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lundi 2 avril 2012

Sylvia Scarlett - George Cukor (1935)

A Marseille, la jeune Sylvia est endeuillée par la disparition de sa mère. Revenant de l’enterrement de son épouse, Henry Scarlett avoue à sa fille qu’il doit fuir le pays sur le champ car il va bientôt être accusé de malversations financières par son employeur. Pour ne pas éveiller les soupçons des autorités, Sylvia se coupe les cheveux et entreprend de se faire passer pour un garçon, prénommé Sylvester, afin d’accompagner son père en Angleterre. Sur le bateau ferry qui les emmène, ils font la connaissance de Jimmy Monkley, un escroc séduisant et manipulateur.

Sylvia Scarlett est un film riche de grandes promesses futures. Katharine Hepburn y poursuivait son irrésistible ascension hollywoodienne dans son emploi du moment de jeune fille rebelle. Elle y retrouvait pour la troisième déjà George Cukor, celui qui la révéla dans Héritage puis la première version des Quatre filles du docteur March et serait son réalisateur fétiche. Le film était aussi et surtout celui de la première du duo qu'elle formerait avec Cary Grant avec des réussites comme L'Impossible Monsieur bébé ou pour rester chez Cukor Indiscrétions et le merveilleux Vacances.

Toutes ces promesses se retrouvent de manière très décousue dans ce Sylvia Scarlett qui fonctionne par à coup. Prises séparément, toute les scènes font preuve d'esprit et d'inventivité mais l'ensemble peine à maintenir l'intérêt sur la continuité d'une intrigue qui part un peu dans tous les sens. On démarre donc dans le pur mélo avec une jeune héroïne endeuillée par la perte de sa mère et contrainte de se travestir pour fuir les dettes de son père. Ce dernier élément amène alors le ton vers la comédie et le quiproquo, notamment par la rencontre et l'association avec l'arnaqueur charmeur incarné par Cary Grant. L'ensemble du film suit cette voie, alternant dans un constant déséquilibre comédie enlevée et loufoque et drame appuyé.

Sans être raté, Sylvia Scarlett est donc très inégal et on en retirera satisfaction que par la réussite de certains moments ainsi que la performance des acteurs. L'épisode où nos joyeux drille tentent de monter des arnaques en tout genre à Londres est assez irrésistible, entre Katharine Hepburn en faisant des tonnes pour apitoyer les passants sur ses malheurs (et l'hilarante manière dont elle se trahit) et la longue séquence de duperie dans la demeure de Buckingham.

L'alchimie entre Katharine Hepburn et Cary Grant (bien que les scènes communes ne soient pas si nombreuses) fait déjà des étincelles avec les attitudes désinvolte de ce dernier qui agace et gêne celle qui n'assume pas encore sa féminité, l'argument du travestissement en étant le symbole visible. C'est sans doute là qu'il faut chercher le principal atout du film. Katharine Hepburn joue parfaitement de son physique androgyne en alternant look queer et attitude de garçon manqué avec la candeur de la jeune fille en fleur timide et mal à l'aise.

C'est dans la première solution que son personnage est le plus naturel alors qu'en jeune fille nature elle est délicieusement empruntée et d'autant plus attachante. La première lecture serait donc la recherche et l'affirmation de la féminité de notre héroïne alors que l'autre plus sous-jacente serait une sorte de réflexion sur l'homosexualité. Ce n'est pas forcément très appuyé mais pas innocent Cukor étant lui-même homosexuel et le film y devra beaucoup de sa réhabilitation future lorsqu'il sera récupéré plus tard par la communauté gay pour cet aspect précurseur.

Le marivaudage amoureux un peu poussif du film ne tient ainsi que par la touchante maladresse de Katharine Hepburn (vraiment craquante dans sa première apparition en robe) et ses tentatives de séduction du gentleman anglais Brian Aherne. Même si très à l'aise, on ne peut que regretter qu'il n'ait pas laissé sa place à Cary Grant (dont on se souvient bien plus malgré son rôle en retrait) ce qui aurait amené le piquant nécessaire à la romance.

Là on retient bien plus l'ultime éclat de rire jubilatoire de Cary Grant que la réunion du couple et les personnages secondaires sont trop peu exploité (Nathalie Paley intéressante et quasiment dans son propre rôle en noble russe ruinée séductrice, elle deviendra une grande amie de Katharine Hepburn suite au film) pour donner la profondeur attendue. Un petit Cukor donc, pas désagréable mais inabouti...

Sorti en dvd zone 2 français aux Editions Montparnasse

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