Après une séquence pré-générique où
elle tabasse son souteneur abusif, Kelly, une prostituée très « classe »
et sûre d'elle, arrive dans une nouvelle ville pour changer de vie.
Elle y rencontre d'abord le flic Griff qui surveille son territoire,
évite la boîte de « Candy » la mère maquerelle qui recrute volontiers de
la chair fraîche, enfin se fait recruter comme infirmière dans
l'hôpital spécialisé dans les soins à des enfants handicapés. L'hôpital a
été créé par le notable de la ville, Grant. La réussite de Kelly comme
soignante d'enfants est reconnue et on lui fait rencontrer le riche et
esthète Grant.
Samuel Fuller poursuit avec The Naked Kiss sa réflexion sur les bas-fonds entamée dans les classiques que sont Le Port de la drogue (1953) ou Les Bas-fonds new-yorkais (1961). Alors que ces deux films se déroulait dans un pur environnement urbain, The Naked Kiss
se passe lui dans une petite ville américaine dont Fuller exploite
l'imagerie bienveillante pour la confronter à une noirceur saisissante
dans un croisement déroutant de mélodrame, étude de mœurs et pur
thriller. L'envers de ces bourgade américaines faussement apaisées est
un thème classique du mélodrame des 50's que Fuller revisite avec un
mélange de crudité et de stylisation qui lui est propre.
Le film
s'ouvre dans une pure atmosphère de cauchemar où la prostituée Kelly
(Constance Towers) tabasse son souteneur ivre avant de lui prendre
l'argent qu'il lui doit. Outre le chaos et la violence dégagée par cette
incroyable entrée en matière, l'étrangeté et l'onirisme qui traversera
tout le film s'illustre avec cet instant incroyable où Kelly se révèle
être chauve.
Nous la retrouvons deux ans plus tard où elle exerce
toujours sa profession en province et c'est lors de son arrivée dans une
petite ville qu'elle décidera de changer de vie après la rencontre avec
son ultime client, le flic local Griff (Anthony Eisley). Kelly se
reconstruira ainsi progressivement une identité et existence,
s'installant dans une chaleureuse maison d'hôte, embrassant avec passion
le métier d'infirmière dans un hôpital pour enfants handicapés et
attire l'attention du richissime bienfaiteur local Grant (Michael Dante
reprenant un rôle initialement écrit pour Robert Ryan).
Fuller instaure
une atmosphère de rêve éveillé souligné par la photo immaculée de
Stanley Cortez qui donne un tour apaisant au renouveau de Kelly. La mise
en scène de Fuller s'attarde moins sur les courbes provocantes de
Constance Towers que sur son visage compatissant pour ses jeunes
patients, tous les personnages rencontrés sont bienveillants (la
première rencontre chaleureuse avec la logeuse) et les séquences
surréalistes et à la virtuosité cotonneuse sont nombreuse pour appuyer
ce sentiment de bien-être : Kelly racontant une histoire entourée d'une
nuée d'enfants captivés ou encore la scène d'amour où elle s'imagine
voguant dans une gondole à Venise. Loin de la vulgarité crue de la scène
d'ouverture ou de l'étreinte avec Griff, ces scènes d'amours font
preuve d'une sensualité et d'une recherche esthétique tout en sobriété
et poésie.
Loin des couleurs pétaradantes des mélodrames des
50's, cette pâle et fonctionnant comme un songe au ralenti annonce en
fait grandement le Blue Velvet
(1986) de David Lynch. Comme le fera Lynch, Samuel Fuller laisse donc
poindre progressivement l'envers de cette perfection de façade avec
filles-mères, avortement et maison close avoisinant la ville. Le
personnage de Griff, jamais convaincu par la rédemption de Kelly rôde
comme une ombre inquisitrice venant constamment rappeler ce passé
coupable mais désormais notre héroïne assume sa nouvelle vie et est même
prête à empêcher d'autres jeunes femmes à commettre les mêmes erreurs
qu'elle (saisissant et jubilatoire moment où elle règle son compte à une
odieuse mère maquerelle jouée par Virginia Grey). Pourtant lorsque le
mal absolu se révèlera avec le terrible secret de Grant, même elle ne
pourra rien, voyant sa vie dissolue passée la marquer de façon
indélébile et exprimant un jugement moral dont il est impossible de se
défaire.
Fuller s'avère aussi audacieux que subtil pour amorcer un
rebondissement glauque et inattendu au terme duquel la réaction violente
de Kelly ne fait qu'appuyer sa bonté profonde. Même dans ces lieux d'un
possible renouveau, les monstres sont tapis et Fuller l'exprime en
entremêlant la scène la plus belle et la plus insoutenable. On a ainsi
un moment de pure grâce lorsqu'on Kelly entonne une chanson accompagnée
des enfants de l'hôpital, une innocence bafouée lorsque l'horrible
penchant de Grant est révélé alors que l'enregistrement de cette
précédente séquence inonde la bande-son.
