégique des batailles (On ne peut donc pas apprécier une des principales qualités de César), on a bien du mal à différencier les deux camps qui se contente de se rentrer dedans. Les corps à corps sont bien mous malgré quelques débordements sanglants et on a même quelques stock-shots grossiers lors de certains plans d'ensemble, sans parler des ellipses en fondu enchaînés (le mal récurent du péplum fauchés) pour illustrer l’enchaînement des combats.Plus à l'aise dans un registre plus contemplatif, le réalisateur propose quelques très belles compositions de plans à comme l'armée romaine en attente devant Alésia, la nature bien mise en valeur et une belle scène illustrant les rites gaulois. La séquence de la reddition de Vercingétorix est splendide également.

Très intéressante coproduction Franco -Italienne donc qui aurait pu donner quelques chose de vraiment très bon sans les quelques petites scories de mise en scène et de budget. On peut soupçonner des coupes au montage également tant certains enchaînements paraissent abrupts, expliquant la durée un peu courte 1h30. A voir néanmoins si on s’intéresse à cette période précise vu que les films en traitant ne sont bien nombreux.

Sorti en dvd zone 2 français chez LCJ

Extrait

lundi 26 mars 2012

Don Cesare de Bazan - Don Cesare di Bazan, Riccardo Freda (1942)



Barcelone. 1650, le comte Don Cesare Di Basan de retour de Flandres, découvre un complot monté contre le roi par l'ambassadeur de France, le vicomte de Beaumont. Avec l'aide de la comédienne qu'il a épousé à son insu et qui prend son nouveau rôle de comtesse très à cœur, Don Cesare va déjouer le complot et sauver le souverain.

Don Cesare de Bazan est le premier film de Riccardo Freda qui se voyait enfin offrir sa chance après des années à officier en tant que scénariste (sur des mélodrames essentiellement) puis producteur. Le talent montré durant ces années d’apprentissage lui vaut donc cette promotion lorsque la Elica Films décide de produire cette tentative italienne de rivaliser avec les films de cape et d’épée hollywoodien notamment les classiques de Michael Curtiz avec Errol Flynn (Capitaine Blood, L’Aigle des mers auquel son pense beaucoup ici).

Le film est adapté d’une pièce de théâtre du d’Adolphe d'Ennery lui-même librement inspiré par le Ruy Blas de Victor Hugo. Le script de Riccardo Freda (épaulé entre autre par Cesare Zavattini future grand scénariste pour le Néo réalisme et Vittorio de Sica en particulier) en gomme cependant tous les aspects trop dramatiques pour ne retenir que la matière à un grand spectacle enlevé. Pour ce galop d’essai le réalisateur rencontrait Gino Cervi qui allait devenir son acteur fétiche, le duo signant des réussites plus grandes encore du cinéma d’aventures avec L’Aigle Noir ou pour rester chez Victor Hugo une version en deux parties des Misérables en 1948.

Cette première réalisation est une belle réussite où éclatent déjà toutes les qualités futures de Freda. On retrouve ainsi son goût pour l’intrigue feuilletonesque avec intrigue dense (le film dure à peine plus d’une heure) où se multiplie complots, romance et duels à l’épée avec un sens du rythme ébouriffant.

Le talent de narrateur de Freda déjà tout aussi brillant dans sa manière limpide d’exposer les enjeux, de dessiner un personnage en une poignée d’image et surtout de nous faire avaler un aplomb et une croyance en son récit les plus grosses couleuvres et raccourcis scénaristiques. Ainsi il y aurait objectivement bien des invraisemblances à relever ici mais emporté que l’on est cela n’a aucune importance.

Gino Cervi (le futur maire des Don Camillo) est un formidable jeune premier et incarne le rôle-titre avec un charme, une énergie et un panache irrésistible. Face à lui la belle Anneliese Uhlig , actrice allemande au passé douteux, puisque star des films de propagande nazie exilée en Italie (où elle se liera à Mussolini) pour fuir les avances de Joseph Goebbels.

Le futur ne sera pas plus glorieux puisqu’après la guerre elle contribuera avec opportunisme aux courts métrages de propagandes américains anticommunistes dont elle assurera pour certains la production et la réalisation.

Quoiqu’il en soit, son physique glacial et fragile à la fois fait merveille face à la bonhomie de Cervi et l’intrigue leur réserve des péripéties amusantes où amoureux ils finissent par être mariés à leur insu tout en se soupçonnant mutuellement. Enrico Glori en ambassadeur français comploteur est quant à lui parfait d’élégance et de sournoiserie dans une excellente prestation de méchant raffiné.

Produit dans cette période du cinéma italien dite des « téléphones blanc », le film bénéfice de moyens conséquents parfaitement exploités par Freda. Si on peut certainement lui reprocher sa réalisation quelque peu statique, Freda fait preuve d’un sens du cadrage impressionnant pour mettre en valeur la beauté des décors et costumes dont il bénéficie. La reconstitution est splendide et on est souvent frappés le sens du détail et l’immensité des décors traversés, la recherche dans les robes et coiffures des actrices.

C’est un plaisir des yeux de tous les instants, d’autant que Freda fait preuve d’une énergie certaine dans ses scènes d’actions notamment les combats à l’épée survoltés où on regrettera simplement un usage malheureux des accélérés. Une première tentative plus que convaincante donc qui annonçait la fructueuse carrière à venir de Freda. Vingt ans plus tard, celui-ci réalisera d’ailleurs un Sept épées pour un roi où il reprendra l’intrigue de ce film dans une tonalité assez différente. Si un éditeur pouvait nous sortir cela un jour…

Sorti en dvd chez SNC M6 Vidéo