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jeudi 20 septembre 2012

Soir de noces - The Wedding Night, King Vidor (1935)


Tony Barret est un écrivain en panne d'inspiration. Sur les conseils de son éditeur, il se retire à la campagne avec son épouse. Il y fait la connaissance de Maya, une jeune femme polonaise. Intrigue et fascine par ses manières simples et sa franchise, Barret s'inspire d'elle pour créer le personnage de son nouveau roman.

The Wedding Night est un superbe mélodrame où la veine romantique se mêle avec brio aux grands thèmes sociaux chers à King Vidor, prolongeant certaines réflexion de La Foule et annonciateur de celles au centre du Rebelle et An American Romance. A l'opposé des grandes fresques constituant ces films, The Wedding Night se pare d'un ton profondément délicat, intimiste et attachant. L'histoire dépeint la rencontre de deux être qui n'auraient jamais dû se croiser. Tony Barret (Gary Cooper) est un écrivain en panne d'inspiration et dont les excès alcoolisés viennent de lui valoir le refus de son dernier manuscrit par son éditeur.

Criblé de dette, il décide de s'exiler un temps à la campagne dans la maison de son enfance avec son épouse Dora (Helen Vinson) pour s'atteler à un nouvel ouvrage. Lasse de ce quotidien ennuyeux, Dora s'éclipse dès que l'horizon financier s'éclaircit avec la vente d'une parcelle de terrain aux voisins émigrants polonais. Tony va pourtant choisir de rester car il s'est trouvé une nouvelle source d'inspiration : Maya (Anna Sten), la jolie et travailleuse jeune fille de ses voisins polonais.

Vidor tisse avec une grande finesse le lien entre les deux personnages. Viveur superficiel et fainéant (avec de nombreux gags sur son inaptitude domestique à la campagne), Tony est fasciné par le caractère franc et doux de Maya qui saura le repousser et rire de lui lors de ses maladroites avances.

Il décide d'en faire l'héroïne de son nouveau roman et les moqueries de celle-ci le stimulent au point de lui soumettre ses nouveaux chapitres chaque matin lorsqu'elle vient lui livrer du lait. Maya se trouve à son tour subjuguée par la délicatesse inattendue de cet homme à travers les passages inspirés qu'il lui lit. Il représente finalement pour elle une ouverture sur le monde, loin de cette existence rurale morose et surtout loin de l'enfermement ressenti au sein de la communauté polonaise où elle vit.

Vidor aborde intelligemment les problèmes posés à ses émigrants installés aux Etats-Unis. Le père joué par Sig Ruman annonce ainsi le héros de An American Romance avec pour tous deux une ambition et volonté de réussir qui en font peu à peu des entrepreneurs puissant ce pays d'accueil (culture du tabac dans The Wedding Night, industrie de l'acier dans An American Romance). Le revers de cette réussite est que les efforts consentis en ont fait des êtres dur et insensible, réfractaire au compromis.

Dans An American Romance Brian Donlevy s'oppose à toute les revendications sociales de ses ouvriers quand ici le père cherche à marier sa fille de force à un polonais (le fameux terrain acheté faisant office de dot) sans se préoccuper de ses sentiments. Vidor dépeint avec chaleur et humour les mœurs pittoresques de cette communauté polonaise tout en en montrant les travers par son machisme (avec des femmes soumise et en retrait) et repli sur soi.

Dès lors chaque entrevue entre les deux amoureux qui s'ignore encore est une vraie respiration ressentie dès la première rencontre où un bref échange de regard tout est joué. Gary Cooper au summum de son attrait physique est brillant dans tous les registres ici tour à tour gaffeur, charmeur ou romantique. Il fait progressivement s'estomper la désinvolture de ce personnage blasé qui retrouve la flamme de l'écriture en même temps que celle de l'amour.

Anna Sten est quant à elle des plus touchante en jeune femme aspirant à l'ailleurs. Recruté par Samuel Goldwyn pour être la nouvelle Garbo, l'actrice ukrainienne sera congédiée après une série d'insuccès ne retrouvera plus de rôle marquant après les années trente. Au vu de l'émotion qu'elle fait passer ici c'est bien dommage tant l'empathie face à son épanouissement amoureux et intellectuel (son visage rayonnant lors des lectures de Gary Cooper, ses airs radieux et apaisé lorsqu'il lui diffusera un concert de musique classique) mais aussi face à un terrible destin dont elle ne pourra réchapper.

Vidor déploie cette gamme de sentiment par une mise en scène sobre dont émerge peu à peu des touches de poésie plus prononcées tandis que le drame se noue tel cette poignante "première danse" de la mariée ou encore la vision finale de la silhouette de Gary Cooper brisé face à sa vitre.

Il faut également saluer la prestation remarquable d’Helen Vinson en épouse délaissée, le début du film laisse entrevoir un personnage superficiel mais la dernière partie lui offre de nombreux moments forts où elle s'avère bien plus que cela par son dépit mêlé de compréhension pour les sentiments de l'homme qui s'éloigne d'elle pour une autre. Une belle réussite méconnue de Vidor.

Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sous-titres anglais et d'une vf

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