Constance Towers (déjà chez
Fuller dans Shock Corridor
l'année précédente) offre une prestation magnifique d'où s'estompe peu à
peu tout l'aura lascive et de stupre pour finalement une figure martyre
et angélique (son visage plongé dans la pénombre derrière les barreaux
de sa prison). La magnifique conclusion exprimera fonde liberté d'esprit de son
héroïne dont silhouette disparait d'un pas déterminé dans le décor,
prête à renaître ailleurs une fois de plus.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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vendredi 28 février 2014
jeudi 27 février 2014
Quai des Brumes - Marcel Carné (1938)
Par une nuit ténébreuse, un déserteur
du nom de Jean arrive au Havre dans l’espoir de quitter la France. En
attendant un bateau, il trouve refuge au bout des quais, dans une
baraque autour de laquelle gravitent plusieurs marginaux. Il y fait la
rencontre de Nelly, une belle et mystérieuse jeune femme dont le regard
le bouleverse. Cette dernière vit dans la terreur de son tuteur, le
misérable Zabel, lui-même racketté par une bande de voyous. Par amour,
Jean se mêle aux affaires de Nelly et met les pieds dans un engrenage
périlleux…
Après la rencontre artistique sur Jenny (1936) et le premier succès avec Drôle de drame (1937), le tandem Carné/Prévert signait un de ses sommets avec Quai des Brumes. Les aléas de la production conduisirent le film à finalement prolonger et définir les canons du "réalisme poétique" déjà posés par des œuvres antérieures comme Pépé le Moko (1937) ou La Belle Équipe (1936) : puissance mélodramatique exacerbée, personnages maudits et poids du destin inéluctable. Désireux de travailler avec Jean Gabin, Marcel Carné adapte là le roman éponyme de Pierre Mac Orlan (paru en 1927) et lui propose le rôle principal dans un projet devant être produit par la UFA avec laquelle Gabin est sous contrat.
Joseph Goebbels hostile à un film mettant en avant un personnage de déserteur, les droits sont revendus en France au producteur Gregor Rabinovitch (producteur juif assez ironiquement d'ailleurs) et change grandement d'orientation. Tout dans les choix d'adaptation de Jacques Prévert confère à donner une pureté, une beauté immaculée tant narrativement que visuellement au récit alors que le roman de Pierre Mac Orlan était bien plus sordide. L'action passe des quartiers de Montmartre aux quais du Havre (initialement quais de Hambourg quand le film devait encore être produit par les allemands), le personnage de Michel Simon aussi ignoble soit-il agit par amour quand ce n'est qu'un assassin cupide sur papier et le passé de Michelle Morgan est plus évasif ici quand il était avéré qu'elle avait sombré dans la prostitution dans le livre. Nous avons donc là des héros typiques du réalisme poétique, des innocents meurtris dont la destinée semble guidée vers une issue funèbre quel que soit leurs efforts pour s'en sortir.
Le Havre, carrefour commercial et lieu de passage est également là un lieu où viennent se perdre les âmes les plus torturées. Pour s'abandonner à ses idées morbides et suicidaire comme le peintre dépressif joué par Robert Le Vigan, se laisser porter par une vie sans but comme la jeune mais déjà désabusée Nelly (Michèle Morgan), s'abandonner à ses mauvais penchants comme l'infâme Zabel (Michel Simon) ou dans l'espoir de tout recommencer avec le déserteur incarné par Jean Gabin. La brume nocturne dans laquelle s'ouvre le film semble ainsi autant dissimuler les secrets et remords des personnages que leurs âmes noires, révéler une vraie bonté désintéressée (le chaleureux patron de bar Panama) ou la lâcheté ordinaire (Pierre Brasseur en gangster de pacotille) et surtout éveiller l'amour entre les deux être perdus que sont Jean et Nelly.
Pour un temps, Jean oublie les idées noires qui l'on poussé à la désertion et Nelly l'environnement sordide qui la rend si détachée de tout et les deux protagonistes deviennent beaux ensemble devant la caméra de Marcel Carné, les arrières de bar, les quais désert au petit matin ou les ruelles sombres deviennent de sublimes lieux d'abandon et de passion magnifié par la photo de Eugen Schüfftan et les décors d' Alexandre Trauner. Le réalisme se manifeste quand les amants font face au quotidien de cet environnement tandis que la dimension factice et onirique peut s'affirmer dès qu'ils sont seuls (avec un exemple frappant dans l'intimité de cette chambre retrouvant tout son aspect trivial quand un domestique vient apporter le petit déjeuner).
Jean Gabin, éteint et renfrogné comme toujours immédiatement attachant par les fêlures qu'il révèle sous les réactions brusques (belle ouverture où il désamorce la bagarre le chauffeur de camion). Michèle Morgan est d'une beauté juvénile et d'une fragilité désarmante, son regard clair semblant comme illuminer la fange ambiante dès qu'il s'anime.
La sophistication esthétique de Carné offre un parfait contrepoint à la simplicité des mots de Carné (les répliques plus recherchées venant en grande partie du livre comme les tirades du peintre dépressif), offrant deux moments parfaits avec le baiser où Gabin lance le fameux "T'as d'beaux yeux, tu sais" et bien sur la bouleversante conclusion voyant le couple cruellement rattrapé par tous ces choix tout au long du film et son impossibilité à se séparer. Ce serait d'ailleurs peut être le seul relatif reproche à ce classique, ce sentiment que tout est joué sans nous donner l'illusion d'y croire (le thème solennel de Maurice Jaubert appuyant ce fait) au contraire de la progression dramatique d'un Pépé le Moko par exemple, écueil que surmontera Carné avec les innovations narrative du Jour se lève (1939).
