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mardi 22 avril 2014

Horizons Lointains - Far and Away, Ron Howard (1992)



Afin de venger la mort de son père et l'incendie volontaire de sa ferme en Irlande, Joseph Donelly s'introduit dans la demeure de la famille responsable du drame, les Christie. Sur place, le jeune homme fait la connaissance de la ravissante Shannon qui le persuade de partir vers un monde meilleur, l'Amérique. Mais pour réussir leur rêve américain, ils devront affronter ensemble bien des épreuves.

Le rêve américain et l’odyssée des pionniers en quête d’ailleurs ont connu bien des visions dans le cinéma Hollywoodien, de l’épopée industrielle d’un King Vidor avec son An American Romance (1944) en passant par l’édification dans le sang et les larmes de Gangs of New York (2002) de Martin Scorsese ou plus récemment la grâce naissant de la fange avec The Immigrant (2013) de James Gray. Far and Away emprunte un peu à toutes tentatives mais en les plaçant sous un jour lumineux et romanesque à souhait. Si Eyes Wide Shut (1999) et son atmosphère sinistre signalait avant l’heure la rupture entre Tom Cruise et Nicole Kidman, tout dans le traitement optimiste de Ron Howard illustre l’épanouissement du couple naissant (marié en 1990) et leur alchimie contribue grandement à l’élan du film.

Pour tous ces migrants, l’Amérique représentait une terre de liberté. La réussite du scénario est d’élargir le champ de cette liberté. La superbe introduction en Irlande place ainsi nos personnages dans deux prisons bien différentes mais leur signifiant un avenir tout tracé et peu enchanteur. Pour Joseph Donnelly (Tom Cruise) fils de fermier vivant dans la misère et subissant le joug des riches propriétaires, posséder son propre lopin de terre n’est qu’un doux rêve. Son père tué et sa ferme brûlée au détour d’une collecte qu’il ne peut satisfaire, Joseph semble suivre malgré lui le destin maudit de ses ancêtres en allant réclamer la vengeance pour laquelle tous lui montent la tête en direction de Christie (Robert Prosky) responsable indirect du drame et propriétaire de ses terres. 

L’inexpérience du jeune homme en matière d’armes et d’assassinats le démasque assez vite mais ce sera l’occasion de faire la rencontre de la belle Shannon (Nicole Kidman), fille de Christie. Jeune femme d’un tempérament fougueux, cette existence aristocratique et guindée lui est insupportable et elle aussi rêve d’un ailleurs loin de ces carcans. Cet ailleurs c’est l’Amérique, contrées éloignée dont n’aurait même pas rêvé Joseph mais Shannon le convaincra de l’accompagner dans sa fugue avec la promesse d’une terre bien à lui s’il parvient à la gagner lors de la grande course de l’Etat d’Oklahoma. C’est parti pour une grande aventure qui les mènera du Boston irlandais aux terres les plus sauvages du Nouveau Monde.

Si Ron Howard n’ose pas frontalement montrer l’envers du décor sordide de ce rêve (on est loin des cadavres exposés en pleine rue de Gangs of New York par exemple) mais préfère au contraire le prolonger en le pervertissant progressivement à travers la personnalité naïve de ses héros. L’arrivée dans un Boston grouillant d’Irlandais durs à cuire est un choc pour Shannon quand Joseph se trouvera dans son élément pour inverser leur rapport maître/serviteur. Shannon sans se départir de son caractère volcanique apprend les rudesses du travail manuel alors que Joseph reconverti champion de boxe goutte aux plaisirs de l’argent facile et la célébrité. Shannon connaît bien la nature factice de ce prestige et son équilibre vacillant (les retours en Irlande sur les rébellions paysannes en attestent) mais Joseph aveuglé en fera brutalement l’expérience. L’Amérique terre de tous les possibles peut tout vous donner puis vous le reprendre dans l’instant si l’on ne sait pas saisir le rêve qu’il faut et après la première partie euphorisante Howard montre l’envers plus choquant de la ghettoïsation et de la misère. 

Tout cela reste très édulcoré comparé aux autres productions évoquées sur ce thème mais en se reposant sur l’empathie envers les personnages, Howard touche au cœur. Tom Cruise et Nicole Kidman (encore dans sa période frisette) font montre d'une belle complicité, autant dans la comédie romantique enlevée que par la tension sexuelle entre eux, lui dans le registre du jeune idéaliste fougueux et elle en bourgeoise hautaine, personnages archétypaux mais qui ont une évolution vraiment intéressante. Le plus beau moment du film est d’ailleurs celui où ils sont enfin placés sur un pied d’égalité dans le dénuement, réfugiés dans une maison vide par un hiver glacial et que, sans inhibitions, ils s’avouent leurs sentiments. Le charme fonctionne à un point tel que même quelques idées maladroites passent sans difficultés comme les parents de Shannon venu aussi tout recommencer en Amérique, grâce à la bonhomie de Robert Prosky et la maladresse de Barbara Babcock (habitués aux rigueurs de l’Ouest dans des westerns plus anciens comme Le Jour des Apaches (1968) et qui deviendrait une des héroïnes de la série Docteur Quinn).

Horizons Lointains fut un des derniers films (avec le Hamlet de Kenneth Branagh) tourné dans le monumental format 70 mm qui n’avait plus été utilisé depuis David Lean et La Fille de Ryan (1970). Ron Howard l’exploite à merveille en offrant des vues majestueuses des côtes irlandaises verdoyantes en début de film, exploite la richesse et le détail des faubourgs de Boston et bien sûr donne une ampleur fabuleuse à la grande course finale. On sent définitivement dans ce moment épique les moyens colossaux déployés (pas de doublure numérique nous sommes en 1992), le spectaculaire ne sacrifiant jamais à l’émotion où cette terre tant désirée n’a plus d’importance si elle ne peut être partagée avec l’autre. Un beau film d’aventures qui reçut pourtant une réception mitigé à sa sortie (dont un accueil cannois tiède où il faisait l’ouverture) mais dont l’élan romanesque est toujours du plus bel effet notamment grâce au beau score de John Williams. 

Sorti en dvd zone 2 chez Sony et récemment en blu ray sous titré anglais



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