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samedi 16 novembre 2013

Au-Delà Du Sang - Guillaume Tauveron (2013)


Un an après le meurtre de sa femme, Shinji reçoit un mystérieux message. On lui donne rendez-vous pour connaître le nom de l’assassin. Hanté par ses souvenirs et le fantôme de sa femme, il va alors s’enfoncer dans l’obscurité de Tokyo où il fait la rencontre d’une jeune fugueuse, Tomoko. Durant cette nuit où leurs chemins croiseront yakuzas et âmes en détresse, leurs vies basculeront à jamais…

Au-delà du sang est le bel aboutissement de l’étonnant projet du jeune réalisateur français Guillaume Tauveron qui décidait en 2011 d’aller tourner le script de son court-métrage au Japon avec une équipe locale (acteurs comme techniciens). Surmontant les obstacles (notamment ceux liés aux catastrophes que connurent le pays et qui retardèrent le tournage) Guillaume Tauveron revint avec un montage de 60 minutes sous le bras si convainquant qu’il parvint à trouver un financement pour filmer des séquences supplémentaires et le transformer en un long plus conforme à sa vision. 

On va relever d’emblée les quelques défauts du film, essentiellement dû aux moyens qu’on devine limités et à sa production de longue haleine. Au-delà du sang souffre donc d’une narration un peu trop abrupte qui enchaîne les péripéties et situations sans suffisamment laisser la place aux moments de respiration dans le récit. Celui-ci fonctionnant en unité de temps et de lieu (un quartier de Tokyo) c’est une option dans l’ensemble plutôt efficace mais l’introduction un néanmoins un peu sèche pour accompagner le mal être de Shinji  (d’autant que l’usage de la voix est très réussi dans l’ensemble) et aller progressivement vers l’histoire. Guillaume Tauveron a certainement dû aller à l’essentiel dans le choix des scènes à tourner et finalement cela entretien plutôt bien le flou et le mystère qui ne se résoudra qu’à la tout fin.

Shinji (Takahiro Ono), veuf brisé depuis l’assassinat de sa femme reçoit des indices du fantôme de celle-ci qui vont le placer sur le chemin de son meurtrier. Tout va se jouer au cours d’une nuit où à travers des rencontres touchantes, émouvantes ou violentes l’énigme du crime sera résolue pour le meilleur et/ou pour le pire. Tauveron instaure un pesant spleen existentiel et urbain où notre héros va croiser d’autres solitudes tout aussi abîmées que lui par la vie. En premier lieu on trouve Motoko (Mari Yoshida) une lycéenne fugueuse qu’il va sauver du viol et qu’il l’accompagnera tout au long de sa sombre odyssée. 

La narration ne révèle les sources du mal-être de ses protagonistes qu’à des moments clés, dans une mise en mise en scène en liaison constante à leur psyché où un regard, un geste servira de révélateur. On pense notamment à la séquence où l’on découvre que Motoko est victime d’inceste chez elle ce qui explique sa fugue et son errance. Ces surgissements du souvenir se font toujours en réaction au réel, l’atmosphère urbaine nocturne oppressante trouvant comme réponse une danse tendre sous une lumière blanche immaculée entre Shinji et sa femme.

Au-delà du sang se présente donc comme un tableau des différents maux du monde moderne et la manière dont il nous affecte. La carrière professionnelle éloignera Shinji de son épouse sans qu’il puisse le réparer, une quarantenaire dépressive (sublime aparté sur son histoire) renonce à fonder un foyer, ce même foyer source de menace pour la jeune Motoko. Pour tous, une même solitude, un même isolement dans l’immensité urbaine impersonnelle relevée par les multiples plans d’ensemble sur la ville, les monologues désabusés ou une envoutante musique de Jérémy Tridera.

Le scénario ambitieux et équilibré de Guillaume Tauveron englobe ses questionnements dans un brillant mélange des genres où le drame côtoie le film noir ou encore le fantastique. Les  défauts relevés plus haut sont d’ailleurs largement atténué par l’interprétation remarquable où l’intensité des acteurs compense ce qui n’a pu être montré, ou trop vite. Takahiro Ono arbore ainsi une allure où s’entrecroise lassitude, tristesse et détermination d’en finir. Mari Yoshida dévoile elle une fragilité et une sensibilité à fleur de peau carrément bouleversante dans les dernière minutes du film. Parmi les autres rencontre de cet étrange nuit on saluera également l’excellente interprétation de la femme suicidaire ou encore un personnage de yakuza qui parvient à échapper au caricatural par quelques touches subtiles.
Mise en scène élégante et immersive et cadrage soigné montre la maîtrise certaine de Tauveron. Sans entraver ni atténuer le cheminement douloureux de ces héros, le film ose même une conclusion plus sereine et positive où la ville menaçante laisse la place à de chaleureux paysages ruraux. Si on n’oublie les épreuves traversées pour en arriver là, on appréciera néanmoins l’épilogue apaisé enfin autorisé à ces êtres qu’on a accompagné et auquel on s’est attaché. Un beau premier essai de Guillaume Tauveron qui transcende les quelques scories par le meilleur atout qui soit, l’émotion. 

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