Enfant, le milliardaire Bruce Wayne vit ses parents assassinés par un voleur. Il se jura de venger leur mort en se lançant dans une bataille à vie contre le crime organisé. Pour cela, il se crée un personnage costumé nommé Batman, et cache cette identité derrière celle d'une image de playboy. Gotham City est contrôlée par le parrain Carl Grissom. En dépit des efforts du fraîchement élu procureur de district Harvey Dent et du commissaire James Gordon, la corruption de la police demeure conséquente. Le reporter Alexander Knox et la photo-journaliste Vicki Vale commencent à enquêter sur les agissements du justicier habillé en chauve-souris, alors que ce dernier n'est aux yeux des médias et des policiers qu'une rumeur confuse propagée chez les criminels.
La réussite artistique et le triomphe commercial du magnifique Superman (1978) de Richard Donner avait rendu viable à l'époque la possibilité d'adaptation de comics dans des productions ambitieuses et c'est tout naturellement qu'il fut envisagé de transposer Batman sur grand écran dès le début des années 80. Mais entre le souvenir encore trop vivace de la série tv parodique des 60's et les atermoiements quant à la direction à adopter (reprendre mécaniquement la structure du film de Richard Donner pas adapté pour Batman, adopter une tonalité sombre et sérieuse fidèle aux comics ou reprendre la suite loufoque de la série) le projet s'enlise lentement dans l'enfer du development hell.
Ce qu'il manque au projet c'est une vraie vision, ce qui sera le cas grâce à la sortie des comics The Dark Knight Returns et The Killing Joke (signé Frank Miller et Alan Moore) dont le succès valide une vision plus sombre et torturée de l'univers de Batman et contribuera à l'embauche de Tim Burton à la réalisation.
Peu familier de l'univers des super-héros, Burton trouvera chez Miller et Moore matière à exploiter mais c'est surtout par son interprétation du personnage que Burton rendra son Batman si marquant. Pour Burton, Bruce Wayne n'est qu'un pantin, une coquille vide rongeant son frein en journée dans l'attente d'endosser le costume de Batman la nuit venue, sa vraie identité. Contrairement à la structure obligatoire désormais (et héritée du Superman de Donner en fait) pas de psychologie ou de longue introduction pour dépeindre les motivations du justicier que nous retrouvons d'emblée en action, l'agression précédant sa première apparition faisant d'ailleurs un mimétisme volontaire au trauma originel de Bruce Wayne. Burton use des codes du film d'épouvante avant un montage jouant sur la nature spectrale et fantomatique de Batman et lorsqu'il se dévoilera dans toute sa splendeur aux malfrats terrorisés, c'est à un pur instant d'épouvante gothique qu'on assistera.
Avant d'être un super-héros, Batman est une anomalie, un monstre dissimulant un être torturé et schizophrénique. Burton retarde ainsi longuement l'apparition de Bruce Wayne (Michael Keaton, parfait) démasqué, être transparent ne surnageant pas au milieu des invités de sa propre réception alors qu'il semble lui-même et maître la situation dans la batcave. De même il semble bien plus sûr de lui lorsqu'il se présente d'un rageur I'm Batman à un criminel tremblant que lorsqu'il assume à peine être Bruce Wayne. La romance compliquée avec Vicky Vale (Kim Basinger) laisse alors entrevoir ce que pourrait être une existence normale mais un autre monstre est lâché en ville en la personne du Joker (Jack Nicholson), le forçant à replonger dans les ténèbres.
L'idée discutable de lier les origines de Batman et du Joker est parfaitement vue dans cette optique, faisant de Gotham City un asile à ciel ouvert engendrant des freaks. Théâtre de la folie, Gotham City adopte ainsi une étouffante esthétique gothique par la mise en scène opératique de Burton et la photographie ténébreuse et sophistiquée de Roger Pratt servent à merveille les décors d'Anton Furst.
Les jeux d'ombres sont somptueux et les perspectives étourdissantes tout en gardant sous le budget faramineux une dimension artisanale (nous sommes dans une ère pré numérique avec trucages à l'ancienne alternant maquettes, matte painting...) dans ce qui est un splendide hommage à l'expressionnisme allemand voire même au gothique Universal (le final entre Frankenstein et Le Fantôme de l'Opéra).
Si Burton aura réussi à avoir la mainmise sur la tonalité du film et exprimer la nature profonde de son héros, le déroulement du scénario assez bancal (les 45 premières minutes étant exceptionnelles) laisse deviner tous les compromis que dû faire le jeune réalisateur dont c'était le premier gros film notamment la décision étrange de faire pénétrer Vicky Vale dans la batcave.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Warner
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