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
Après la rencontre artistique sur Jenny (1936) et le premier succès avec Drôle de drame (1937), le tandem Carné/Prévert signait un de ses sommets avec Quai des Brumes. Les aléas de la production conduisirent le film à finalement prolonger et définir les canons du "réalisme poétique" déjà posés par des œuvres antérieures comme Pépé le Moko (1937) ou La Belle Équipe (1936) : puissance mélodramatique exacerbée, personnages maudits et poids du destin inéluctable. Désireux de travailler avec Jean Gabin, Marcel Carné adapte là le roman éponyme de Pierre Mac Orlan (paru en 1927) et lui propose le rôle principal dans un projet devant être produit par la UFA avec laquelle Gabin est sous contrat.
Joseph Goebbels hostile à un film mettant en avant un personnage de déserteur, les droits sont revendus en France au producteur Gregor Rabinovitch (producteur juif assez ironiquement d'ailleurs) et change grandement d'orientation. Tout dans les choix d'adaptation de Jacques Prévert confère à donner une pureté, une beauté immaculée tant narrativement que visuellement au récit alors que le roman de Pierre Mac Orlan était bien plus sordide. L'action passe des quartiers de Montmartre aux quais du Havre (initialement quais de Hambourg quand le film devait encore être produit par les allemands), le personnage de Michel Simon aussi ignoble soit-il agit par amour quand ce n'est qu'un assassin cupide sur papier et le passé de Michelle Morgan est plus évasif ici quand il était avéré qu'elle avait sombré dans la prostitution dans le livre. Nous avons donc là des héros typiques du réalisme poétique, des innocents meurtris dont la destinée semble guidée vers une issue funèbre quel que soit leurs efforts pour s'en sortir.
Le Havre, carrefour commercial et lieu de passage est également là un lieu où viennent se perdre les âmes les plus torturées. Pour s'abandonner à ses idées morbides et suicidaire comme le peintre dépressif joué par Robert Le Vigan, se laisser porter par une vie sans but comme la jeune mais déjà désabusée Nelly (Michèle Morgan), s'abandonner à ses mauvais penchants comme l'infâme Zabel (Michel Simon) ou dans l'espoir de tout recommencer avec le déserteur incarné par Jean Gabin. La brume nocturne dans laquelle s'ouvre le film semble ainsi autant dissimuler les secrets et remords des personnages que leurs âmes noires, révéler une vraie bonté désintéressée (le chaleureux patron de bar Panama) ou la lâcheté ordinaire (Pierre Brasseur en gangster de pacotille) et surtout éveiller l'amour entre les deux être perdus que sont Jean et Nelly.
Pour un temps, Jean oublie les idées noires qui l'on poussé à la désertion et Nelly l'environnement sordide qui la rend si détachée de tout et les deux protagonistes deviennent beaux ensemble devant la caméra de Marcel Carné, les arrières de bar, les quais désert au petit matin ou les ruelles sombres deviennent de sublimes lieux d'abandon et de passion magnifié par la photo de Eugen Schüfftan et les décors d' Alexandre Trauner. Le réalisme se manifeste quand les amants font face au quotidien de cet environnement tandis que la dimension factice et onirique peut s'affirmer dès qu'ils sont seuls (avec un exemple frappant dans l'intimité de cette chambre retrouvant tout son aspect trivial quand un domestique vient apporter le petit déjeuner).
Jean Gabin, éteint et renfrogné comme toujours immédiatement attachant par les fêlures qu'il révèle sous les réactions brusques (belle ouverture où il désamorce la bagarre le chauffeur de camion). Michèle Morgan est d'une beauté juvénile et d'une fragilité désarmante, son regard clair semblant comme illuminer la fange ambiante dès qu'il s'anime.
La sophistication esthétique de Carné offre un parfait contrepoint à la simplicité des mots de Carné (les répliques plus recherchées venant en grande partie du livre comme les tirades du peintre dépressif), offrant deux moments parfaits avec le baiser où Gabin lance le fameux "T'as d'beaux yeux, tu sais" et bien sur la bouleversante conclusion voyant le couple cruellement rattrapé par tous ces choix tout au long du film et son impossibilité à se séparer. Ce serait d'ailleurs peut être le seul relatif reproche à ce classique, ce sentiment que tout est joué sans nous donner l'illusion d'y croire (le thème solennel de Maurice Jaubert appuyant ce fait) au contraire de la progression dramatique d'un Pépé le Moko par exemple, écueil que surmontera Carné avec les innovations narrative du Jour se lève (1939).
Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal
mercredi 26 février 2014
Her Private Hell - Norman J. Warren (1967)
Si l'Angleterre et plus particulièrement le Swinging London fut tout au
long des 60's le carrefour de la pop culture, il y a un domaine où la
censure anglaise veillait néanmoins toujours au grain, le sexe. Au
cinéma la libération sexuelle se manifestait donc surtout au spectateur
par les sorties de productions étrangères témoignant plus fournies en
situations équivoque et nudité diverses. Le premier film anglais à jouer
de cette carte de l'exploitation avec argument commercial sexuel sera
donc Her Private Hell que l'on doit à la volonté de Robert Schulman, propriétaire de salle ayant sorti en Angleterre des œuvres "arty" comme Cléo de 5 à 7 (1962) ou L'Année dernière à Marienbad
(1961).
