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lundi 19 août 2013

Oblivion - Joseph Kosinski (2013)


En 2077, après des décennies de guerre contre la terrible menace des Scavs (appelés les « chacals » en version française2), les humains ont quitté la Terre. Jack Harper (Tom Cruise) vit dans une station au-dessus des nuages et a pour mission de réparer et d'entretenir les drones présents à la surface de la Terre, afin de protéger les stations chargées d'extraire de l'eau de mer. Un jour, témoin du crash d'un vaisseau spatial, Jack décide de se rendre sur les lieux, et découvre les caissons de tout un équipage en biostase. Parmi eux, il trouve un caisson contenant une belle inconnue, elle aussi en biostase. À sa grande stupéfaction, il a déjà vu cette inconnue dans ses rêves.

On avait découvert Joseph Kosinski avec  Tron : L'Héritage (2010), suite tardive du film culte Tron (1982). Si Kosinski y faisait preuve d’un impressionnant brio visuel et rénovait magnifiquement l’esthétique de l’univers de Tron, on ne pouvait s’empêcher de voir en cette suite une jolie coquille vide où Disney avait plus la mainmise que son réalisateur engagé surtout pour son expérience dans les effets spéciaux. Il mettra bien plus de lui-même dans Oblivion, second film dont il écrit les premières ébauches en 2005.

Il en tirera alors un roman graphique où tout l’univers visuel et l’ambition du projet impressionne déjà et, si l’ouvrage ne paraîtra jamais en kiosque il servira de véritable bible pour convaincre les studios. Après le succès de Tron : L'Héritage, Disney se montre d’ailleurs intéressé mais souhaite en faire un film plus familial. Kosinski refuse (et fait bien au vu de la maladresse récentes de Disney à vendre ses projets hors normes comme Lone Ranger ou John Carter) et Universal produira finalement Oblivion selon la vision de son réalisateur.

Oblivion part d’un postulat et de thématiques largement usitées et les amateurs de science-fiction anticiperont sans doute certains de ces rebondissements (particulièrement celui concernant la vraie nature des « chacals »). C’est donc par son brio de narrateur, l’âme et l’émotion qu’il parvient à donner au récit que Kosinski va progressivement captiver le spectateur. Jack Harper (Tom Cruise) est donc le dernier humain sur Terre avec sa compagne Vika (Andrea Riseborough), tous deux officiers de maintenance après qu’une guerre contre des extraterrestre ait dévastée le globe et que l’Homme ait migré vers l’espace dans la structure du Tet. La première heure introspective donne donc à voir des paysages fascinants de beauté et de désolation où les derniers vestiges de la présence des hommes sont désormais engloutis par une nature foisonnante. 

Ces visions s’opposent à la froide technologie futuriste et met en valeur l’impressionnant environnement High Tech de Jack et Vika : cette maison incroyable située à la hauteur des nuages, les intérieurs blanc immaculés, la disposition froide et fonctionnelle de chaque objet. On ressent le passif d’architecte de Kosinski dans cet aspect  et surtout cette froideur déshumanisée où vit le duo qui s’oppose à une Terre désertée mais où transpirent tous les symboles de la vie passée et la rende finalement plus chaleureuse. 

Toute intrusion de cette vie dans l’austérité futuriste (avec THX1138 comme influence évidente) se voit d’ailleurs rejetée, à l’image de Vika jetant une fleur que Jack lui avait apportée de l’extérieur. Les échanges même avec l’humanité exilée ont ce quelque chose de programmé et mécanique dans sa familiarité qui mettra la puce à l’oreille. Are you an effective team?

Kosinski amorce ainsi par l’image le malaise envahissant Jack qui se sent plus humain lorsqu’il arpente la planète sinistrée que quand il retourne dans sa forteresse élevée dans les cieux. Il s’est d’ailleurs constitué un havre de paix à l’abri des regards dans une cabane où il emmagasine différent objets de la culture terrienne disparue et où il peut enfin se laisser aller. Jack et Vika sont assignés, « programmés » à leur tâche mais est-ce uniquement cela qu’être humain ou quelque chose de plus insaisissable ? La réponse se trouve sans doute dans les rêves de Jack et de la mystérieuse jeune femme brune qui l’y rejoint constamment dans des souvenirs qu’il ne comprend pas.

Oblivion par cette facette approche par moment une dimension métaphysique et une profondeur qu’on associe plutôt à la science-fiction littéraire (le film doit beaucoup par exemple au Monde des Ā de Van Vogt ) . L’esthétique, toute brillante qu’elle soit (incroyable image de cette lune détruite dans le ciel, la séquence de la piscine) est avant tout un moteur narratif où les images servent de révélateur avant les mots. 

Le choix par exemple contrairement à nombre de films SF dépeignant une terre post-apocalyptique plongée dans les ténèbres (Terminator par exemple) d’avoir un environnement constamment en pleine lumière est totalement pensé, c’est dans cette lumière et la faune qu’elle dévoile (contrairement au ténébreux intérieur du Tet que l’on découvrira bien plus tard, la beauté des paysages islandais où a été tourné le film contribue à ce dépaysement) que se révèle une humanité, que réside la vie et justifie l’accroche du film, la Terre est un souvenir pour lequel il faut se battre

Pour Jack, ce sera symbolisé par Julia (Olga Kurylenko), la jeune femme hantant ses rêve et qui s’avérera plus qu’un songe mais un réel souvenir lorsque son vaisseau issu d’une mission spatiale d’avant l’invasion s’écrasera sur terre. La deuxième heure du film plus portée sur l’action poursuit néanmoins cette même idée entre l’opposition de la froideur mécanique du monde du Tet (les drones uniformes et destructeurs) et les sentiments ravivés entre Jack et Julia. 

Mieux encore, une révélation majeure quant à la vraie nature de Jack donnera encore plus de profondeur à cette question de ce qui définit l’Homme, la persistance de l’âme et de l’amour. Ainsi l’erreur de l’adversaire aura été justement de penser pouvoir assigner l’Homme à une tâche comme les drones et autres machines de son arsenal, de le programmer et faire disparaître ce qu’il est où ce qu’il a été. 

C’est de cet oubli que pourront renaître les sentiments et souvenir enfouit de Jack, mais cela s’applique également à Vika dont le respect maladif du règlement masquera aussi des émotions plus douloureuses comme la jalousie et l’amour non-réciproque.

A quelques légères fautes de gouts près (le look un peu ringard des chacals lorsque l’on saura leur vraies nature) Oblivion offre donc un spectacle jamais aussi captivant que dans sa veine intimiste et servit par des acteurs épatant. Tom Cruise offre une de ses plus belles prestations récentes avec ce personnage fragile et rêveur qui saura enfin donner un sens à sa quête d’ailleurs avec une émouvante Olga Kurylenko. Leurs scènes communes dégage une magie et une dimension romanesque qui porte littéralement le cœur du film et culmine dans les dernières minutes du film tout en beauté suspendue, portée par la musique grandiloquente et intimiste à la fois de M83. 

Jack va définitivement assumer son libre arbitre pour défier le Tet dont le look clin d’œil au HAL de 2001 l’Odyssée de l’espace le différencie définitivement par sa froideur imposante à une humanité encore ardente (la réplique cinglante de Jack pour en finir). La dernière scène d’une sublime poésie et parfaite évidence l’illustre de la plus belle des façons, l’humanité constitue plus qu’une simple enveloppe et elle est indestructible. Kosinski signe une œuvre magnifique et le plus beau fleuron du renouveau SF de cette année 2013 qui n’a pour l’instant débouché que sur des déceptions  (Elysium, le second Star Trek). Le réalisateur transcende une structure classique et la rend sienne en lui donnant ce qui aura sonné l'éveil son héros, une âme. 


Sorti en dvd zone 2 et dans un très beau blu ray chez Universal

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