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dimanche 29 septembre 2013

Ultimatum - Seven Days to Noon, John et Roy Boulting (1950)


Un scientifique anglais s'échappe d'un centre de recherche en emportant une bombe atomique. Dans une lettre qu'il envoie au Premier Ministre britannique, il menace de réduire à néant le centre de Londres si, dans un délai d'une semaine, le gouvernement n'annonce pas la fin des recherches dans le domaine. Des agents spéciaux de Scotland Yard essayent de dénicher et d'arrêter le savant fou, avec l'aide du futur beau-fils de l'assistant de ce dernier.

« Notre monde est menacé par une crise dont l'ampleur semble échapper à ceux qui ont le pouvoir de prendre de grandes décisions pour le bien ou pour le mal. La puissance déchaînée de l'homme a tout changé, sauf nos modes de pensées et nous glissons vers une catastrophe sans précédent. Une nouvelle façon de penser est essentielle si l'humanité veut vivre. Détourner cette menace est le problème le plus urgent de notre temps. »

« J’ai fait une grande erreur dans ma vie, quand j’ai signé cette lettre. » 

Ces deux phrases que l’on doit à Albert Einstein –la seconde évoquant la lettre qu’il envoya à Roosevelt et qui déclencha le Projet Manhattan débouchant sur la première arme atomique avec les conséquences que l’on sait- s’inscrivent parmi les nombreuses sorties pacifistes qu’il fit durant l’après-guerre, regrettant amèrement le climat de menace sourde dans lequel ses travaux avaient plongés le monde. Cela résume parfaitement le postulat de cet Ultimatum s’inscrivant encore dans la veine sérieuse des frères Boulting (qui contrairement à d’autres films où ils se répartissent les rôles co réalisent réellement ici) mais annonce déjà la virulence caustique des œuvres à venir des années 50. Imaginons donc si Albert Einstein, plutôt que par la parole pacifiste avait carrément menacé les autorités pour stopper l’usage de l’arme nucléaire. C’est ce qui se déroulera ici lorsque le professeur Willington (Barry Jones) disparait avec une bombe atomique tout en adressant une lettre ultimatum au Premier Ministre où il menace de faire exploser l’engin au centre de Londres si le gouvernement ne renonce pas à ses recherches dans le domaine.

Le traumatisme d’Hiroshima aura fait fleurir nombre de fables alarmistes durant les années 50, particulièrement du côté de la science-fiction mais aussi du mélodrame avec Le Dernier Rivage de Stanley Kramer (1959) avant que Kubrick n’emmène le constat du côté de la farce avec son Docteur Folamour lors de la décennie suivante. Point d’éléments d’anticipation, de velléités spectaculaire ou même de grands message pacifiste dans Ultimatum où les Boulting dresse un état du monde en scrutant celui qu’ils connaissent le mieux, l’Angleterre. Ultimatum est un grand film sur la peur et les différentes formes qu’elle peut emprunter. Il y a d’abord la peur d’un homme dont cet état du monde dont il se considère responsable par ses recherches sombre peu à peu dans la dépression et l’aversion de son travail. 

Barry Jones, mine frêle et regard anxieux exprime à merveille cette anxiété latente d’un Willington perdant pied avec la réalité et sombrant dans la paranoïa. C’est d’ailleurs finalement lui le personnage le plus humain et fouillé dans une œuvre finalement assez froide où chaque protagonistes est restreint à sa fonction (militaire, policier) dans le récit. On adopte ainsi réellement le point de vue d’un homme à l’équilibre vacillant et qui menace le monde, mais paradoxalement c’est peut-être lui le plus clairvoyant même si sa peur le pousse à une solution trop extrême.

A partir de Brighton Rock (1947), les Boulting sauront toujours regarder avec lucidité les travers de leurs pays. Cela était sous-jacent dans Brighton Rock où le héros était un monstre individualiste contredisant toute l’atmosphère d’entraide supposée animer la nation. Plus tard sous couvert d’humour des valeurs tel que l’impérialisme britannique (Carlton-Browne of the F.O. (1959)), l’armée (Private Progress (1956)) et le syndicalisme (I'm alright Jack (1959) seront  fustigées avec une rare virulence. 

En 1950 le pays se reconstruit encore des suites de six années de conflits mondial et cette époque de privations est encore dans toute les esprits. La crainte d’une guerre se prolongeant vainement avait incité les américains à commettre l’irréparable en larguant la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Un acte marquant qui éveilla diverses réactions. La peur d’une arme à la puissance dévastatrice aux mains de quelques illuminés au moindre conflit pour le personnage du professeur Willington. A l’inverse, une solution radicale à toute forme de menace pour une frange moins réfléchie de la population. 

C’est à elle que se confronte Willington lors de sa cavale, notamment lors de cette échange dans un pub où un consommateur aviné regrette de ne pas avoir eu l’arme en 1939 sans quoi l’Allemagne Nazie aurait été rasée aussi sec. Ce climat de suspicion s’exprime également  par des comportements individuels tel que cette logeuse dénonçant Willington à la police non pas parce qu’elle a reconnu le fugitif mais car elle le prend pour un tueur. C’est cette même peur sourde rongeant un soldat qui le fera abattre un Willington désarmé lors du final.

Les échanges d’une population traumatisée et l’imagerie de l’évacuation londonienne lors de la dernière partie renvoient constamment à la douloureuse période du Blitz où la ville était en constant état de siège sous les bombardements allemands. La mise en scène se fait tout à la fois étouffante et ample avec ces vues impressionnantes d’un Londres désert et fantomatique, comme si l’apocalypse était effectivement déjà passé. 

Les Boulting montrent une Angleterre populaire lasse et usée qui n’est plus prête à faire les sacrifices d’alors. La frange sociale plus élevée représentée par le professeur Willington plus consciente de la réalité du monde n’a finalement que ce même recours à la bombe pour éveiller les esprits et éteindre son angoisse. Le passé semble un fardeau rendant le présent intenable et le futur incertain pour toute ces personnes, justifiant les idées et solutions extrêmes. 

C’est un constat fort pessimiste uniquement tempéré par l’insouciance du coquet et truculent personnage d’actrice incarné par Olive Sloane. Cette peur de l’autre et de l’avenir lui semblent étrangers (elle tendra la main à Willington et l’hébergera avant de découvrir ses sinistres projets) et son comportement lors de la scène finale est tout un symbole. Sa silhouette se perd dans le paysage urbain désert tandis que les troupes de l’armée quitte la ville sans un regard. 

Soudain tonne la sirène annonçant la fin du cauchemar. Goldie empoigne alors son chien et fait demi-tour, toute heureuse de pouvoir rentrer « à la maison ». Les Boulting semblent exprimer ce qu’ils attendent du pays à travers elle, oublier les douleurs passées et enfin aller de l’avant. Pas dans l’Angleterre craintive et recroquevillée représentée par tous les autres protagonistes du film, mais celle simple et fière qu’illustre la pétillante Goldie.

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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