Evocation de la vie du tsar Nicholas et
de sa femme Alexandra, avant que le drame de la Révolution russe ne
sonne la fin de la famille royale.
Franklin J. Schaffner signe son film le plus ambitieux et plus grand échec avec ce
Nicolas et Alexandra,
vision grandiose des dernières heures de la dynastie Romanov et de la
Révolution bolchévique qui transformera la Russie. Le rejet d'alors pour
ces superproductions à grand spectacle (le malheureux David Lean subit
alors un accueil glacial injuste pour le fabuleux
La Fille de Ryan)
et surtout la profonde noirceur de ce qui est le terrible récit d'une
déchéance causera l'échec du film malgré ses 6 nominations (remportés
pour les costumes et la direction artistique) à l'Oscar.
Le
titre annonce la couleur. Bien que laissant apparaître en filigrane les
grandes figures de la Révolution en marche (Lénine, Trotski, Staline),
le récit se concentrera sur les destins individuels de Nicolas II
(Michael Jayston) et Alexandra (Janet Suzman), la relation et les
égarements du tsar et de la tsarine conduisant la Russie au chaos sur
une dizaine d'années. Le film s'ouvre sur un évènement qui rendrait
heureux n'importe quel couple, une naissance, celle d'Alexis un fils
tant désiré. Cette naissance signe pourtant le début du déclin de la
monarchie puisque la découverte de la maladie du nouveau-né (qui est
hémophile) va phagocyter leurs décisions, les replier sur eux-même et ce qui serait chez un couple normal une préoccupation
légitime pour son enfant va au contraire plonger le pays dans le chaos.
Schaffner
choisit logiquement un casting prestigieux (Laurence Olivier, Jack
Hawkins, Michael Redgrave) pour composer l'entourage du tsar dont la
faiblesse de caractère et l'indécision sera renforcée par l'opposition à
ses charismatiques interlocuteurs tandis que le souverain est
interprété par l'inconnu Michael Jayston. Nicolas II est surtout un
homme éperdument amoureux et entièrement soumis à l'influence de sa
femme. Cette influence se fera tout au long du récit à mauvais escient
et à contretemps.
Le drame naît du fait que les intentions toujours
bonne d'Alexandra poussent son époux dans la mauvaise direction avec des
conséquences de plus en plus graves : qu'elle lui demande de se montrer
plus ferme avec ses conseillers et il tiendra bon pour mener une guerre
inutile contre le Japon pour la possession de la Corée, qu'elle le
supplie à bout de ressources de faire appel au malfaisant Raspoutine
(Tom Baxter) seul capable de soigner leur fils et ce dernier sèmera le
chaos à la cour.
Le montage use d'un décalage de plus en plus grand dans
l'alternance entre la misère profonde du peuple et le luxe des palais
puis des résidences secondaires dans lesquelles se réfugie le tsar
toujours plus éloigné des réalités. Schaffner usera de motif plus
subtils pour signifier ce détachement des puissants lors de la séquence
triomphale où l'armée russe part en campagne au début de la Première
Guerre Mondiale en figeant le visage de Nicolas II en noir et blanc,
puis ceux des gouvernant allemand, français et anglais de la même façon
tandis que leurs discours patriotiques sonnent étouffés.
Vers la fin du
film Lénine enfin parvenu au sommet (le film le montrant bien ronger son
frein de longues années en exil à l'étranger) sera figé à l'image selon
le même principe, plus significatif que tous les discours sur la
violence à venir où le pouvoir a juste changé de main.
Michael
Jayston délivre une interprétation étonnante de ce monarque innocent et
coupable à la fois de son malheur. Soucieux de préserver la grandeur des
Romanov, il refuse toute avancée démocratique mais s'avère incapable de
se rapprocher de son peuple, brutalement ferme quand il doit faire
preuve de clémence et indécis lorsqu'il faut imposer sa volonté.
Submergé par l'héritage de ses ancêtres, le pouvoir est un fardeau dont
il ne sait que faire. Là encore Schaffner parvient à traduire cela
brillamment par la seule force de l'image à travers trois séquences
récurrentes à la tonalité différentes.
La première se situe en début de
film et illustre l'arrivée triomphale du couple royal à sa demeure un
lent travelling accompagne leur marche triomphale à travers le corridor
menant à leurs appartement tandis que les cuivres de la garde tonnent
avec fierté. Quelques instants plus tard en utilisant le même découpage
et la même échelle de plan, ce protocole s'avère lourd et fastidieux
quand les monarques doivent s'y soumettre jusqu'au bout alors qu'ils
préfèreraient courir au chevet de leur fils malade. Enfin en conclusion
Nicolas II déchu, le teint hagard et en passe d'être chassé effectuera
cette même marche face à deux garde levant à peine les yeux sur lui avec
à nouveau une mise en scène similaire qui enfonce cette fois le
souverain dans le souvenir de sa gloire passée.
Il faut également
signaler un incroyable Tom Baxter en Raspoutine dont l'interprétation
outrancière tout en stupre et mystère est bien aidée par les accents baroque de la mise en scène de
Schaffner (et une photo volontairement terne de Freddie Young s'ornant
alors d'une imagerie bariolées surnaturelle) notamment une mémorable
scène d'assassinat digne de la légende entourant la fin du personnage.
Comme un symbole, les moments les plus apaisés interviendront dans les
derniers instants, lorsque tout est perdu et qu'il ne reste à la famille
royale qu'à faire corps face à une fin inévitable. C'est le temps des
derniers échanges complices entre Nicolas et Alexandra toujours aussi
épris, celui des regrets pour un jeune fils plus déterminé et imposant
que son père et surtout celui d'une fin tragique que Schaffner amène
avec émotion et fracas. Un film foisonnant et passionnant dont les trois
heures filent à toute vitesse.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Columbia et doté de sous-titres anglais
J'adore Schaffner !!! Encore un dont les films mériteraient d'être plus souvent montrés! J'ai revu "Le Seigneur de la guerre", cet été... Quel souffle! Quelle histoire magnifique, quelle merveille de mise en scène !
RépondreSupprimerJ'aimerais bien revoir "Sphynx" que j'avais trouvé excellent à sa sortie, mais pas revu depuis. J'espère ne pas changer d'avis...
Je n'ai jamais vu "Nicolas et Alexandra". J'ignore pourquoi. Mais votre chronique rappelle ce bon vieux Schaffner à mon souvenir... La copie du DVD est bien ? Quelle est la durée du film ?
Lisa Fremont.
Je viens de voir : 3 heures.
RépondreSupprimerLF.
La copie du dvd est tout à fait correcte et effectivement c'est de la grande fresque hollywoodienne ample de 3h avec entracte sans que l'ennui ne pointe jamais. J'aime beaucoup Schaffner aussi qui aura offert plusieurs oeuvres passionnante et spectaculaire à cette dont "Le Seigneur de la guerre" qui est peut-être mon préféré aussi, déjà évoqué sur le blog d'ailleurs
RépondreSupprimerhttp://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2010/12/le-seigneur-de-la-guerre-war-lord.html
Pas vu "Sphynx" mais je viens de survoler le pitch ça a l'air plutôt intrigant !