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mercredi 28 mai 2014

Le Carrefour de la mort - Kiss of Death, Henry Hathaway (1947)


Sans le sou, Nick Bianco décide de cambrioler une bijouterie pour offrir un Noël décent à sa famille. Arrêté par la police, il se voir proposer par l'assistant du District Attorney Louie D'Angelo une réduction de peine s'il dénonce ses acolytes. Nick refuse, pensant que ses amis aideront sa famille à survivre. Apprenant trois ans plus tard que sa femme s'est suicidée et que ses deux filles ont été placées dans un orphelinat, il se met à table, et recouvre sa liberté. Alors qu'il tente de reconstruire sa vie loin du milieu du crime, Nick apprend que le psychotique Tommy Udo, qu'il a pourtant dénoncé, est en liberté, sur ses traces...

Kiss of Death s'inscrit dans la veine des polars réalistes produit au sein de la Fox et qui se démarquaient par un tournage délaissant les studios pour des cadres urbains réels renforçant l'immersion. Henry Hathaway en fut le chantre et signa de nombreuse réussites dans le genre dont notamment l'excellent Appelez nord 777 (1948). Le Carrefour de la mort est tout aussi brillant même si l'aspect urbain s'avère plus sous-jacent que dans d'autres polar de la Fox, Henry Hathaway inscrivant cette tonalité réaliste dans un dessein plus global que le seul environnement. Ici il est plutôt question de la fatalité liée à l'appartenance, à l'évolution dans un cadre misérable destinant au monde du crime et la possibilité d'échapper à ce destin.

C'est problématique qui hantera tout le film notre héros Nick Bianco (Victor Mature), la voix-off présente dans la première partie du film appuyant cette idée de fatalité. Nick est un fils de malfrat dont le père fut tué sous ses yeux enfant et il aura tout naturellement embrassé la voie du crime une fois adulte. Marqué de ce passif, les employeurs se refusent à lui donner sa chance et le ramène vers l'illégalité, seul moyen de nourrir sa famille. C'est dans cet état d'esprit que nous le retrouvons dans la scène d'ouverture où il est arrêté suite à un cambriolage de bijouterie qui tourne mal. Engoncé dans le code d'honneur de la rue, Nick va repousser l'offre du procureur Louie D'Angelo (Brian Donlevy) lui promettant la clémence s'il dénonce ses complices. Nick reste inflexible pensant que ses acolytes prendront en charge sa famille mais il n'en sera rien, la misère poussant sa femme au suicide et ses deux fillettes étant placées à l'orphelinat.

Le scénario très moral de Ben Hecht et Philip Dunne montre ainsi le cheminement de Nick dépassant son éducation et environnement pour assumer ses responsabilités. Victor Mature dans ce type de personnage au bon fait mais dépassé est formidable d'authenticité (magnifique scène de retrouvailles avec ses deux petites filles), un roc qui dissimule une grande vulnérabilité. Face à lui par contre une véritable ordure irrécupérable avec le terrifiant Tommy Udo (Richard Widmark), psychopathe en puissance et chargé des basses œuvres quand il s'agit de réduire les balances au silence définitif.

Hathaway nous place dans une communauté italo-américaine populaire où le meilleur (la sollicitude de Nettie (Coleen Gray) envers Nick en prison, le procureur joué par Brian Donlevy en appelant à la famille pour remettre notre héros sur la bonne voie) côtoie le pire en la personne de Tommy Udo, où l'on passe d'une ruelle paisible aux bouges les plus mal famés voyant se dérouler le pire dans leurs arrières salles. Le stoïcisme et la détermination paisible de Victor Mature va ainsi s'opposer à la pure démence de Richard Widmark qui crève l'écran pour son premier rôle au cinéma. Visage en lame de couteau gorgé de tics nerveux, regard dément et rire glaçant caractérisent ce Tommy Udo imprévisible et sadique.

Il suffira d'une scène terrifiante où il balance une femme en fauteuil roulant dans un escalier pour situer son degré de folie et dès lors Hathaway n'a nul besoin de donner dans la surenchère pour rendre angoissante la simple promesse d'une réapparition de ce monstre. Nick ayant été démasqué, la vengeance de Tommy semble inévitable et sa silhouette comme son rire se profilant comme une terrible menace pour notre héros ayant refait sa vie. Cela constituera la dernière étape du film, très américaine dans l'idée ou plutôt que la voie du crime (sans issue) ou celle de la loi (boiteuse puisque libérant son pire ennemi) Nick devra faire face à ses actes et son passé dans une dimension héroïque et sacrificielle qui permettra enfin une réelle renaissance et la paix pour lui et ses proches. Il ne sera plus marqué.

Le face à face final, faussement amené comme un règlement de compte désamorce complètement cela et signe la définitive rédemption de Nick par un astucieux et symbolique rebondissement, réécrit d'ailleurs par Philip Dunne quand le scénario initial voyait Nick se cacher plutôt qu'aller au-devant de la menace. Un des meilleurs films d'Henry Hathaway qui connaîtra deux remakes : The Friend Who Walked the West (1958) de Gordon Douglas transposant l'intrigue en western et le plus récent Kiss of Death (1995) de Barbet Schroeder où Nicolas Cage offre une mémorable relecture du personnage de Richard Widmark.

Sorti en dvd zone 2 français chez Catlotta

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