Deux bandes rivales, celle du major confédéré Jackson, et celle du Général mexicain Rodriguez, terrorisent un village à la frontière mexicaine. Arrive Django, un vagabond solitaire avec un cercueil...
Deux ans après le coup de tonnerre Pour une poignée de dollars (1964) d’un Sergio Leone signant l’avènement
du western spaghetti, Django s’avérait
un nouvel opus majeur du genre. En voulant s’éloigner justement de tous les
apports du classique de Sergio Leone (et de sa suite Et pour quelques dollars de plus sorti l’année suivante),
Corbucci va inventer une forme, un ton et une atmosphère à l’influence tout
aussi considérable. Corbucci aura jusque-là entamé une carrière de solide
technicien et d’artisan efficace d’abord pour les autres (assistant de Leone sur
le péplum Les Derniers Jours de Pompéi)
puis apprenant le métier dans tous les genres une fois passé à la réalisation durant les années 50
où les comédies avec Toto côtoient le
péplum comme Le Fils de Spartacus une
de ses premières réussites.
Il avait déjà réalisé trois westerns auparavant mais assez peu
significatifs et calquant plus la série B américaine notamment son premier Massacre au grand canyon (1963). Les
audaces de Sergio Leone et le succès de ses films auront décomplexées les
autres cinéastes italiens s’attaquant au genre (pour le meilleur et pour le
pire) dont un Sergio Corbucci sur Django
dont la production mouvementée (tournage arrêté pour manque de liquidité,
scénario écrit au jour le jour) lui aura enfin laissé la latitude de créer sa
patte unique.
En inventant le western spaghetti, Leone se l’était
approprié par une somme d’influence (le fétichisme des armes issus du cinéma
japonais, le jeu cadrage mettant en scène et valorisant la puissance des pistoleros
à la manière des samouraïs dans les chambarras) et d’invention ramenant le genre à une identité plus latine qu’anglo-saxonne
(et paradoxalement plus réaliste) : dimension picaresque, personnages et
situation inspirés de la commedia dell'arte, influence de la mythologie.
Corbucci va à contre-courant de ce riche patchwork avec un Django qui n’est que misère et désolation. Ciel couvert constamment
oppressant, cité fantôme boueuse et héros traînant à pied un cercueil plutôt qu’installé
sur la selle de son cheval. On est ici plus dans le film gothique que le
western, Corbucci multipliant les éléments visuels ou narratifs liés au
surnaturel. Les sbires de l’infâme Major Jackson arborent des capuches rouges
évoquant autant le Ku Klux Klan que des spectres, l’importance qu’a le cimetière
et bien sûr le contenu mystérieux du cercueil qui accompagne Django.
Comme ce sera le cas dans Le Grand Silence, l’Ouest est pour Corbucci un monde de violence
hors de la loi des hommes où les tyrans peuvent s’adonner à leur barbarie. Le Utah
enneigé et isolé du Grand Silence
permettait les pires écarts de la part d’un Klaus Kinski chasseur de primes
sadique et ici sudiste raciste et mexicains malveillants sont renvoyés dos à
dos par deux manifestation de violence cruelles et choquantes. Django, le regard bleu acier, le verbe sec et
la mine taciturne est différent.
Le script lui confère bien sûr les capacités de
pistoleros virtuose typique du western spaghetti mais loin de « L’Homme
sans nom» calculateuret sans passé de Sergio Leone Django est un être
torturé et meurtri. Franco Nero exprime parfaitement cela avec cette beauté
croisant la menace et la douceur, son Django est à la fois présent et ailleurs,
son ancienne vie ayant été balayée par une perte tragique. Les dialogues
désabusés montrent son détachement face à l’amour ou son propre avenir, seul
compte la vengeance. Corbucci lui donne une présence concrète et une humanité
en en faisant un martyr.
Pour le réalisateur ses héros doivent en passer par la
souffrance et la mutilation physique pour renaître, ce sera le cas dans Le Grand Silence (avec une issue plus
tragique) et pour la première fois ici avec Django qui devra défier ses ennemis
alors qu’il a les mains brisées et peut à peine tenir son pistolet. Le final
dans le cimetière offre un des plus grands duels du western spaghetti, laissant
éclater son audace et inventivité puisque le ridicule achevé de la résolution
(sur le papier) devient une formidable catharsis libératrice pour Django au
terme d’une prière achevée dans le sang. Corbucci, moins formaliste que Leone
(plus par fainéantise que par un talent moindre, un zoom bien senti va plus
vite qu’un travelling, la bagarre au découpage hasardeux dans le saloon)
déploie toute son inspiration dès qu'il peut poser une ambiance macabre et mortifère.
Ce sera le cas lors de ce final grandiose à travers cet ultime plan où la
silhouette claudicante de Django disparait au loin (dans une même valeur de
plan et cadrage que sa première apparition fantomatique signifiant là son
retour au monde des vivants), laissant au premier plan cette croix brisée synonyme
des démons qu’il a vaincu. Le tout sur le tonitruant score de Luis Bacalov qui
réutilise une de ses pistes (le tonitruant mariachis des révolutionnaires mexicains)
dans El Chuncho sorti la même année.
Un des chefs d’œuvre du genre que les multiples et hasardeuses déclinaisons ne doivent pas faire oublier. Corbucci signera son pendant noir et encore plus maîtrisé deux ans plus tard avec Le Grand Silence.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side et à l'occasion du nouveau Tarantino lui rendant hommage le film ressort en salle ce mercredi.
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