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vendredi 10 août 2012

Gigi - Vincente Minnelli (1958)


À Paris, l'éducation de la jeune Gigi, dont la mère célibataire est accaparée par son travail à l'Opéra-Comique, est confiée à sa grand-mère Mamita et à sa tante Alicia. Cette dernière, qui a vécu richement entretenue, concocte pour Gigi une vie galante semblable à celle qu'elle a connue. Mais les plus grandes joies de Gigi sont les plaisirs simples comme ces moments partagés avec l'élégant et riche Gaston Lachaille lors des visites régulières que celui-ci rend à la famille amie.

Vincente Minnelli réalisait un de ses classiques les plus plébiscités avec ce merveilleux Gigi et définissait pour le grand public la version définitive du roman éponyme de Colette. Paru en 1942, le roman aura connu avant Minnelli trois transpositions scéniques dont une à Broadway en 1951 avec Audrey Hepburn en Gigi (qui refusa de reprendre le rôle au cinéma), et un film français réalisé par Jacqueline Audry en 1949.

Le projet naît de la volonté du producteur Arthur Freed de tirer du récit une comédie musicale à grand spectacle et pour ce faire il va solliciter le célèbre duo de compositeurs et paroliers Alan Jay Lerner/ Frederick Loewe déjà responsable aux côtés de Minnelli des mémorables partitions d'Un Américain à Paris, Tous en scène et Brigadoon. C'est donc à nouveau Minnelli qui sera sollicité pour mettre en scène cette production qui a la particularité de n'être constituée que d'acteurs français pour son trio vedette avec Maurice Chevalier, Leslie Caron (déjà interprète de Gigi dans une pièce sans succès mais qui convaincue par les compositions de Lerner et Loewe fait une nouvelle tentative) et le french lover d'Hollywood Louis Jourdan, Dirk Bogarde longtemps envisagé n'ayant pu se libérer du contrat le liant à J. Arthur Rank.

Le film s'ouvre sur une présentation idyllique de ce Paris idéalisé et romantique de la Belle Époque avec comme maître de cérémonie Maurice Chevalier, vieux beau enjoué qui n'a pas renoncé à la vie de grand séducteur. Le romantisme s'atténue lors de la présentation amusée des rapports amoureux et des catégories de femme qui compose ce monde : les femmes mariées ennuyeuses, inaccessibles et les autres, séductrices en quête d'homme richement dotés et aptes à les entretenir. Sur l'air de la chanson Thank Heavens for Little Girls l'héroïne Gigi (Leslie Caron) nous est introduite dans toute sa jeunesse fougueuse avec la grande interrogation de l'intrigue à savoir le rang dans lequel elle va se situer... Notre couple de héros ne semble guère paré pour cette société au rapport homme/femme si cynique mais y réagissent de façon bien différente. Gaston Lachaille (Louis Jourdan) s'ennuie à mourir au milieu de ces femmes fardées et à l'affection trop forcée dont le but est de constamment lui solliciter quelque argent ou cadeau. Il se plonge pourtant de plein pied dans ce train de vie qu'il abhorre poussé par son oncle Honoré (Maurice Chevalier) et ne s'amuse vraiment qu'en compagnie de l'espiègle et insouciante Gigi. Celle-ci d’un côté protégée par sa grand-mère et de l’autre préparée par sa tante à cette future vie de courtisane goute au contraire aux plaisirs et joies simple loin des paillettes. 

Leslie Caron qui approchait déjà plutôt de la trentaine est absolument merveilleuse en jeune et innocente jeune fille dont le naturel contrebalance la fausseté et le calcul des autres figures féminines (hormis la bienveillante grand-mère magnifiquement interprété par Hermione Gingold), entre Eva Gabor génialement frivole et Isabel Jeans en tante Alicia ex grande séductrice éduque sa nièce au même chemin. Dès lors malgré la flamboyance des décors, costumes (le tournage fut partagé entre réels extérieurs à Paris pour l'essentiel -Les Tuileries, Le Jardin du Luxembourg, le Parc Monceau, le Bois de Boulogne entre autres- et intérieurs studios à Hollywood) et fêtes endiablées se cache un récit assez glauque où le cynisme s'affirme sous l'émerveillement notamment lors du bien nommé morceau The Gossips où chaque convive et sa maîtresse se voit épié et jugé durant une sortie au restaurant. Minnelli parvient pourtant à distiller une merveille d'atmosphère romantique grâce au lien de camaraderie enjouée puis d'affection empruntée entre le beau couple formé par Louis Jourdan et Leslie Caron. Louis Jourdan retrouve son emploi habituel de séducteur faisant courir les jeunes femmes innocente à leur perte mais trouve à qui parler avec l'énergique Gigi qu'il devra apprendre à aimer. 

D'abord en voyant en elle une belle jeune femme en plein épanouissement et plus la fillette d'antan, puis en lui offrant un cadre de vie respectable (les dialogues allant assez loin quant à la "proposition" scandaleuse de Jourdan). La dernière partie est une petite merveille d'émotion entre le sacrifice à la frivolité de Gigi pour l'homme qu'elle aime (I'd rather be miserable with you than miserable without you) et la prise de conscience de celui-ci lorsqu'elle réitère les inepties de ses conquêtes habituelle. Minnelli cette fois n’orchestre pas de grandes séquences virtuose à la manière des conclusions d’Un Américain à Paris ou Brigadoon pour illustrer ce moment mais en reste à l’échelle modeste et attachante de son héroïne lorsqu’elle entonne un déchirant Say a Prayer for Me Tonight avant son premier soir dans le monde. Alors que les dialogues auront tout au long du film surlignés les sentiments des personnages, ce premier rendez-vous sordide ne sera interrompu que par un Louis Jourdan horrifié de ce qu’il a fait de Gigi. Pour ne pas éteindre la franchise et l'innocence qui l'attire chez elle il devra la traiter différemment des autres qui n'ont jamais comptées.

Un petit bijou auquel malgré les moyens Minnelli donne finalement un tour très intimiste (le décor principal restant le modeste appartement où se croisent Gigi et Honoré) et qui sera un de ses plus grands triomphes récompensé par neuf Oscars (mais rien pour Leslie Caron qui l'aurait mérité) record de l'époque battu l'année suivant par Ben-Hur.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

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