François, Cécilia et Isabelle sont
élèves de la classe d'art dramatique du conservatoire que dirige le
professeur Lambertin. François est amoureux d'Isabelle qui l'aime
également, mais il est poursuivi par Cécilia, son ancienne maîtresse.
Mettre un peu d'art dans sa vie et un peu de vie dans son art.
Le leitmotiv du personnage de professeur incarné Louis Jouvet résume
idéalement la trame d'Henri Jeanson et André Cayatte où se mêle la
découverte passionnante de l'apprentissage de l'art dramatique au
conservatoire et le chassé-croisé amoureux de ses élèves. Le lien se
fait avec un brio constant et ce dès l'ouverture avec l'effervescence et
l'angoisse du concours d'entrée qui expose et tisse les rapports entre
les différents aspirants acteurs. François (Claude Dauphin) ancien
amoureux éconduit et moqué par l'orgueilleuse Cécilia (Odette Joyeux) va
tomber amoureux le temps d'une répétition endiablée d'Isabelle (Janine
Darcey).
La scène et la fiction offre un reflet déformant, un mimétisme
comique et tragique constant à la réalité à travers le marivaudage
amoureux se jouant ici. C'est en jouant une scène plutôt légère de
La mégère apprivoisée
que se noue la romance entre Isabelle et François, tandis que le geste
désespéré de la pièce se rejoue dans la réalité lors d'un rebondissement
final surprenant. Le triangle amoureux est ravissant avec les jeunes
premiers romantiques que sont Claude Dauphin alternant tirades désabusés
ou passionnées, Janine Darcey amoureuse dévouée à son art et surtout
Odette Joyeux jamais aussi enflammée que lorsqu'elle est repoussée.
L'intrigue
et sa résolution pourrait sembler un peu trop conventionnelle et
attendue si ce n'était la prestation étincelante de Louis Jouvet en
professeur Lambertin. Si les élèves se perdent dans les méandres de
leurs amours entre leur jeu et la réalité, Jouvet se sera pourtant
chargé de les guider tout au long de remarquable scènes
d'apprentissages.
Les scènes de cours sont fascinantes avec un Jouvet
cherchant constamment à amener ses élèves dans une quête de la vérité de
leurs personnages et de la fiction dans laquelle ils s'inscrivent. Que
ce soit une porte imaginaire non ouverte/fermée par Bernard Blier, une
tirade parfaitement exécutée mais qui pêche par le décalage de sa
gestuelle où l'origine sociale de l'interprète qui ne s'efface pas
derrière son personnage, Jouvet multiplie les remarques judicieuses et
les conseils à travers les dialogues cinglants de Henri Jeanson.
Tu
joues mollement. Tu t'installes confortablement dans un métier où il
n'y a pas de confort. Tu es bourgeois. En scène, tu fais du tricot.
Mireille,
mon petit, ce n'est pas mal, mais tu es un peu trop coquette. Tu as de
très jolies jambes et je t'en félicite mais ton rôle n'est pas un rôle à
jambes, c'est un rôle de sentiments. Il faut qu'on oublie les jambes.
Je te remercie. Tu ferais un excellent critique : tu parles fort bien de ce que tu connais mal.
Totalement
dédié au jeu et à la scène, ce regard se prolonge dans la réalité tel
cette manière dont il désigne les blanchisseuses comme des candidates au
conservatoire en les qualifiant d'un emploi possible d'après leur
allure (ingénue, amoureuse) lors de l'épatante scène où va convaincre
les parents d'Isabelle de la laisser suivre sa voie. Lambertin est une
figure quasi abstraite par cette rigueur et dévotion mais paradoxalement
incarne une plus grande vérité que les intrigues sentimentales au
premier plan (et qui n'en sont pas néanmoins prenantes). Contrairement à
ses élèves, son choix est fait tandis que l'hésitation de ses derniers
les plonge dans le tourment, tout en les rendant humains et vivant quand
Jouvet s'avère l'incarnation d'un idéal, d'un absolu inaccessible.
Sorti en dvd chez René Chateau
Extrait
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire