Shino, un samouraï errant qui loue ses services au plus offrant, est sur le point de mettre fin à ses jours. Mais sa rencontre avec deux prostitués membres d’une organisation qui alimente les bordels en chair fraîche le fait changer d’avis. Engagé par l’organisation, Shino supervise à sa manière la sélection des nouvelles recrues.
Teruo Ishii réalise avec Les
Huit vertus bafouées un objet déviant, psychédélique et délirant typique de
ses productions les plus réussies de cette période. Le ton du film se situe au
carrefour de sa célèbre série des Joys of Torture (dont il tira 8 films entre
1968 et 1973) et des objets plus pop et étranges qu’il réalisa après celle-ci
comme les excellents Female Yakuza Tale
avec la belle Reiko Ike ou encore Blind Woman’s Curse avec la non moins
fameuse Meiko Kaji.
L’ouverture par son extravagance formelle annonce d’emblée
un spectacle déjanté de la part d’un Teruo Ishii au sommet de son art. Tetsuro
Tamba, encerclé au milieu d’un pont par une horde d’assaillants les décime
furieusement tandis que les étincelles du contact des lames et les
éclaboussures de sang inondent l’écran pour former les crédits du générique…
L’éclairage du décor studio passe du rouge baroque aux ténèbres les plus
oppressante, illustrant la rage émoussée de Shino (Tetsuro Tamba) las de cette
vie de samouraï assassin et qui va se laisser noyer pour enfin trouver la paix
(ou un autre enfer dans l’au-delà comme le leitmotiv désabusé du film le
répète). C’est sans compter le sauvetage par une mystérieuse organisation
criminelle qui va l’engager pour ses basses besognes. Celle-ci se caractérise
par son renoncement à toute forme d’humanité reposant sur les fameuses huit
vertus comme l’amitié, la compassion, l’amour…
Si certains Pinku Eiga
recèlent sous leur excès d’étonnantes tendances féministes ou libertaires (La Femme Scorpion avec Meiko Kaji, Le Couvent de la Bête Sacrée de Norifumi
Suzuki), il n’en est rien ici avec un Teruo Ishii faisant subir les derniers
outrages à ses personnages féminins. L’organisation étant spécialisée dans le
proxénétisme, les scènes de « formation » des recrues féminines
démontre toute l’inventivité sadique du réalisateur l’intrigue tournant autour
de la concurrence féroce entre les maisons closes traditionnelles et les
nouveaux lieux de plaisirs que sont les bains publics, les restaurants et leur
hôtesse accueillantes.
Notre héros Shino est donc chargé d’éradiquer cette
concurrence déloyale et va multiplier tueries et humiliations en tout genre
jusqu’à aussi devenir gênant pour ses commanditaires que ces ennemis. Tetsuro Tamba
stoïque et impassible est paradoxalement le personnage le plus humain, le
détachement affiché dans ses exactions témoignant d’une mélancolie dont les
raisons resteront obscures. Acteur dont on souvient plus des prestations dans
un versant plus prestigieux du cinéma nippon (Hara-Kiri, Kwaidan, Trois samouraïs hors-la-loi) il apporte
une certaine noblesse héroïque dans un récit totalement amoral.
On n’aura ainsi guère de compassion pour les figures
féminines qui modelées pour être impitoyable sont toutes ici synonyme de
traitrises, de séductions et d’avilissement. Chaque semblant d’élan de
compassion envers elles s’avèrent biaisé puisque révélant une manipulation (la
fille de samouraï vendue aux enchères, les gardes du corps de Shino ignorant
qu’il les a sauvées) de la part de ce casting féminin qui passe plus de temps
poitrines et fesses à l’air que kimono sur le dos.
Visuellement c’est un véritable festival que nous offre là
Teruo Ishii. Les idées folles s’enchaînent sans interruptions tel cet incendie
éteint par une armée de femmes se roulant dans les flammes, Tetsuro Tamba sauvé
d’une mort frigorifié par des femmes nues se frottant à lui pour se le
réchauffer ou encore une longue orgie au sexe et à l’opium à la photo gorgée de
philtre de couleur et aux cadrages déroutant.
Le final où Tamba affronte une
armée diminué par l’opium et se mutile volontairement pour en atténuer les
effets est un grand moment, maelstrom de couleur, de membres coupés et de poses
viriles dans le plus pur style manga. Comme souvent avec Teruo Ishii, le cinéma
d’exploitation tordu et virtuose est à son plus haut dans cet excellent film.
Sorti en dvd zone 2 français chez HK Vidéo dans un coffret comprenant un autre film de Teruo Ishii 'Un amour abusif déviant et dévergondé".
Eh béh... On cultive tous les jours son jardin cinéma avec le Cinéphile Stakhanoviste ! Inconnu à mon bataillon, celui-là. La photo a l'air très... léchée.
RépondreSupprimerLF.
Oui le Pinku Eiga c'est un genre assez particulier du cinéma japonais mais assez passionnant et formellement très inventif. Au début quand j'évoquais un un film de ce style sur le blog je faisait à chaque fois un petit historique du genre vu comme les images sont surprenantes ^^ mais j'ai un peu arrêté pour entrer dans le vif du sujet. Je détaillais un peu plus dans cet avis là sur un film tout aussi fou du genre si vous voulez approfondir
RépondreSupprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2010/11/le-couvent-de-la-bete-sacree-seiju.html
A noter que le coup du type nu gelé réchauffé par un corps féminin, c'était déjà dans "La femme au corbeau" le film muet de Borzage
RépondreSupprimer(bon, là, apparemment elles sont plusieurs, mais l'idée est la même). Teruo Ishii a donc des lettres et des références. Ou du bol. Ou les mêmes préoccupations que Borzage. ça donne à penser ...
Lisa Fremont.
Un rapprochement Ishii/Brorzage je n'y aurais pas pensé ^^. Pas vu le Borzage mais je doute qu'il se montre aussi putassier que Teruo Ishii où la scène est assez gratinée quand même !
RépondreSupprimerEt moi, pas vu le Ishii.
RépondreSupprimerNon, bien sûr, la scène chez Borzage est juste sublime.
Cela dit, le raccourci était rigolo!
L.F.