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jeudi 19 juillet 2012
Le Choix de Sophie - Sophie's Choice, Alan J. Pakula (1982)
L'action se déroule peu de temps après la Seconde Guerre mondiale. Stingo, un jeune écrivain du Sud des États-Unis, arrive à Brooklyn et sympathise avec un couple : Sophie (Meryl Streep), une jolie immigrante polonaise (ayant beaucoup souffert pendant la guerre) et Nathan, un juif au comportement imprévisible et violent laissant deviner une personne souffrant d'un trouble mental. Une relation complexe se développe entre les trois personnages.
Alan J. Pakula réalise avec Sophie's Choice ce qui est sans doute un des plus beaux et intense des mélodrames modernes. Au départ on trouve le roman éponyme de William Styron paru en 1979. Dans cet ouvrage complexe et éprouvant Styron mêlait une réflexion passionnante sur l'Holocauste, le poids du passé et de la culpabilité au romanesque avec ce portrait de femme au destin tragique. Alan J. Pakula lui rend magistralement justice avec cette adaptation ayant atteint à son tour le statut de classique et qui vaudra à Meryl Streep son second Oscar après Kramer contre Kramer.
L'intrigue croise trois destins à New York au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Stingo (Peter McNicol) jeune aspirant écrivain venu du Sud va donc se lier d'amitié avec le volcanique couple formé par Sophie (Meryl Streep) et Nathan (Kevin Kline dans son premier rôle au cinéma) tous installés dans la même résidence. Ils se lient bientôt d'amitié et deviennent inséparables, Pakula capturant avec élégance leur fougue juvénile et leur pérégrinations dans ce New York rétro idéalisé. Pourtant la première rencontre où Stingo assiste à une terrible dispute entre Sophie et Nathan préfigure un tableau moins idyllique qui va rapidement se craqueler.
L'union mais aussi les motifs du conflit permanent de Sophie et Nathan est issu de leur passé. Sophie, émigrante polonaise est une survivante des camps de concentration où bien que non juive elle fut prisonnière à cause de l'engagement de son père contre l'envahisseur nazi. Fraîchement débarqué aux Etats-Unis et souffreteuse elle fut remise sur pied par Nathan tombé sous le charme. Ce dernier entretient une empathie et un rejet au passé douloureux au passé de Sophie en tant que juif, plaignant et reprochant cette souffrance qu'elle a connu sans la "mériter". Cette obsession se nourrit par la documentation qu'il tient sur l'holocauste et la terrible violence verbale qu'il aura parfois pour Sophie. Stingo joue lui le rôle d'observateur des déchirements du couple, secrètement amoureux de Sophie et révolté par l'attitude de Nathan.
Pakula adopte une construction narrative complexe dont l'intelligence ne se révèlera qu'en fin de film. Tandis que le présent se disloque peu à peu, les fêlures du passé resurgissent progressivement. Les flashbacks s'entrecroisent donc avec le présent et par un jeu de miroir chaque retour au passé évoqué visuellement aura été raconté précédemment via le dialogue tel les premiers pas de Sophie aux USA et la jolie rencontre avec Nathan que le couple évoque à Nathan en début de film.
A l'inverse, tout le passé qui n'aura été abordé que par la parole dissimulera un secret qui remettra en cause la vision des personnages : le métier de biologiste de Nathan, l'existence de Sophie en Pologne et surtout son terrible séjour en camp de concentration. Si on devine une vérité différente derrière le comportement instable de Nathan (Kevin Kline fabuleux d'intensité), Meryl Streep est magnifique de fragilité et d'ambiguïté.
L'actrice a adopté l'accent et le phrasé incertain de cette émigrante polonaise à la perfection et arbore des airs effrayés et soumis permanent dans sa gestuelle gauche et son regard où se lisent les secrets pénibles enfouis. Peter McNicol innocent et pur (avec l'analogie marquée qui le laisse vierge jusqu'à l'étreinte finale) servira de révélateur de plus en plus impliqués aux horribles souvenirs de Sophie avec nombres de moments bouleversant tel cette scène où elle explique sa déportation pour avoir acheté du jambon en contrebande pour sa mère malade. Meryl Streep est absolument renversante dans ce long moment dialogué où elle rapporte les faits sans pathos et une sobriété désarmante.
Pakula recentre d'ailleurs judicieusement tous les thèmes complexes du livre à son héroïne et donc à la performance de son actrice. William Styron faisait ainsi une analogie entre l'holocauste et le passé esclavagiste de la famille de Stingo (l'entourant comme les autres personnages d'une double facette qui disparait dans le film) dont le livre était consacré à Nat Turner, esclave rebelle du XIXe. Dans le film son livre est désormais consacré au deuil de sa mère et toute les allusions au Sud se fond sous forme de blagues douteuses de Nathan (la première scène où Kline raille l'accent sudiste de Stingo est d'ailleurs très drôle).
Cette construction amène un crescendo dramatique intense où les dernières couches du secret de Sophie sont soulevées. Les temporalités s'entremêlent dans les visions glauques des camps de concentrations, du visage figé par la douleur du souvenir de Sophie dans le présent et de la signification de son "choix". Tout devient limpide et notamment son attitude sacrificielle à rester auprès d'un homme aimant mais qui la malmène au détriment du doux Stingo.
Elle a connu des monstres bien pire et qui l'ont contraint à l'impensable. Dès lors la conclusion n'en est que plus logique, l'existence est devenue impossible pour ceux rongé par leur démons et leur culpabilité. Ne restera que le souvenir et la nostalgie pour Stingo à travers cette voix-off finale qui ne veut garder que le meilleur, l'amitié sincère de ces temps agités.
Sortie en dvd zone 2 français chez Universal
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