Le film emprunte un postulat commun à de nombreuses œuvres de l'époque célébrant le Swinging London tout en le dénonçant par ce mélange d'esthétique sophistiquée pop et d'atmosphère lugubre. Un an après le Blow Up d'Antonioni (1966), nous replongeons donc ici dans le milieu de la mode londonienne avec l'arrivée de la jeune italienne Marisa (Luciana Modino) émigrée afin de mener une carrière de mannequin. Dès l'arrivée de Marisa au studio où elle est scrutée telle une brebis plongée parmi les loups, on comprend que la frêle italienne ne sera qu'une proie à déchiqueter pour ce milieu. Pour les dirigeants de l'agence (, c'est une marionnette à exploiter à leur guise tandis qu'elle sera un objet sexuel que se dispute les deux photographes rivaux avec le manipulateur Bernie (Terence Skelton) et le jeune et ambitieux Matt (Daniel Ollier).
La scène d'ouverture aura donné le ton avec un long générique s'attardant sur membres nus entrelacés, poitrines dévêtues et fesses rebondies. La grande question sera donc qui couche avec qui avec une naïve Marisa manipulée et passant d'un amant à un autre. Le grand atout est la mise en scène inventive de Norman J. Warren conférant une vraie atmosphère inquiétante à l'hédonisme ambiant notamment l'arrivé de Marisa dans la villa où décors étranges, ombres menaçantes et musique oppressante distille un malaise immédiat et annonce la carrière intéressante à venir du réalisateur dans l'horreur (L'esclave de Satan (1976), Le Zombie venu d'ailleurs (1978), Inseminoid (1981)).
Malheureusement il n'a pas grand-chose à défendre ici et malgré l'attrait visuel l'intrigue creuse semble juste être prétexte à des interludes érotiques plutôt osé pour l'époque mais qui ennuie vite. Les personnages sont trop creux pour que le ton glauque voulu fasse son effet malgré la vraie cruauté de l'ensemble et comme attendu l'épilogue tombe avec roublardise sur ces pattes par son message moral après tous les débordements passé. Un ennui poli et un petit cachet historique pour avoir ouvert la boite de Pandore dans le cinéma anglais.
Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais
Le film emprunte un postulat commun à de nombreuses œuvres de l'époque célébrant le Swinging London tout en le dénonçant par ce mélange d'esthétique sophistiquée pop et d'atmosphère lugubre. Un an après le Blow Up d'Antonioni (1966), nous replongeons donc ici dans le milieu de la mode londonienne avec l'arrivée de la jeune italienne Marisa (Luciana Modino) émigrée afin de mener une carrière de mannequin. Dès l'arrivée de Marisa au studio où elle est scrutée telle une brebis plongée parmi les loups, on comprend que la frêle italienne ne sera qu'une proie à déchiqueter pour ce milieu. Pour les dirigeants de l'agence (, c'est une marionnette à exploiter à leur guise tandis qu'elle sera un objet sexuel que se dispute les deux photographes rivaux avec le manipulateur Bernie (Terence Skelton) et le jeune et ambitieux Matt (Daniel Ollier).
La scène d'ouverture aura donné le ton avec un long générique s'attardant sur membres nus entrelacés, poitrines dévêtues et fesses rebondies. La grande question sera donc qui couche avec qui avec une naïve Marisa manipulée et passant d'un amant à un autre. Le grand atout est la mise en scène inventive de Norman J. Warren conférant une vraie atmosphère inquiétante à l'hédonisme ambiant notamment l'arrivé de Marisa dans la villa où décors étranges, ombres menaçantes et musique oppressante distille un malaise immédiat et annonce la carrière intéressante à venir du réalisateur dans l'horreur (L'esclave de Satan (1976), Le Zombie venu d'ailleurs (1978), Inseminoid (1981)).
Malheureusement il n'a pas grand-chose à défendre ici et malgré l'attrait visuel l'intrigue creuse semble juste être prétexte à des interludes érotiques plutôt osé pour l'époque mais qui ennuie vite. Les personnages sont trop creux pour que le ton glauque voulu fasse son effet malgré la vraie cruauté de l'ensemble et comme attendu l'épilogue tombe avec roublardise sur ces pattes par son message moral après tous les débordements passé. Un ennui poli et un petit cachet historique pour avoir ouvert la boite de Pandore dans le cinéma anglais.
Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais
lundi 24 février 2014
La Vie aquatique - The Life Aquatic with Steve Zissou, Wes Anderson (2004)
En ultime croisade vers sa destinée,
l'océanographe sur le déclin Steve Zissou part à la recherche du
mystérieux requin-jaguar qui a tué son vieux complice. À bord du
Belafonte cohabitent ainsi sa femme, une journaliste anglaise enceinte,
un équipage cosmopolite et un fils prodigue putatif...
La fascination de Wes Anderson pour le Commandant Cousteau était déjà perceptible dans des allusions dans Rushmore (1999) et plus tard dans le look du personnage de Bob Balaban dans Moonrise Kingdom (2012). Le légendaire océanographe avait même éveillé l'imagination d'un Wes Anderson encore étudiant qui lui consacra une nouvelle où il lui créait un double décalé, Steve Zissou. L'univers et les personnages entourant Zissou s'étofferont au fil des années jusqu'à ce qu'à lui consacrer un film à part entière dont il signera le scénario avec son ami Noah Baumbach.
