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mercredi 13 novembre 2013

Minuit à Paris - Midnight in Paris, Woody Allen (2011)


Un jeune couple d’américains dont le mariage est prévu à l’automne se rend pour quelques jours à Paris. La magie de la capitale ne tarde pas à opérer, tout particulièrement sur le jeune homme amoureux de la Ville-lumière et qui aspire à une autre vie que la sienne.

L’échappée européenne de Woody Allen aura permit au réalisateur de magnifiquement se réinventer, mêlant ses thèmes à la culture et l’atmosphère des villes visitées.  La lutte des classes au cœur de la société anglaise imprègnera le Londres de Match Point (2005) et Le Rêve de Cassandre (2007), tout comme la langueur latine et le libertinage estival de Vicky Cristina Barcelona (2008) pour la cité catalane. Lorsqu’il poursuivra le cycle dans la ville des lumières (déjà visitée en 1996 pour Tout le monde dit I love you), Woody Allen revisitera à sa manière l’imagerie romantique associée à Paris.

Woody Allen était tombé sous le charme de Paris lors de sa première visite durant le tournage de Quoi de neuf, Pussycat ? (1965) dont il était interprète et scénariste. Il nourrit depuis un regret de ne pas s’être installé dans la ville à l’époque et être retourné poursuivre son ascension dans sa New York natale. C’est de ce même regret qu’il caractérise son héros et double à l’écran Gil Pender (Owen Wilson) venu dans sa jeunesse à Paris mais qui retourna également aux Etats-Unis pour devenir scénariste hollywoodien. Il y est aujourd’hui de retour en compagnie de sa fiancée Inez (Rachel McAdams) et de ses beaux-parents, les souvenirs et la beauté des lieux  l’hypnotisant tout en réveillant ses angoisses d’aspirant écrivain. 

Owen est le prolongement idéal des personnages rêveurs et anxieux de Woody Allen dont l’insatisfaction s’exprime dans des névroses diverses. L’échappée à ce mal-être peut se faire par l’irrationnel à l’image du héros caméléon de Zelig (1983) ou de l’épouse esseulée de La Rose Pourpre du Caire (1985). C’est donc ce même irrationnel qui viendra trouver un Gil flânant au hasard dans la nuit parisienne. Une rutilante Peugeot des années 20 et une invitation joyeuse de ses passagers qu’il acceptera va faire passer Gil « de l’autre côté ». Cela il ne s’en rendra compte que dans un bar rétro où un couple avenant l’apostrophe amicalement en se présentant  comme Scott et Zelda Fitzgerald. 

Lui si mal à l’aise dans son époque à fait un saut dans le temps pour se trouver dans son époque rêvée, l’Age d’or artistique que constitue pour lui le Paris des années 20. Il va ainsi se confondre et s’identifier à ses idoles de la « Génération Perdue » soit ce groupe d’écrivains américains (Fitzgerald,  Hemingway) venu chercher l’inspiration dans la capitale française durant l’entre-deux guerre. Chaque soir aux douze coups de minuit, Gil ira donc se ressourcer comme par magie dans ce passé rêvé et enchanteur tandis que sa réalité lui semble de plus en plus compliquée. L’esprit libre et insouciant du passé trouve sa terrible réponse dans la superficialité présente de sa fiancée.

Woody Allen alterne des visions du présent avec un Paris à l’imagerie touristique terne dont toute l’aura se trouve réduite à l’érudition ennuyeuse d’orateurs pédants (Michael Sheen tout en condescendance odieuse lors des scènes à Versailles ou au Louvre) et des visions merveilleuses dès que l’on plonge dans les Années Folles. La photo de Darius Khondji s’imprègne alors d’un halo féérique dans les magnifiques scènes d’intérieurs où donne une aura de mystère envoutante aux séquences nocturnes tandis que la mise en scène étriquée d’Allen au présent se fait ample et confère enfin toute leur majesté à ses rues et lieux de fêtes parisiens.

Les rencontres illustres sont idéalisées, fidèles à leur légende tout faisant preuve d’une proximité chaleureuse avec entre autre Picasso, Dali ou Buñuel mais aussi Gertrude Stein (jouée ici par la grande Kathy Bates) qui corrigera même les premiers essais écrits de Gil. La plus belle rencontre sera pourtant celle d’une inconnue avec la séduisante muse Adriana (magnifique Marion Cotillard) dont la sensibilité et le gout du passé se confond avec la sienne. 

Il serait ainsi facile de s’oublier dans ce passé mais tout comme un Alvy Singer (Manhattan (1979) doit se libérer sa peur de s’engager ou un Zelig de retrouver on identité, c’est dans le présent que Gil doit reprendre son destin en main. Tous le film distille les éléments à cet équilibre à retrouver, que ce soit la définition du complexe de l’âge d’or, la rencontre furtive avec une jeune femme de son temps partageant son attrait de la culture d’antan (à savoir l’amour de la musique de Cole Porter) et bien sûr le final nous plongeant plus loin encore à la Belle Epoque. 

Cette frustration et médiocrité du présent apparaît alors comme un phénomène cyclique n’existant que dans le l’esprit des insatisfaits qui le décrètent. A nous de créer notre Age d’Or semble nous dire un Woody Allen dans un état d’esprit remarquable, sa production et sa qualité quasi inchangée depuis tant d’années étant une belle réponse implicite aux grincheux nostalgiques. Owen Wilson, candide à la mélancolie si attachante trouve un de ses plus beaux rôles et la rencontre pluvieuse finale allie merveilleusement beauté passée et présente dans cette traversée du Pont des Arts. 

Sorti en dvd zone 2 français et dans un beau bluray chez TF1 Vidéo

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