Les Enfants loups, Ame & Yuki - Okami kodomo no ame to yuki, Mamoru Hosoda (2012)
Hana et ses deux enfants, Ame et Yuki, vivent discrètement dans un coin tranquille de la ville. Leur vie est simple et joyeuse, mais ils cachent un secret : leur père est un homme-loup. Quand celui-ci disparaît brutalement, Hana décide de quitter la ville pour élever ses enfants à l'abri des regards. Ils emménagent dans un village proche d'une forêt luxuriante… Alors que les studios Ghibli montrent ces dernières années quelques
signes d’essoufflement, exception faite des films de Miyazaki, Mamoru
Hosoda fait plus que confirmer les espoirs placés en lui avec Les Enfants loups, Ame & Yuki,
s’imposant comme la figure de proue de l’animation japonaise grand
public. Hosoda y développe et affine brillamment les qualités entrevues
dans ces précédentes œuvres. L’art d’Hosoda repose sur la proposition
d'un argument extraordinaire pour conter des problématiques ordinaires,
intimistes et inscrites dans le quotidien.
Dans La Traversée du temps
(2006) l’acquisition du don de voyager dans le temps servait la
description touchante des premiers émois amoureux d'une adolescente. Le
plus ambitieux Summer Wars(2010) se servait d'une menace
numérique planétaire pour narrer la réconciliation d’une famille
japonaise et dépeindre la maturité de son jeune héros dans un
passionnant questionnement sur la tradition et la modernité.
Dans Les Enfants loups, Ame & Yuki, le ton feutré de La Traversée du temps va ainsi se mêler à l’écran aux thèmes plus matures amorcés dans Summer Wars
. Le film raconte tout simplement le courage d'une mère à élever seule
ses deux enfants. L'extraordinaire surgira dans la nature de ces
enfants, des enfants loups portant sur eux le lourd héritage de leur
père trop tôt disparu.
L'introduction (évoquant celle magistrale du Là-hautde Pixar en plus approfondie) est un
petit bijou de romantisme qui narre en quelques vignettes la rencontre
de l'héroïne Hana avec l'homme-loup (plus proche du concept
d'homme-animal que de loup-garou), la révélation de sa nature, leurs
premiers émois (dont l'aspect sexuel pas éludé est abordé tout en
délicatesse, loin des très prudes et platoniques films Ghibli) et la
naissance des enfants avant la terrible séparation lors d'une magnifique
séquence muette.
Et là Hosoda aborde avec réalisme les difficultés de
cette jeune mère célibataire (soucis d'argent, logement exigu, ...) à
élever ses nourrissons en plus de ceux de gérer leurs dons surnaturels.
Le ton ne penche jamais de façon forcée du côté du mélodrame grâce à la
nature optimiste de l'héroïne et à quelques moments amusants qui
allègent la mélancolie ambiante (cette scène où Yuki malade hésite entre
le pédiatre et le vétérinaire).
Hosoda retrouve les thèmes de La Traversée du temps et de Summer Wars
sur la quête et l'accomplissement de soi mais au point de vue
adolescent de ses films s'ajoute désormais le regard bienveillant et
anxieux d'une mère. On voit donc les enfants grandir entre l'exubérante
et bruyante Yuki et le plus chétif et introverti Ame, accepter puis tour
à tour refuser leurs héritages d'enfant loups, se confronter aux regard
des autres et vivre les premiers élans sentimentaux...
La
narration d'Hosoda est limpide pour accompagner cette notion de temps
qui passe, entre ellipses parfaites (les années qui défilent à travers
les deux salles de classe voisines de Yuki et Ame), poses contemplatives
et moments plus oniriques. Sur ce dernier point, le réalisateur use
d’un naturalisme formellement somptueux où cette campagne et cette forêt
environnante sont magnifiées avec une inspiration telle qu’on a parfois
une impression de photoréalisme alors que le tout repose sur des
traditionnelles compositions dessinées (où interviennent de discrètes
touches numériques).
On s’approche de l’écologisme de Ghibli et
notamment de la notion de « retour au pays natal » inscrite au sein de
la culture japonaise et présente dans le classiqueSouvenirs goutte à goutte (1991) d’Isao Takahata, dont on retrouve ici la description
chaleureuse, solidaire et régénérante de la vie rurale (et l’approche
documentaire des travaux agricoles). Hosoda a d’ailleurs admis lors de
l’avant-première française que l’intrigue se situait au sein de sa
région natale, renforçant ainsi cette facette.
L’introspection de mise
dans ce retour sur soi correspondra dans l’histoire à la manière qu'à
chacun de trouver sa voie et aux autres de l’accepter. Le timide Ame va
donc se révéler à lui-même dans cette nature pour peut-être choisir son
côté loup alors que Yuki (notre guide et narratrice dans le récit ), au
départ plus sauvage, semble s’épanouir dans le monde des hommes.
Tout
cela sous l’œil aimant de leur mère Hana (la grand-mère de Summer Wars, l’adolescente de La Traversée du temps,
Hosoda a l’art de brosser des personnages féminins très authentiques et
attachants), qui aura regardé ses enfants grandir et les aura
accompagnés dans leur évolution. C’est là qu’il faut chercher l’âme du
film, dans cette ode à la femme et à la maternité saluée par une
dernière scène bouleversante et toute en retenue. Mamoru Hosoda signe un
chef d’œuvre de l’animation et le plus beau film sorti l'an passé.
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