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mardi 29 mai 2012

Slumdog Millionaire - Danny Boyle (2009)


Jamal Malik, 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai, est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l'émission Qui veut gagner des millions ? Il n'est plus qu'à une question de la victoire lorsque la police l'arrête sur un soupçon de tricherie.
Sommé de justifier ses bonnes réponses, Jamal explique d'où lui viennent ses connaissances et raconte sa vie dans la rue, ses histoires de famille et même celle de cette fille dont il est tombé amoureux et qu'il a perdue.
Mais comment ce jeune homme est-il parvenu en finale d'une émission de télévision ? La réponse ne fait pas partie du jeu, mais elle est passionnante.
 
Danny Boyle renoue ici avec un des thèmes récurrents de son œuvre : l'argent et ses conséquences. Graine de discorde entre les colocataires de Petits Meurtres entre amis, seul moyen de se sortir du marasme ambiant dans Trainspotting, symbole de différence sociale POUR le couple d’Une Vie Moins Ordinaire, l’approche de Boyle avait pourtant connu un certain renouveau avec le ton naïf et innocent de Millions, à l’opposé du cynisme de ses trois premiers films. Cependant, le film n’évitait pas une certaine niaiserie et s’avérait partiellement raté. Avec le recul, on peut désormais y voir un galop d’essai pour ce formidable Slumdog Millionnaire qui emprunte la même voie mais avec bien plus de réussite, fusionnant à merveille la virulence et la dureté d’autrefois avec la belle fable initiatique.

La construction du film est prenante, avec narration découpée entre les séquences d'interrogatoire de Jamal, les passages de l'émission "Qui veux gagner des millions" où chaque question remportée trouve une réponse douloureuse dans son passé, et fait défiler l'enfance et l'adolescence du personnage. Le scénario de Simon Beaufoy (Alex Garland, collaborateur régulier de Boyle depuis La Plage, n’est pas de l’aventure), parvient à tirer une belle substance dramatique du roman de Vikas Swarup Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire qui se composait d’une suite de fables correspondant à chaque question posée dans le jeu.

On découvre donc ici une Inde comme rarement filmée par un Européen, avec de glauques bidonvilles, dont Boyle parvient à traduire l'aspect grouillant et crasseux à la perfection, en mélangeant le style sur le vif hérité de 28 jours plus tard (la scène course-poursuite de Jamal et Salim, enfants), et un côté plus contemplatif, laissant évoluer quelques beaux moments, à l'image de celui où Jamal, enfant, invite Latika transie de froid sous la pluie à le rejoindre à l’abri. L’imagerie réaliste oppressante côtoie une vision plus idéalisée (les détracteurs diront touristique) du pays, soit effectivement les deux tonalités du film conte de fée et drame sordide à la fois.

On suit donc le parcours de Jamal au côté de son frère Salim, entre petits larcins et arnaques en tous genres, ponctué de drames durant lesquels Boyle n’oublie pas de décrire quelques moments douloureux de la réalité indienne ou de l’actualité récente du pays. Ainsi des persécutions subies par les musulmans, de Bombay/Mumbay et son bidonville transformé en centre d'affaires, ou encore de la sordide exploitation d'enfants mendiants, rendus volontairement handicapés.

Malgré la dureté du contexte, le film conserve un aspect de fable initiatique, grâce au personnage très attachant de Jamal, formidablement incarné à tous les âges (notamment joué adulte par Dev Patel, héros de la série anglaise Skins). L'œuvre réserve en outre son lot de jolis moments, tel cette épatante scène où Jamal traverse une fosse d’excréments pour obtenir un autographe de sa star favorite.

Boyle orchestre une vraie opposition à la Caïn et Abel entre Jamal et son frère Salim, ce dernier faisant montre dès l’enfance d’un vrai mauvais fond, qui le mènera vers une existence de gangster, le destin finissant par les opposer à cause de Latika. Cette dernière, amour de sa vie, est plus que l’argent et la réussite, le véritable moteur des actions et de la volonté inébranlable de Jamal, donc de sa participation au jeu.

Toutes ces qualités tirent la conclusion pleine d’emphase vers le sublime, quand Jamal devient un vrai étendard des laissés pour comptes, au fur et à mesure de son avancée dans le jeu (dont le suspense audiovisuel est transcendé par l’intensité dramatique), et qu'il suscite une belle émotion en répondant à l'ultime question, soutenu par tout un peuple. Beau et imprévisible succès en salle, Slumdog Millionaire sera aussi un des plus inattendus lauréats de la cérémonie des Oscars de ces dernières années.

Sorti en dvd zone 2 chez Fox

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