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samedi 9 juin 2012
Genevieve - Henry Cornelius (1953)
C'est le moment du rallye de vieilles voitures entre Londres et Brighton, et ce n'est pas l'amitié d'Alan McKim et Ambrose Claverhouse qui va empêcher ces deux-là d'essayer de s'humilier mutuellement. Sur le parcours, de vieilles rancunes sont ravivées au point que les deux hommes décident de faire un pari « amical » sur celui qui sera le premier à regagner Londres…
Depuis 1927 se déroule chaque année en Angleterre entre Londres et Brighton un célèbre rallye de vieilles voitures fabriquées avant 1905, réactivant celle originelle de 1896 qui célébrait le Light Locomotives Act, loi autorisant une vitesse accrue et favorisant l'expansion automobile d'alors. C'est dans ce cadre qu'Henry Cornelius situe cette savoureuse comédie qu'est Genevieve. On a saisi que le film tournera autour des amoureux des quatre roues et ce dès la géniale scène d'ouverture. C'est enfin le weekend et Alan McKim (John Gregson) quitte à tout allure son travail car un grand évènement se répare : il emmène Genevieve à Brighton. A notre grande surprise on découvre que ladite Genevieve n'est pas une fiancée quelconque mais une vieille Darracq de 1904.
Notre héros s'apprête à effectuer le grand pèlerinage avec son épouse Wendy (Dinah Sheridan) mais il va découvrir qu'elle ne partage guère son enthousiasme bien qu'elle l'accompagne chaque année. La première partie avant le départ montre donc le conflit entre cette épouse frustrée et ce mari passant tout son temps libre à bichonner sa carlingue. A cela s'ajoute une rivalité et jalousie avec Ambrose (Kenneth More) meilleur ami d'Alan mais un peu trop proche de Wendy qu'il a connu avant lui et qui participe également à la course avec une Spyker de 1904.
Le scénario de William Rose fait bien évidemment exploser toute cette tension sous-jacente une fois le rallye entamé mais néanmoins le traitement détonne. Le rythme nonchalant et l'avalanche de galères mécaniques fait vite comprendre que la victoire finale n'est pas l'enjeu du film, la course en elle-même étant assez vite expédiée. La touche comédie qu'on imaginait assez extravagante et délirante avec pareille entame est également d'une étonnante retenue.
Ce qui intéresse ici c'est la manière dont se débattent les deux couples durant ce périple, celui établi entre John Gregson et Dinah Sheridan et celui en devenir de Kenneth More et Kay Kendall qu'il a invitée pour le weekend de course et va donc découvrir cette facette de son caractère. L'introverti et passionné John Gregson s'oppose ainsi à la personnalité exubérante d'un Kenneth More survolté et si les caractères son également opposés chez les épouses (Kay Kendall élégant mannequin réduite à mettre les mains dans le cambouis et pousser la voiture dans la vase, Dinah Sheridan en épouse enjouée et casanière) elles s'unissent plutôt dans la consternation face aux fanfaronnades de leurs hommes.
C'est là que le film innove à l'époque (au point pour les critique anglais de préfigurer la Nouvelle Vague) dans sa manière de désamorcer l'action par ses longs apartés où les couples se chamaillent pour des futilités qui parlent à tous et dissimule le vrai malaise. Ici l'enjeu est donc autant pour Wendy de comprendre la passion de son mari que pour ce dernier de la rendre moins envahissante, le second couple ayant plus une caution comique. Sur la forme Genevieve délaisse les sempiternelles rétroprojections pour emmener ses héros réellement tailler la route dans un souci de réalisme qui les confrontent aux aléas de la circulation et des intempéries.
Il y a quelques entorse tout de même à ces innovations vu que par soucis de budget une seule scène fut réellement tournée à Brighton (le reste étant les extérieurs autour de Pinewood voire Hyde Park) et que pour les plans rapprochés de John Gregson au volant la Darracq était tractée vu que (un comble) celui-ci n'avait pas le permis de conduire. L'américain William Rose capture une ambiance "british" absolument délicieuse dans son script tandis que le technicolor de Christopher Challis donne au film des allures acidulées de boite Quality Street. Henry Cornelius fait toujours surgir ses gags au ralentis, ces derniers relevant souvent de l'anodin mais faisant mouche à chaque fois (Dinah Sheridan qui se moque des colères de son mari au volant avant d'exploser dans la minute lorsqu'une fausse manœuvre lui renverse du café sur sa belle robe).
Tous les gags liés aux voitures fonctionnent aussi de cette façon, on ne voit presque jamais les rares collisions et l'humour tient surtout à la frustration des pannes, des petites vieilles roulant trop lentement ou des troupeaux de moutons bloquant la route. Seules exceptions à ce traitement, deux moments bien délirants lorsque Kay Kendall éméchée entame un solo de trompette et surtout l'arrivée du couple Alan/Wendy dans un hôtel miteux où leur chambre est situé face à l'horloge locale avec les dégâts attendus.
Le casting est absolument parfait et on y retiendra surtout une Dinah Sheridan à croquer en épouse séduisante et trop compréhensive (et un naturel de tous les instants) ainsi que Kenneth More qui en fait des tonnes en gros goujat. L'émotion n'est pas exclue notamment la conclusion où on croise un vieil homme bercé de nostalgie en apercevant la Darracq. Le film remportera un immense succès public avec à la clé un BAFTA du meilleur film britannique et deux nominations à l'Oscar pour le script de William Rose et la musique de Larry Adler (et son thème bucolique et entêtant Dinah Sheridan raconte que tous les pianistes londoniens lui jouaient dès qu'elle entrait dans un restaurant) bien que ce dernier ne le savoure pas puisque blacklisté. Excellent moment donc !
Sorti en dvd zone 2 anglais chez ITV et doté de sous-titres anglais
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