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vendredi 15 février 2013

Nowhere to go - Seth Holt (1958)


Nowhere to go est l'avant dernier film produit par Ealing, The Siege of Pinchgut l'année suivante constituant le chant du cygne du célèbre studio britannique. Ealing avait déjà perdu un peu de son identité en vendant ses locaux situé dans le quartier auquel il devait son nom et depuis la plupart des films étaient coproduit avec la succursale anglaise de la MGM. Cela se ressent dans le ton surprenant et la noirceur de ce Nowhere to go. Bien sûr en dehors des comédies qui ont fait sa gloire Ealing avait exploré des terrains plus sinueux avec entre autre Il pleut toujours le dimanche (1947) au croisement du polar et du mélodrame ou encore le très sombre film de guerre Went the day well (1942). Malgré tout la profonde identité anglaise caustique demeurait dans ces films quand Nowhere to go donne dans une sécheresse étonnante.

 Le film adapte un roman de Donald MacKenzie et est la dernière occasion de faire fonctionner la politique de promotion d’Ealing où un technicien doué pouvait gravir les échelons jusqu'à la réalisation comme ce fut le cas pour un Alexander McKendrick par exemple. Ici l'heureux élu est Seth Holt auparavant monteur et qui montre déjà un sacré talent. Nowhere to go est un film noir classique et déroutant à la fois. Le poids de la fatalité, du destin tournant en défaveur des protagonistes est un classique des intrigues du genre et ne déroge pas ici. Cependant cet aspect s'articule généralement dans un crescendo dramatique où l'on voit progressivement tout s'écrouler. Ici la construction est quasi conceptuelle avec deux films en un, l'un très positif et roublard et l'autre profondément désespéré.

L'intrigue débute sur une mémorable scène d'évasion silencieuse où on appréciera l'astuce et l'organisation de l'évadé, Paul Gregory (George Nader). Une séquence filmée de main de maître par Holt avec son remarquable usage du décor ferroviaire près de la prison, la photo sombre de Paul Beeson accentuant la nature expressionniste de ce cadre et la manière de magnifier le brio de son héros avec le score jazzy de Dizzy Reece et le générique se déclenchant pile au moment où celui-ci fait exploser sa cellule.

Après nous avoir montré l'assurance sans faille du plan de fuite de Gregory, une narration en flashback nous expliquera la manœuvre audacieuse qui l'a conduit à cette situation. Quelques mois plus tôt, il aura séduit une veuve et compatriote canadienne de passage à Londres pour vendre la collection de pièce rares de son mari. Le flashback dans un montage percutant dévoile à coup d'ellipses inventives l'intelligence de Gregory gagnant progressivement la confiance de sa victime par son charme et bagout, jusqu'à s'introniser intermédiaire de la vente des fameuses pièces.

Une fois la vente effectuée Gregory se laisse volontairement arrêter afin de laisser la valeur de son argent fructifier et en profiter sans crainte à sa sortie mais la peine sera plus lourde que prévue, dix ans, d'où son évasion. Jusque-là on avait un polar enlevé avec un héros malin et charismatique, George Nader le brushing impeccable et le regard charmeur semble toujours avoir un coup d'avance sur tout le monde. La deuxième partie entame donc comme dans un cauchemar le pendant inversé de cette insolente réussite. Traitrise inattendue, hasard malheureux, tous les "trucs" qui rendaient Gregory intouchable se retournent contre lui comme dans un châtiment inéluctable. Après avoir donné dans l'esthétique enlevée et percutante pour illustrer l'invulnérabilité de son héros, Holt soudain étire plus que de raisons les scènes les plus anodines, Gregory jusque-là avantageusement filmé perd de sa superbe par un Nader de plus en plus éprouvé physiquement mais aussi dans sa manière de le faire évoluer dans son environnement.

Les décors filaient à toute vitesse au départ avec un Gregory avançant sûr de sa force et déterminé, désormais l'ambiance urbaine menaçante le submerge comme une chape de plomb avec ces nombreux plans nocturnes aérien en plongée où il se perd dans l'immensité londonienne. Les demeures élégantes et salons d'enchères prestigieux cèdent aux bars miteux, l'évasion décontractée du début bascule à une fuite désespérée sur les toits.

Rien ne semble entraver la chute dans cette ville où gangsters comme flics constituent tous des menaces et le semblant d'espoir ne viendra que d'une jeune femme innocente incarnée par Maggie Smith qui trouve là son premier rôle au cinéma. Le Nowhere to go prend tout son sens avec cette ville dont il semblait le maître et qui s'avère pour Gregory un piège où il est partout indésirable et pourchassé.

On pense un peu au Huit heures en sursis de Carol Reed sans la dimension martyr du héros, la compassion n'étant pas la même et le ton neutre jurant avec le grand mélo de Reed. Holt expérimente avec brio, la dernière partie hors de la ville virant presque à l'abstraction, Antonioni n'est pas loin dans la très étrange errance finale en campagne. Un Ealing et un polar déroutant sur une trame pourtant classique sur le papier, belle réussite.


Sorti en dvd zone 2 anglais chez studio Canal et doté de sous-titres anglais

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