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dimanche 28 octobre 2012

Madame X - David Lowell Rich (1966)


Holly Parker, d’origine modeste, épouse Clayton Anderson un homme politique ambitieux, issu d’une famille aisée et respectable. Le couple vit heureux et donne naissance à un garçon Clayton Jr. Mais la belle-mère d’Holly, Estelle, qui vit avec eux ne l’aime pas à cause de ses origines. Souffrant de solitude, Clayton étant souvent absent, Holly devient la maîtresse de Phil, un ami de la famille. Au retour de son mari, elle comprend qu'elle n'aime que lui et décide de rompre avec son amant qu'elle est venue rejoindre chez lui. Au cours d’une discussion houleuse, Holly qui se débat, le pousse accidentellement dans les escaliers et Phil trouve la mort. Sa belle-mère qui la faisait suivre par un détective, est vite au courant de la situation.

Madame X est le dernier grand rôle de Lana Turner (qui allait ensuite progressivement se retirer des plateaux pour de brèves apparition à la télévision comme dans le feuilleton Falcon Crest) et qui offre là ce qui est sans doute sa plus belle prestation. Le film adapte la pièce de Alexandre Bisson La Femme X dont le cinéma su immédiatement saisir le potentiel puisque deux ans après les premières représentations sur les planches avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre, une première adaptation vit le jour en 1910. Trois autres versions muette suivront en 1916, 1920 et 1929 et le parlant s'en emparera en 1937 dans un film réalisé par Sam Wood. David Lowell Rich signe là la huitième et plus célèbre adaptation bien que deux autres voient le jour en 1981 (avec Tuesday Weld et Eleanor Parker) et en 2000.

Cette version est revue et corrigée à travers l'imagerie du mélo hollywoodien des 50's, âge d'or du genre mais sans doute déjà un peu désuet en 1966. Lana Turner y retrouva les sommets du box-office grâce à l'immense succès de Peyton Place (1957) de Mark Robson et de Mirages de la vie (1959) de Douglas Sirk. C'est d'ailleurs Ross Hunter, le producteur de tous les grands mélos de Sirk à la Universal qui officie ici et il hormis Sirk reparti en Allemagne il réunit ici toute la fine équipe de l'époque avec Russell Metty à la photo et Frank Skinner signant a bande originale. Rebondissements énormes, drames exacerbé et envolées outrancières, tout ce qui fait le charme du grand mélodrame est ici largement exploité. Holly Parker (Lana Turner) jeune femme d'origine modeste épouse Clayton Anderson (John Forsythe) riche héritier aux grandes ambitions politiques. Se sentant peu à peu délaissée par les multiples obligations de son époux elle s'égare et entame une liaison avec le séduisant Phil Benton (Ricardo Montalban). Son amour pour Clayton est pourtant le plus fort et après la promesse de ce dernier de consacrer plus de temps à sa famille elle décide de rompre avec son amant mais celui-ci meurt accidentellement dans la violente altercation qui suit.

Sa belle-mère Estelle (Constance Bennett) qui ne l'a jamais aimée saisit donc l'occasion de se débarrasser d'elle par un odieux chantage. Pour ne pas briser la carrière politique de Clayton par un scandale, elle devra simuler sa mort et disparaître sous une nouvelle identité. Cette trame rocambolesque et bien chargée s'avère bien prenante grâce à l'équilibre du script de Jean Holloway, le travail sur la forme qui accompagne les multiples péripéties et ruptures de ton ainsi que la très grande performance de Lana Turner. 

Le début est très elliptique avec ses moments de bonheur filant à toute vitesse et dont on ne saura profiter à l'image de l'héroïne : mariage, naissance, ascension politique. Le drame se noue à chaque fois que cette narration se ralentit, ici avec les angoisses d'une Lana Turner esseulée et de la liaison avec le séducteur Ricardo Montalban. La forme plutôt sobre prend des accents baroques au fil de la déchéance progressive de Lana Turner où défilent dans un tourbillonnant fondu enchaîné les chambre d'hôtel sordides, les trajets de train tous identiques, les amants de passages et les bouteilles vides entamée par une Holly basculant dans l'alcoolisme.

La photo de Russell Metty s'orne d'une palette agressive, presque psychédélique pour signifier la dépravation de l'héroïne avec des teintes violettes sombres et décadente. Lorsque cette fuite en avant s'arrête brièvement, c'est pour voir une Holly inconsolable refuser un nouveau bonheur possible (la romance avec le musicien danois) ou la retrouver physiquement ravagée (remarquables maquillages qui vieillissent une Lana Turner au départ aussi pimpante qu'à sa grande époque) entre les griffes d'un ignoble maître chanteur (Burgess Meredith). La mise en scène n'a de cesse de perdre la silhouette frêle de Lana Turner pour illustrer ce sentiment de désespoir et de profonde solitude.

Le jeu très expressif de Lana Turner se prête parfaitement à ce personnage brisé et l'actrice bouleverse plus d'une fois. On n'est pas prêt d'oublier sa détresse face aux peurs nocturnes de son petit garçon qu'elle s'apprête à quitter, plus tard lorsqu'elle s'effondre de douleur le soir de noël hantée par le souvenir de son bonheur disparu. Le sommet est atteint lors de l'épilogue flamboyant osant l'emphase la plus totale.

Holly accusée de meurtre voit le moyen d'en finir définitivement en laissant la procédure suivre son cours et la mener vers une peine de mort en forme de délivrance pour elle qui n'est plus personne si ce n'est cette Madame X suscitant la curiosité des journaux. C'est sans compter le tour du destin puisque l'avocat commis d'office ne sera autre que son propre fils (Keir Dullea futur héros du 2001 de Kubrick). Le double sens des échanges, de la plaidoirie entre la mère et le fils, la connivence et l'affection inexplicable pour ceux pensant être des inconnus l'un pour l'autre créent ainsi de très grand moment d'émotion jusqu'au grand final où Lana Turner magnifique s'abandonne totalement et se libère de toutes ses souffrances.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal

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