La Vie aquatique est un prolongement idéal de La Famille Tenenbaum (2001) avec cette même illustration d'une famille dysfonctionnelle. Seulement, la chronique douce-amère du classique de 2001 a été remplacée par le film d'aventure décalé et Bill Murray prend le relai de Gene Hackman en chef de famille indigne et incarnant Steve Zissou tandis qu'Owen Wilson retrouve ce rôle de jeune homme en quête de repères et de modèle et Anjelica Huston de nouveau en matriarche blasée (le mimétisme aurait pu être plus grand encore puisque le rôle tenu par Cate Blanchet était initialement destiné à Gwyneth "Margot Tenenbaum" Paltrow). A nouveau c'est l'immaturité du "père" qui est la source du lent délitement de la famille ici lorsqu'on découvre la carrière en fort mauvaise passe de Steve Zissou. Son couple bat de l'aile, ses dernières productions ont fait un flop et il a perdu son meilleur ami lors de sa précédente expédition. C'est décidé tel le Capitaine Achab chassant Moby Dick, Zissou ira traquer le requin-jaguar qui a dévoré son ami, accompagné d'une journaliste anglaise enceinte (Cate Blanchett) et un fils dont il ignorait l'existence (Owen Wilson).
Wes Anderson multiplie les idées ludiques dans la première partie pour présenter l'environnement de Zissou. On retrouve son sens du détail et son fétichisme des objets et gadget divers dans l'illustration de l'arsenal hi-tech du Belafonte (bateau de Zissou nommé ainsi en hommage à Harry Belafonte et faisant le lien avec celui de Cousteau, le Calypso soit la musique que Belafonte contribua à populariser) et de son île privée. Tous ces éléments supposés mettre en valeur Zissou comporte toujours le petit élément décalé et cartoonesque suscitant plus l'amusement que l'admiration. Cela est en parfait accord avec l'égo surdimensionné de Zissou dont les attitudes fières sont contredites constamment par la décrépitude des fameux équipements et surtout par son incompétence manifeste où la réussite semble plutôt due à son équipe de joyeux drilles. Tout cela atteindra bien sûr des proportions hilarantes une fois l'expédition entamée, le souffle de la grande aventure tournant court très vite.
Anderson use de tous les codes des documentaires de Cousteau avec notamment la construction en chapitre consacrée à chaque étape du voyage, à chaque fois dynamité par l'envers du décor qui révèle les failles de Zissou. Capricieux, égocentrique et autoritaire, Zissou s'avère incapable de répondre à l'affection de son fils (le moment où il ne répond pas à sa demande de l'appeler papa), séducteur maladroit et jaloux avec Cate Blanchett (qui force génialement caricaturale son accent anglais) et surtout navigateur incompétent prenant toutes les mauvaises décisions. La mine triste et le regard conscient de ne plus être que l'ombre de lui-même rend pourtant le personnage de Zissou très attachant, Bill Murray affichant une présence lasse qui ne demande qu'à se déchaîner comme lorsqu'il décime une horde de pirate à lui seul (Anderson ne pouvant le mettre en valeur que sous cette forme délirante).
Evidemment les fonds-marins ne pouvaient être vus de manière réaliste par Anderson et si l'arsenal technologique de Zissou lorgne autant vers Cousteau que le Hergé du Trésor de Rackham le Rouge, la faune marine est complètement bariolée et source avant Fantastic Mr Fox (2009) des premières tentatives en stop-motion (séquences signées par Henry Selick) du réalisateur. Là encore l'absurde se dispute à la vraie poésie avec l'apparition finale du fameux requin-jaguar sur fond de Sigur Ros. Sous le délire ambiant, Anderson laisse poindre peu à peu une vraie émotion et tristesse.
Les jalousies et rancœurs retenues dans cette famille finalement comme les autres (la quête d'attention de Willem Dafoe très attachant en Klaus) et la reconstruction dans l'adversité sont magnifiquement capturées par Anderson, avec une sobriété contrebalançant l'extravagance ambiante (You might be on "B" Squad, But you're the "B" Squad leader. Don't you know me and Esteban always thought of you as our baby brother? lancé par Zissou à Klaus) entre autre lorsque la mort surgit de manière inattendue en conclusion. Un tourbillon de sentiments contrasté qu'illustre finalement bien les reprises brésiliennes de Bowie signée Seu Jorge et qui rythment le film d'une torpeur ensoleillée et mélancolique. En dépit de petit défauts (le rythme un peu brinquebalant), un des opus les plus attachant de Wes Anderson.
Sorti en dvd zone 2 français chez Touchstone
La fascination de Wes Anderson pour le Commandant Cousteau était déjà perceptible dans des allusions dans Rushmore (1999) et plus tard dans le look du personnage de Bob Balaban dans Moonrise Kingdom (2012). Le légendaire océanographe avait même éveillé l'imagination d'un Wes Anderson encore étudiant qui lui consacra une nouvelle où il lui créait un double décalé, Steve Zissou. L'univers et les personnages entourant Zissou s'étofferont au fil des années jusqu'à ce qu'à lui consacrer un film à part entière dont il signera le scénario avec son ami Noah Baumbach.
