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jeudi 20 décembre 2012

Les Copains - Yves Robert (1964)


Sept inséparables décident de prendre quelques jours de vacances pour mettre au point trois énormes canulars destinés à bafouer les corps constitués : l'armée, l'église et l'administration... Ils jettent leur dévolu de manière presque arbitraire sur deux paisibles sous-préfectures : Ambert et Issoire, car celles-ci les lorgnaient d'un mauvais œil sur une carte de France.

Entre son adaptation (adoucie certes mais le matériau est là) de La Guerre des Boutons ou son ode libertaire Alexandre le bienheureux, Yves Robert dans ce cadre de cinéma populaire se sera avéré un cinéaste étonnement subversif. La preuve avec cet hilarant Les Copains, adaptation modernisée d'un roman de Jules Romains et grand éclat de rire moqueur lancé à la France Gaullienne. On pense parfois à son futur et cultissime diptyque Un éléphant ça trompe énormément/Nous irons tous au paradis dans cette visions collective de l'amitié masculine mais si malgré l'humour la réalité rattrape quelque peu les personnages des films de 77/78, on baigne ici dans une douce insouciance détachée des vicissitudes du quotidien.

D'ailleurs les héros des Copains sont chacun des sorte d'archétypes moins fouillés que dans Un éléphant... mais immédiatement cernés et attachant grâce au casting parfait et à la présentation ludique qu'en fait Yves Robert en ouverture. Là, du berceau au lycée en passant par le service militaire et les grandes écoles, Yves Robert dépeint toute les étapes du cycle de la vie d'homme qui auront vu les personnages se rencontrer tour à tout avec la bande joyeux lurons que sont Philippe Noiret (Bénin), Guy Bedos (Martin), Michael Lonsdale (Lamendin), Christian Marin (Omer), Pierre Mondy (Broudier), Jacques Balutin (Lesueur) et Claude Rich (Huchon).

Dans ce parcours balisé, les sept camarades n'auront jamais cessé de s'amuser et se rire de leur entourage. On en a une démonstration en début de film lorsqu'ils sèment la zizanie dispersé dans une salle de cinéma ou lors d'une beuverie épique dans un bar où le tenancier Jean Lefebvre sera joliment malmené. C'est dans cet état second que leur vient l'idée de passer à l'étape supérieure pour moquer cette rigueur et médiocrité ambiante à plus grande échelle. Le cadre de leur action sera choisi au hasard alcoolisé d'une carte de France dans deux sous-préfectures endormies du Puy-de-Dôme, Ambert et Issoire. Chacun des sept amis échafaudera une farce dont les trois meilleures seront exécutées au détriment des malheureux habitants.

Le film s'enferme un peu au départ dans une préciosité qui nous éloigne des personnages, déséquilibrés entre sophistication et esprit de sales gosses turbulents. Il y a néanmoins de bonne idées comme celle de faire du périple vers les villages une sorte de chanson de geste où les copains se croisent et se répondent à distance tel des nobles chevaliers de la blague en route vers leur destinée, le tout truffé de rencontres loufoques tel cette tenancière d'hôtel revêche jouée par Tsilla Chelton. Par contre une fois les fameux canulars lancés, l'hilarité, la vraie, ne se dément pas jusqu'à la dernière minute. L'audace du récit est de se jouer à travers chacune des facéties d'une grande institution que ce soit l'armée, l'église ou l'administration.

 La droiture et le respect aveugle de l'armée sont génialement caricaturés avec un Pierre Mondy déguisé en ministre qui mettre à sac une caserne et la ville par la seule crédulité et l'obéissance de gradés. Les dialogues sont extraordinaires, subtil et rabelaisiens avec une vulgarité élevée en en art (l'épisode des toilettes ) et un final explosif où les malheureux villageois vont passer une drôle de nuit. Philippe Noiret grimé en prêtre provoquera un même éclat de rire avec un discours en forme d'appel à la chair où les contrechamps entre sa tirade enflammée et les mines frustrées et/ou concupiscente des fidèles décuple la force du propos. Le troisième canular prometteur dans l'idée et amusant dans sa réalisation s'avère moins fort même si la figure de Vercingétorix ridiculisée et le phrasé grandiloquent et pompeux du maire son savoureusement croqués.

Une beuverie avait annoncé le début de la campagne farceuse, un autre grand banquet amorce sa fin mais avant de retourner à leur existence ordinaire notre bande s'offrir un dernier coup d'éclat à l'ampleur... écarlate ! Même s'ils ont parfois du mal à tous exister (dommage pour Michael Lonsdale un peu en retrait alors qu'il aura peu eu l'occasion de faire dans la gaudriole) tous les acteurs emportent l'adhésion, en particulier Guy Bedos en grand enfant, Philippe Noiret en chef de bande (et qui remettra le couvert avec le pendant italien du film d'Yves Robert Mes cher amis) et un Pierre Mondy canaille. Grande comédie sur les airs guillerets des Copains d'abord de George Brassens composé pour l'occasion.

Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont

Extrait


6 commentaires:

  1. Ouaip. Je préfère "Mes chers amis" de Monicelli. Je sais, je sais, pas la même époque. Pas le même talent non plus.
    Là, c'est encore les 30 glorieuses, les dingo-dossiers, Noël-Noël et ses casse-pieds ne sont pas très loin (d'ailleurs Yves Robert en a fait un clone), bref... D'un point de vue cinéma c'est assez proche de zéro. Reste plus que le point de vue sentimentalo-nostalgique. Et Georges Brassens.
    Lui, il ne bouge pas.
    Lisa Fremont

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  2. Toujours aussi peu amie avec le cinéma français à ce que je vois ^^. Au contraire je trouve que c'est d'une grande inventivité visuellement notamment le jeu sur le montage décalé, une certaine poésie dans l'enchaînement de séquence sensoriel lorsque les amis en périple semblent se répondre l'un à l'autre à distance et l'effet nostalgie n'est pas plus dérangeant que cela, hormis Brassens dans la bande son ce n'est pas plus appuyé que cela.

    C'est un peu en dessous de "Mes chers amis" c'est vrai mais ça en est un réel précurseur et pour le coup Yves Robert va égaler le Monicelli plus tard avec Un éléphant ça trompe énormément" et "On ira tous au paradis ". Un des des cinéastes les plus intéressants du cinéma français populaire selon moi Yves Robert.

    Et quand même l'essentiel est là c'est à hurler de rire les deux premiers canular (la caserne et l'église) m'ont plié.

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  3. Houlà. Votre cas est désespéré. Le mien aussi, je le crains. "Un éléphant" ne peut pas, mais alors NE PEUT PAS, égaler "Amici miei" !!Impossible.
    Tiens, soit dit en passant, vous ne trouvez pas totalement incroyable que ce film soit INTROUVABLE en dvd ? Et les Italiens n'ont édité qu'une version non sous-titrée. Quand ils comprendront que le meilleur moyen d'exporter leur cinéma, leurs films et leurs dvds c'est quand même, au minimum, d'offrir des sous-titres...
    LF

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  4. Oui il a fallu la ressortie salle pour que je vois enfin le Monicelli, les italiens gèrent très mal leur patrimoine de toute façon. Même pour trouver une simple affiche originale d'époque pour illustrer un film italien sur ce blog c'est parfois toute une quête...

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    1. @Justin : si vous avez des soucis d'illustrations par l'affiche, je vous recommande chaudement le site Moviecovers, ils font un super boulot d'archivage.

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    2. Oui merci Isidore je vais souvent piocher sur ce site effectivement ;-)

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