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vendredi 2 novembre 2012

The Buttercup Chain - Robert Ellis Miller (1970)


Quand l'esthétique psyché pop du Swinging London des 60's rencontre le grand mélodrame, cela donne une œuvre tout à fait étonnante avec ce The Buttercup Chain. Le film confronte aussi par extension des conflits romanesques classiques à l'aune de ce contexte de sexualité libérée, renforçant ainsi la puissance du drame. France (Hywel Bennett) et Margaret (Jane Asher) sont profondément liés depuis leur enfance, et ce dès le jour de leur naissance par des mères sœur jumelles. Ils ont la tendresse commune et la complicité d'un frère et d'une sœur, mais avec une ambiguïté entre l'interdit et la possibilité d'un rapprochement moins fraternel et plus charnel.

 La superbe introduction tisse le lien indéfectible entre les deux cousins en quelques vignettes d'enfances et d'adolescences ou nous comprenons clairement que ces deux-là ne se considèreront jamais comme frère et sœur et sont amoureux. Tout le drame d'ensemble naîtra de leur tentation et de leur impossibilité à franchir l'interdit d'une vraie relation et des malheureux qui en seront entraînés dans leur sillage.

L'histoire débute avec le retour de Margaret à Londres après ses études et de ses retrouvailles avec France avec qui elle va passer l'été. L'ambivalence de l'enfance est d'emblée mise à mal avec nos cousins désormais jeunes adultes séduisants et confrontés plus concrètement à leur attirance mutuelle. Si Margaret semble prête à céder et à tomber dans les bras de France, celui-ci dissimule son désir derrière une décontraction de façade et un rôle d'entremetteur où il va provoquer le flirt entre Margaret et Fred (Sven-Bertil Taube) étudiant suédois en architecture installé en Angleterre.

Bientôt viendra se joindre au trio Manny (Leigh Taylor-Young), jeune globetrotteuse délurée qui elle va s'amouracher de France. Les deux nouveaux venus ne servent bien sûr que de barrière à l'amour ardent entre les cousins et auront à en souffrir. La première partie du film alterne énergie percutante suivant les marivaudages et jeux de chaises musicales amoureux avec une tonalité plus contemplative où la romance mais aussi le dépit naissent des non-dits, de la tension sexuelle constante entre Margaret et France. De vacances en Espagne au quotidien londonien en passant par des séjours à la campagne, la narration suit les rapports étranges du quatuor et la manière dont les couples s'échangent, se font et se défont.

Robert Ellis Miller et sa monteuse Thelma Connell offrent un montage inventif et typique des codes de l'époque avec des conversation démarrant dans un lieu pour se conclure dans un autre, ces rebonds géographique pouvant même être temporels du plus bref au plus long sur plusieurs mois années avec un lien se faisant par la dramaturgie et des idées visuelles surprenantes (France et Manny en pleine étreinte dans une campagne se répercutant en montage alterné sur un tableau qu'observent Fred et Margaret dans un musée). Cette perte de repère suit celle des personnages et des détours inattendus que prennent leurs relations (dont un mariage que l'on ne voit absolument pas venir), la fougue et la liberté juvénile de départ se fracassant dramatiquement aux responsabilités et à la mesure du monde des adultes.

 Robert Ellis Miller n'a de cesse au départ de coller ses protagonistes les uns aux autres, entretenant cet hédonisme et cette promiscuité de façade dans une insouciance dont personne n'est dupe. Sans verser dans l'excès, le film est très libéré dans la description des mœurs libérées de ces héros (les corps dénudés et les poses lascives sont légions) mais en y posant toujours un malaise et une cruauté ambiante. On pense à cette scène où Margaret fait l'amour en forêt avec Fred, devine la présence de France malheureux qui les observe et du coup s'abandonne d'autant plus pour l'avoir jeté dans les bras d'un autre.

 Le jeu amoureux ne cesse pas une fois le quatuor grandis et installés mais les enjeux sont désormais plus risqués qu'un flirt innocent. Une noirceur vraiment surprenante se dévoile alors avec son lot de moments dérangeants. Visuellement le fossé entre les amis est magnifiquement montré le temps d'une séquence les disposant le long d'une falaise, la profondeur de champs et la somptueuse photo crépusculaire de Douglas Slocombe les séparant comme jamais.

On passe ainsi d'une atmosphère lumineuse et de quasi rêve éveillé (la première rencontre en campagne baignant dans une photo diaphane) à un ton pesant, ténébreux dont la dernière partie tout en silence et postures figées feraient presque penser (toutes proportions gardées) à du Bergman

Alors que toutes les scènes d'amour sont filmées dans leur amorce ou après leur assouvissement par des ellipses bien pensées, la seule qui s'étire et remue réellement est celle où France et Margaret après bien des épreuves s'apprêtent passer outre les entraves de la morale. Tout ce foisonnement d'idées est au service des superbes prestations des quatre acteurs.

Le pivot émotionnel est l'interprétation à fleur de peau de Jane Asher mêlant angoisse et sensualité troublante ainsi que Leigh Taylor-Young faisant de cette Manny délurée le symbole de tous les renoncements et douleurs des héros le temps d'une glaciale séquence en boite de nuit.

Hywel Bennett impose son aisance et son charisme pour se désagréger de façon poignante sur la fin et le suédois Sven-Bertil Taube sous ses allures de roc est sans doute le protagoniste le plus tragique et sacrifié de l'intrigue. Vraiment un très beau film à rapprocher du Petulia de Richard Lester dans ce croisement de tourments existentiel et d'imagerie bariolée (redisons le encore photo assez phénoménale de Douglas Slocombe).


Sorti en dvd zone 1 chez Columbia et doté de sous-titres anglais
 

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