La Vie aquatique est un prolongement idéal de La Famille Tenenbaum (2001) avec cette même illustration d'une famille dysfonctionnelle. Seulement, la chronique douce-amère du classique de 2001 a été remplacée par le film d'aventure décalé et Bill Murray prend le relai de Gene Hackman en chef de famille indigne et incarnant Steve Zissou tandis qu'Owen Wilson retrouve ce rôle de jeune homme en quête de repères et de modèle et Anjelica Huston de nouveau en matriarche blasée (le mimétisme aurait pu être plus grand encore puisque le rôle tenu par Cate Blanchet était initialement destiné à Gwyneth "Margot Tenenbaum" Paltrow). A nouveau c'est l'immaturité du "père" qui est la source du lent délitement de la famille ici lorsqu'on découvre la carrière en fort mauvaise passe de Steve Zissou. Son couple bat de l'aile, ses dernières productions ont fait un flop et il a perdu son meilleur ami lors de sa précédente expédition. C'est décidé tel le Capitaine Achab chassant Moby Dick, Zissou ira traquer le requin-jaguar qui a dévoré son ami, accompagné d'une journaliste anglaise enceinte (Cate Blanchett) et un fils dont il ignorait l'existence (Owen Wilson).
Wes Anderson multiplie les idées ludiques dans la première partie pour présenter l'environnement de Zissou. On retrouve son sens du détail et son fétichisme des objets et gadget divers dans l'illustration de l'arsenal hi-tech du Belafonte (bateau de Zissou nommé ainsi en hommage à Harry Belafonte et faisant le lien avec celui de Cousteau, le Calypso soit la musique que Belafonte contribua à populariser) et de son île privée. Tous ces éléments supposés mettre en valeur Zissou comporte toujours le petit élément décalé et cartoonesque suscitant plus l'amusement que l'admiration. Cela est en parfait accord avec l'égo surdimensionné de Zissou dont les attitudes fières sont contredites constamment par la décrépitude des fameux équipements et surtout par son incompétence manifeste où la réussite semble plutôt due à son équipe de joyeux drilles. Tout cela atteindra bien sûr des proportions hilarantes une fois l'expédition entamée, le souffle de la grande aventure tournant court très vite.
Anderson use de tous les codes des documentaires de Cousteau avec notamment la construction en chapitre consacrée à chaque étape du voyage, à chaque fois dynamité par l'envers du décor qui révèle les failles de Zissou. Capricieux, égocentrique et autoritaire, Zissou s'avère incapable de répondre à l'affection de son fils (le moment où il ne répond pas à sa demande de l'appeler papa), séducteur maladroit et jaloux avec Cate Blanchett (qui force génialement caricaturale son accent anglais) et surtout navigateur incompétent prenant toutes les mauvaises décisions. La mine triste et le regard conscient de ne plus être que l'ombre de lui-même rend pourtant le personnage de Zissou très attachant, Bill Murray affichant une présence lasse qui ne demande qu'à se déchaîner comme lorsqu'il décime une horde de pirate à lui seul (Anderson ne pouvant le mettre en valeur que sous cette forme délirante).
Evidemment les fonds-marins ne pouvaient être vus de manière réaliste par Anderson et si l'arsenal technologique de Zissou lorgne autant vers Cousteau que le Hergé du Trésor de Rackham le Rouge, la faune marine est complètement bariolée et source avant Fantastic Mr Fox (2009) des premières tentatives en stop-motion (séquences signées par Henry Selick) du réalisateur. Là encore l'absurde se dispute à la vraie poésie avec l'apparition finale du fameux requin-jaguar sur fond de Sigur Ros. Sous le délire ambiant, Anderson laisse poindre peu à peu une vraie émotion et tristesse.
Les jalousies et rancœurs retenues dans cette famille finalement comme les autres (la quête d'attention de Willem Dafoe très attachant en Klaus) et la reconstruction dans l'adversité sont magnifiquement capturées par Anderson, avec une sobriété contrebalançant l'extravagance ambiante (You might be on "B" Squad, But you're the "B" Squad leader. Don't you know me and Esteban always thought of you as our baby brother? lancé par Zissou à Klaus) entre autre lorsque la mort surgit de manière inattendue en conclusion. Un tourbillon de sentiments contrasté qu'illustre finalement bien les reprises brésiliennes de Bowie signée Seu Jorge et qui rythment le film d'une torpeur ensoleillée et mélancolique. En dépit de petit défauts (le rythme un peu brinquebalant), un des opus les plus attachant de Wes Anderson.
Sorti en dvd zone 2 français chez Touchstone
dimanche 23 février 2014
L’Espion Noir - The Spy in Black, Michael Powell (1939)
Pendant la Première Guerre mondiale, au large des côtes écossaises, un sous-marin allemand attend les instructions pour détruire la flotte britannique. Le commandant Hardt doit rencontrer Jill, une institutrice à la solde des allemands afin qu'elle lui procure de nouvelles informations.
Pas le plus connu de la filmographie garnie de chef d’œuvre
de Michael Powell et Emeric Pressburger, L’Espion
Noir est pourtant une œuvre fondamentale puisque la première collaboration
du futur duo des Archers. Michael Powell
est à cette époque un jeune réalisateur qui n’a signé que des quotas quickies –
ces courtes productions anglaises en forme de complément de programme au
sorties américaines – mais aura déjà marqué les esprits avec l’évocateur et
envoutant À l'angle du monde (1937) qui témoignait de son gout pour les
grands espaces et la description de communautés isolées. Emeric Pressburger
quant à lui a intégré la communauté d’émigrant hongrois gravitant autour
d’Alexander Korda en Angleterre où il est installé après avoir fui la montée du
nazisme en Allemagne où il fut journaliste et scénariste au sein de la UFA
entre autre. Alexander Korda engage donc ces deux « débutants » sur
la production de L’Espion Noir ou leur entente sera immédiate.
Le film témoigne déjà sous son canevas d’espionnage – adapté
du roman de J. Storer Clouston dont
Marcel Carné aura transposé précédemment son Drôle de drame (1937) – de la vision du monde du duo. Powell et Pressburger auront toujours été
suffisamment fin pour se sortir du piège de la vision binaire, en particulier
durant les années 40 où le cinéma anglais était pris en main par l’état. Le
très agressif 49e Parallèle
(1941) parvenait ainsi à nuancer les personnalités de son commando nazi ne
fonctionnant pas forcément dans un même élan fanatique. On pense aussi à bien
sûr à Colonel Blimp (1943) s’écartant
de l’hagiographie attendue d’un officier britannique attendue pour entre autre
dépeindre une belle amitié en celui-ci et un allemand. L’Espion Noir illustre déjà tout cela et si son cadre historique
(la fin de la Première Guerre Mondiale) semble l’écarter de tout message de
propagande, cela n’était pas une évidence au départ d’autant qu’Alexander Korda
malgré un tournage en 1938 le sortira en 1939 à la veille de la déclaration de guerre entre
l’Allemagne et l’Angleterre.
Dès le départ les points de vue sont brouillés par le script
de Pressburger où les allemands apparaissent sous l’aura maléfique qui sera la
leur dans les films de cette période avec l’enlèvement et le meurtre d’une
institutrice qui sera remplacée par un de leur agent pour s’infiltrer en
Ecosse. D’un autre côté on aura la description chaleureuse de l’équipage
d’un sous-marin allemand dont quelques
scènes scellent la camaraderie ce moment où après des semaines en mer ils se
rendent en vain en quête de bonne chair au restaurant. A l’inverse les anglais
s’avèrent bien moins avenant, que ce soit l’espionne infiltrée jouée par
Valerie Hobson ou l’officier anglais vendant des informations aux allemands. On
retrouve ici la vision anthropologique chère à Powell qui prolonge celle d’À l'angle du monde et annonce celle de A Canterbury Tale (1944) et Je sais
où je vais (1945).
Pourtant l’ambiguïté règne autant par les ressorts de
l’intrigue en elle-même (un anglais gradé et une anglaise avenante dissimulant
une espionne) que par la description que fait Powell de cette communauté. Les
personnalités locales pittoresques sont bien là mais finalement guère
sympathiques, que ce soit ce révérend Matthews moralisateur et lourdement
insistant pour forcer les voyageurs à dîner chez lui moyennant finance ou ce
civil reconverti en policier local au ton froid et autoritaire. Même
visuellement l’ambiance essentiellement nocturne donne une tonalité inquiétante
et étouffante à l’ensemble où seules les vues majestueuses de cette côte
écossaise donnent une certaine respiration au récit. Powell fusionne ainsi
parfaitement son style au genre dans lequel il s’inscrit, tout en y ajoutant une
touche romanesque feutrée.
Valerie Hobson surprend avec une prestation glaciale et
déterminée quand Conrad Veidt semble plus humain et faillible. Les situations
placent Hobson en situation de domination et d’autorité, tout comme les
échanges où elle apparait comme la plus impitoyable notamment lorsque Hardt
(Conrad Veidt) est scandalisé du sort réservé à la vraie institutrice à
laquelle s’est substituée l’espionne. Une situation que l’on sent proche d’être
ébranlée par la tension érotique entre eux et ajoutée par cette promiscuité
forcée (Veidt reluquant la jambe dénudée d’Hobson qu’elle s’empresse de
recouvrir), la gestuelle rigide d’Hobson contredisant la douceur de ses traits
et inversement pour un Veidt au visage buriné mais au vrai esprit romantique.
C’est même un triangle amoureux qui se dessine avec un Sebastian Shaw pas
insensible non plus au charme de Valerie Hobson.
Powell ne caractérise ainsi pas ses personnages selon leur
camp et privilégie l’étude de caractère dans une première partie en quasi
huis-clos. Ainsi lorsque les masques tomberont dans le spectaculaire final
(batailles navales, torpillage entre sous-marins, naufrage impressionnant…) où
le thriller reprend ses droits, nous ne tremblerons par pour l’allemand ou
l’anglais, mais dans pour des êtres plongés dans la tourmente dans une vraie
perspective de drame humain. Tous ce qui aurait pu rendre chacun détestable
facilement (la prise d’otage finale de Conrad Veidt sur un bateau) prend un
tour plus mélodramatique et parfaitement justifier pour le contexte et la trame
où l’on se dispute l’emplacement de la flotte anglaise de sous-marin à
bombarder.
Personne n’est réellement mauvais mais chacun joue son rôle, rôle
que Powell et Pressburger auront pris un plaisir certain à déterminer pour le spectateur
et même une fois ceux-ci révélés ajoutant encore de la grandeur aux
protagonistes. Intelligent, subtil et
anti manichéen au possible, Powell et Pressburger frappent un grand coup avec
cet Espion Noir qui sera un succès en Angleterre et aux Etats-Unis. Ils
récidiveront dans ces œuvres de propagande d’abord en capitalisant sur ce
premier éclat en capitalisant sur le même casting avec Contraband (1940) puis le 49e Parallèle à la
suite duquel le duo artistique sera définitivement scellé par la création de
leur société de productions des Archers.
Sorti en dvd zone 2 français et blu ray chez Elephant Films
vendredi 21 février 2014
Australia - Baz Luhrmann (2008)
En 1939, une
aristocrate britannique, dont le mari vient de mourir, hérite de son ranch en
Australie. Elle demande de l'aide à un drover (« cow-boy » australien) et à ses
employés aborigènes pour résister à l'impitoyable concurrence dans le commerce
du bétail. Ils devront traverser les contrées inhospitalières de l'outback avec
le troupeau et seront témoins du bombardement de Darwin par l'aviation
japonaise.
Avec l’apothéose que constituait Moulin Rouge (2001), Baz Luhrmann avait conclu sa trilogie du
« Rideau Rouge » où ode au monde du spectacle s’entremêlait et
servait la vision d’un romantisme flamboyant. Ce romantisme prenait un tour
naïf et fougueux dans Ballroom Dancing
(1992) et son monde des concours de danse, une transposition pleine de bruit et
de fureur de Romeo et Juliette (1996) et l’aboutissement de Moulin Rouge qui
réunissait le meilleur des précédents pour un des plus beaux mélos des années
2000. Il était donc tant de passer à autre chose pour Luhrmann qui après avoir
échoué à monter sa fresque sur Alexandre Le Grand (avec Léonardo Di Caprio et
Nicole Kidman) car devancé par Oliver Stone sur le sujet, le réalisateur ose
donc la grande fresque romanesque où il nous contera un pan de l’histoire de
son Australie natale.
La plus grande crainte avec ce film était de voir le style
de Luhrmann noyé dans un classicisme malvenu et donner un objet impersonnel. Passé une
belle scène d'ouverture des plus poétique, la première demi-heure hyper chargée
en lieux, situations, personnages et réalisation virevoltante typique de sa
patte (on pense pas mal aux ouvertures hystérique de Moulin Rouge ou Ballroom
Dancing) rassure immédiatement, on n'aura pas droit à un objet académique
sans saveur, même si la deuxième partie du film moins portée sur l'aventure
pure et dure est plus sobre.
Tous les personnages et enjeux sont ainsi posés en
un temps record (avec un point de départ par sans rappeler l’argument d’Il Etait Une Fois Dans L'Ouest) que ce
soit Nicole Kidman excellente en aristocrate anglaise coincée dans cette
contrée sauvage, Hugh Jackman en gros rustre
finalement tout aussi isolé des locaux du fait de sa proximité les noirs et
surtout Brandon Walters épatante révélation en métis attachant et déchiré entre
deux monde.
Offrant un véritable hommage aux aborigènes et à leurs
culture, Luhrmann charge son film d'une spiritualité de tous les instants influençant
sa réalisation (la traversée elliptique et presque rêvée du grand Nulle Part)
ainsi que les péripéties les plus marquantes comme lorsque Nullah stoppe un
troupeau fonçant sur lui par une chanson tandis que Roi Georges vieil aborigène
au savoir ancestral est véritablement l'âme du film.
On a une dénonciation
forte également des méthodes du gouvernement australien avec cette vision de la
« génération volée » qui vit des métis arraché à leurs famille pour
être assimilé et rendu plus acceptable par une éducation religieuse. Le spectre
omniprésent du Magicien D'Oz plane
également sur le film (le ranch de Faraway Downs rappelant évidemment la ferme
du film de Fleming), justifiant les moments les plus volontairement factice
comme lorsque Nicole Kidman vient consoler Nullah après la mort de sa mère et
évoque pour la première fois le conte, ou offrant certaines des plus belles
scènes comme les retrouvailles finales sur fond de "All Over the
rainbow".
Le souffle de la grande aventure se déploie avec des vues
majestueuses de paysages australiens peu vus au cinéma jusque-là, où Luhrmann
(malgré quelques fautes de gouts dont des incrustation assez laides) livre des
moments très impressionnants lors de la traversée avec le troupeau, alternant
brillamment prise réelle et effets numérique, plein air et tournage en studios.
La deuxième partie du film (tous les enjeux du début étant parfaitement bouclé
à mi-parcours) est plus classique dans sa forme mais approfondi bien les
personnages, notamment celui de Jackman dont la distance et le sentiment de
liberté se justifie plus précisément.
Là encore la façon dont l’Australie se
trouva brutalement mêlées à la Deuxième Guerre Mondiale offre son lot de
séquences spectaculaire notamment un bombardement final apocalyptique. Le final
poignant où Nullah assume son destin et héritage offre sans doute la plus belle
illustration au cinéma du rituel du walkabout avec le film éponyme et chef
d’œuvre de Nicolas Roeg. Une réussite pour Luhrmann donc où l’on déplorera
cependant un score assez quelconque alors que la beauté de certaines images et
élans mélodramatique auraient mérité une bande-son plus marquante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Fox