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dimanche 22 décembre 2013

Je suis un fugitif - They Made Me A Fugitive, Alberto Cavalcanti (1947)

Clem Morgan, un ancien pilote de la RAF plutôt cynique, lassé de la vie civile, se joint à un gang spécialisé dans le vol avec effraction. Lors de son premier coup, la voiture avec laquelle les bandits devaient prendre la fuite est accidentée et cause la mort d'un policier. On fait porter le chapeau à Morgan qui est pris pour le chauffeur et est envoyé en prison. Dès lors, il cherche à se venger. Il parvient à s'évader et part pour Londres.

Un superbe film noir qui s'inscrit dans la tradition du genre tout en étant typique d'une certaine tonalité d'après-guerre du cinéma anglais. They Made Me A Fugitive est ainsi un "spiv film", variante du film noir traitant d'une criminalité spécifique à l'après-guerre dans un pays vivant encore le rationnement et où les trafics et contrebandes diverses rapportent gros sur des denrées telles que l'alcool, l'essence, les cigarettes ou les bas nylons. Ce contexte introduit une tonalité plus âpres et violent dans laquelle sauront s'engouffrer des films comme Les Forbans de la nuit de Jules Dassin (1950) ou encore Brighton Rock (1947) de John Boulting. A cette tonalité s'ajoute un script (adapté du roman A Convict Has Escaped de Jackson Budd) qui offre une sorte de relecture bien plus sombre des 39 Marches (1935).

L'ouverture donne le ton en laissant découvrir le drôle de trafic mené par ces malfrats, une entreprise de pompe funèbres servant de couverture avec des cercueils en guise de moyens de transports pour des cargaisons diverses. L'entreprise est menée avec une main de fer par le redoutable Narcy (Griffith Jones) et va bientôt s'ajouter à la bande Clem Morgan (Trevor Howard), ancien pilote de la RAF en mal de sensation. Les deux vont s'opposer lorsque le sans scrupule Narcy ajoute la drogue à son business, ce à quoi Morgan ayant gardé quelques principes moraux s'oppose. Narcy va donc le piéger et le faire emprisonner pour un meurtre qu'il n'a pas commis.

Ayant réussi à s'évader, Morgan se met en route pour Londres pour rétablir son innocence. On trouve donc cette alternance entre la vision oppressante des faubourgs londoniens et cette fuite du faux coupable à la Hitchcock. On pense à nouveau aux 39 Marches avec ces péripéties et rencontres improbables sur le chemin du fugitif (la femme semblant vouloir l'aider mais qui a un tout autre objectif) et aussi un sens de l'ellipse surprenant lors des deux évasions de Trevor Howard restant dont on ne voit que le résultat mais pas le déroulement.

Malgré quelques pointes d'humour très noir, l'aspect ludique d'Hitchcock est ici absent pour une ambiance sordide qu'on doit en partie à un Griffith Jones absolument abject, dandy élégant qui violente les femmes avec un plaisir non dissimulé lors de séquences très dérangeantes.

Une âme noire et impitoyable qui s'avérera indomptable jusque son dernier souffle dans une conclusion implacable. L'autre point fort c'est le brio visuel de Cavalcanti qui fait parvient à donner à ce Londres de studio une oppressante aura de menace urbaine avec ces pubs enfumés truffé de trognes patibulaires, ces règlement de comptes dans des hangars désaffectés...

La photo d’Otto Heller fait merveille, donna une patine quasi surnaturelle à certaines séquences comme ce meurtre sur les quais sous une lumière immaculée. Ce tournage en studio permet aussi d'amener une vraie stylisation dans la description de la ville et offrir d’époustouflants morceaux de bravoures tel ce mano à mano final sur un toit affichant l'écriteau RIP.

 Cavalcanti est cependant capable de délaisser cet apparat pour des sursauts de brutalité dont il a le secret quand Trevor Howard s'engouffre en plein guet-apens et pour une longue bagarre filmée dans un style heurté et diablement efficace. Trevor Howard, pas un habitué du film noir impose ici tout son charisme rugueux et s'avère aussi insaisissable et inquiétant que ceux qu'il affronte, le scénario malgré son innocence n'oubliant jamais son vacillement moral initial et la censure anglaise étant satisfaite lors d'une logique mais cruelle conclusion.

Sorti en dvd zone 2 français chez Doriane Films

Extrait

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