Émile Zola n'est pas seulement un
auteur à succès mais aussi un combattant pour la justice. En 1897, il
impulse les polémiques de l'Affaire Dreyfus, en prenant le parti du
Capitaine. Alors en pleine gloire artistique, Zola met en danger sa
carrière pour mettre en avant ses opinions politiques. Il publie un
article polémique, « J'accuse...! », dans lequel il s'attaque à
l'état-major français et au nationalisme. Il passe les cinq dernières
années de sa vie à combattre pour la justice dans cette affaire.
Au
milieu des années 30 William Dieterle entame une fructueuse
collaboration avec l'acteur Paul Muni, réalisant au sein de la Warner de
grands biopics de prestige qui rencontrerons un grand succès public et
critique. Le premier du lot sera
La Vie de Louis Pasteur
(1936) qui remporte trois Oscars (Meilleur acteur pour Paul Muni,
meilleur scénario original et meilleure adaptation), viendra ensuite
La Vie d'Émile Zola et enfin
Juarez (1939) consacré au célèbre président mexicain. Deuxième film de la série,
La Vie d'Émile Zola est également une grande réussite.
Le
scénario se base sur les travaux de Matthew Josephson, spécialiste
américain de la littérature française du XIXe et plus précisément sur
son ouvrage
Zola and His Time
paru en 1928. Ainsi tout en étant plutôt rigoureux dans la chronologie
des évènements, le film s'autorise quelques raccourcis et modifications
servant à une montée en puissance dramatique toute hollywoodienne et
particulièrement efficace. Le film se divise clairement en deux parties.
Dans la première on suit donc l'ascension d'Emile Zola, tous les
moments le menant de l'apprentissage à la notoriété se dévoilant dans de
courtes vignettes : la vie de bohème lorsqu'il partage un appartement
miteux avec son ami le peintre Cézanne, son travail dans le monde de
l'édition où il contribue à mettre en avant les ouvrages partageant sa
sensibilité puis les premiers succès littéraire. Toutes les ellipses,
raccourcis et inventions du récit n'ont pour but que de mettre en avant
la révolte de Zola, son souci du peuple et de sa misère et leur
importance dans son œuvre.
Le film attribue ainsi le premier grand
succès littéraire de Zola à
Nana
et surtout l'invention du personnage à une prostituée misérable et sans
le sous qu'il aurait pris en pitié alors que dans la réalité
l'inspiration lui soit venu de la moins honorable Blanche D'Antigny
fameuse courtisane de l'époque. Son combat contre les institutions est
également évoqué (là aussi avec des raccourcis servant la direction du
film) notamment avec la parution de
La Débâcle
où dénonce les horreurs de la guerre et fustige l'armée. Ce survol en
accéléré nous amène à un Zola installé, célèbre et adoubé par ses pairs.
Pourtant cette consécration semble l'avoir éloigné de ses combats
d'antan et installé dans l'autosatisfaction. Une injustice qu'il sera le
seul capable de dénoncer va pourtant le ramener dans l'arène :
L’affaire Dreyfus.
C'est donc le fameux conflit social et
politique qui agita la France de la Troisième république qui anime la
deuxième partie. Là aussi la narration va au plus simple (le complot,
l'accusation arbitraire et l'emprisonnement de Dreyfus semblant se
dérouler en dix minutes à peine), certains éléments polémiques sont
éludés comme l'antisémitisme pour surtout dénoncer la toute-puissance du
corps de l'armée, entité capable d'accuser un innocent et de commettre
toutes les bassesses pour masquer son erreur de jugement.
Les moments
forts sont innombrables, admirablement amenés par Dieterle : Zola
prenant conscience de sa vanité en lisant ses promesses d'accession à
l'Académie Française et en regardant son portrait, le fameux
J'accuse
entonné par un Paul Muni habité et surtout les captivantes joutes
verbales des scènes de procès (dramatisés à l'extrême avec des généraux
s'autorisant toutes les entraves à la justice tandis que la défense est
constamment handicapée par les juges, dur à croire à ce point-là mais
c'est sans doute le reflet d'une certaine la réalité).
Paul Muni allie
une bonhomie et une exaltation rendant son Zola immédiatement attachant
et charismatique et aidé par d'excellent maquillage nous fait croire à
l'allure de cet homme dans l'âge mûr (on a du mal à croire qu'une
poignée d'années plus tôt il jouait un teigneux
Scarface
chez Hawks). Joseph Schildkraut compose également un très touchant et
fragile Dreyfus, sa déchéance et son emprisonnement sordide composant
des séquences particulièrement marquante avec là aussi un impressionnant
travail des maquilleurs sur sa dégradation physique progressive.
Dans
cette même démarche romanesque, Dieterle accélère la réhabilitation de
Dreyfus qu'il croise à la mort de Zola pour un final puissant sur les
obsèques en apothéose de l'auteur où l'ode d'Anatole France à son ami
est retranscrite en entier.
Devant
rappeler la lutte entreprise par Zola pour la justice et la vérité,
m'est-il possible de garder le silence sur ces hommes acharnés à la
ruine d'un innocent et qui, se sentant perdus s'il était sauvé,
l'accablaient avec l'audace désespérée de la peur ?
Comment les écarter de votre vue, alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ?
Puis-je taire leurs mensonges ?
Ce serait taire sa droiture héroïque.
Puis-je taire leurs crimes ?
Ce serait taire sa vertu.
Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l'ont poursuivi ?
Ce serait taire sa récompense et ses honneurs.
Puis-je taire leur honte ?
Ce serait taire sa gloire.
Non, je parlerai.
Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte.
Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand.
Il fut un moment de la conscience humaine.
Le
succès sera à nouveau au rendez-vous avec trois Oscars récoltés
(Meilleur film, meilleur second rôle pour Joseph Schildkraut et
meilleur scénario) sur sept nominations. Tout à fait mérité pour ce
superbe biopic.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner et doté de sous-titres français
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire