Un groupe de villageois essaye d’empêcher les chemins de fer britanniques de fermer la ligne de Titfield
Tout
en célébrant et magnifiant un certain état d'esprit typiquement
anglais, les films du studio Ealing mêlaient constamment à cette vision
une dimension plus ambigüe vantant l'individu contre l'institution, la
menace plus indicible. Certains des meilleurs films Ealing obéissent
totalement à cet idée, que ce soit Champagne Charlie (1944) et ces chanteurs de music-hall défiant la morale, Whisky à gogo (1949) où la communauté écossaise trafique du whisky au nez et à la barbe de l'autorité anglaise et bien sûr le sombre Went the day well
(1942) où un petit village anglais résistait à l'invasion de l'armée
allemande infiltrée. A chaque fois la solidarité et l'esprit d'entraide
anglais s'opposait à son institution froide, suscitant un propos à la
fois critique et élogieux.
The Titfield Thunderbolt
est le film qui magnifie ce schéma avec une œuvre drôle, sensible et
palpitante. On ne sera pas surpris de retrouver au scénario T. E. B.
Clarke qui avait offert un des plus beaux fleurons du studio dans cette
veine avec Passeport pour Pimlico
(1949) où un quartier de Londres clamait son indépendance et
s'établissait en état. Ici ce sera la petite communauté de Titflield qui
se soulèvera lorsque la British Railways décide de fermer la ligne
ferroviaire liant leur village à Mallingford pour mettre en place un
réseau de bus. C'est à la fois un terrible coup pour l'histoire, la
ligne étant une des plus anciennes d'Angleterre mais aussi pour l'avenir
et le désert rural qu'entraînera cette disparition.
Qu'à cela ne
tienne, certains vont se mobiliser pour éviter ce drame et notamment le
pasteur Weech (George Relph) passionné de locomotive, Squire (John
Gregson) petit-fils d'un des constructeur du chemin de fer local et
Walter Valentine (Stanley Holloway toujours aussi truculent) patron de
la taverne qui va financer l'affaire afin de gérer de manière autonome
la ligne. Cependant entre le gouvernement tatillon qui ne leur laissera
pas passer aucune erreur et les manœuvres des agents de la compagnie de
bus voyant l'aubaine leur échapper, nos héros auront fort à faire pour
réussir leur pari.
Charles Crichton offre d'abord une vision
bucolique et idéalisée de ce village et de sa population, nous attachant
autant aux personnalités hautes en couleurs qu'aux paysages verdoyant
magnifiés par la photo somptueuse de Douglas Slocombe. Cette imagerie
atteint des sommets avec la première séquence majestueuse voyant le
train traverser vallons, petites maisonnées fermières et champs où
s'abreuvent les troupeaux nous marquant d'un éclat indélébile et créant
l'empathie quant à la folie de ces villageois téméraires.
L'entrain des
héros est mis à rude épreuve autant par le sens des responsabilités très
relatives de certains protagonistes (excellent personnage de Dan
profitant des trajets pour chasser et récupérer les animaux braconné la
veille) certains affrontements épiques comme cet un engin agricole
défiant la locomotive sur la voie. Les effets spéciaux sont très réussis
pour l'époque, partagés entre la vraie reconstitution d'une voie (la
production ayant ranimée la ligne abandonnée de Limpley-Stoke à Camerton
et recyclé la locomotive "Lio" remorquée hors champs vu son grand âge)
et des incrustations habiles pour intégrer les acteurs aux scènes les
plus mouvementées.
On aura ainsi une scène de déraillement sacrément
impressionnante et une autre plus délirante où une locomotive volée
traverse ville et forêt dans un joyeux splapstick. Les instants les plus
palpitants restent cependant ceux où la communauté s'unit pour
surmonter les différentes embûches comme cette scène ou passagers et
villageois se mobilisent pour faire repartir le train après que la
réserve d'eau ait été sabotée, le recyclage et rafistolage comme un
symbole de la locomotive du musée et surtout le final réellement
haletant où nos héros sont bien mal en point pour satisfaire
l'inspection. Système D, ruses et artifices divers se déploient pour un
suspense rondement mené par un Charles Crichton très inspirés dans la
gestion des péripéties. Un grand moment de bonne humeur et un des films
les plus attachants du studio Ealing.
Sorti en blu ray et dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais
Petit making of d'époque avec images de tournages rares
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