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mardi 5 août 2014

Assaut - Assault on Precinct 13, John Carpenter (1976)


Pour sa première mission le lieutenant Bishop est chargé de surveiller un commissariat en voie de désaffectation à Anderson, les nouveaux locaux étant déplacés de quelques centaines de mètres. Non loin de là, un car transporte trois condamnés à mort, dont l’ennemi public numéro 1, Napoléon Wilson. Bientôt l’autobus pénitentiaire est contraint de s’arrêter à Anderson pour soigner un passager. Pendant ce temps, un père de famille Lawson, qui vient de venger l’assassinat de sa petite fille, trouve lui aussi refuge dans le commissariat, sous l’assaut d’un gang.

Dark Star (1974), premier essai semi-amateur, potache et plus œuvre collective que personnelle n’avait pas permis à John Carpenter de lancer réellement sa carrière de réalisateur. Il parvient néanmoins à convaincre la CKK Corporation, groupe d’investissement de Chicago de financer son vrai premier film professionnel. Ses rêves de western fondent malheureusement devant la maigre enveloppe de 100 000 dollars qui lui est accordé. Faute de signer un vrai western (rêve caressé mais finalement jamais accompli), Carpenter va en signer un masqué – comme de nombreuses fois durant sa carrière – en revisitant Rio Bravo (1959) dont il reprend le postulat dans un cadre contemporain et urbain. Ce sera Assaut avec son scénario reprenant l’idée du classique de Hawks pour un huis-clos où des personnages d’horizons différents vont devoir unir leur force en état de siège face à une menace extérieure.

Un commissariat désaffecté et en voie de transfert va ainsi se trouver assailli par un gang tandis qu’à l’intérieur, le lieutenant Bishop (Austin Stoker) va ainsi devoir faire confiance au criminel Napoléon Wilson (Darwin Johnston) pour repousser la menace. Avant d’en arriver là, Carpenter pose une atmosphère de sourde menace urbaine dans une longue introduction où toute sa maître s’impose déjà. Les membres du gang arpentent ainsi longuement un centre-ville désertique en quête d’une victime pour leurs représailles, le scope capturant leur errance avec ce même regard omniscient et incertain qui sera celui de Michael Myers dans a première partie d’Halloween

Carpenter illustre alors là pour la première fois sa vision du Mal, entité indistincte et omnisciente pouvant frapper à tout moment. Pour lui ce Mal n’a pas de visage et constitue une sorte de force brute, surnaturelle et indestructible dont on ne peut réchapper. On pense évidemment au masque sans émotion du tueur d’Halloween (1978), à la créature protéiforme de The Thing (1982) ou encore l’entité innommable de Prince des ténèbres (1987). 

Tout cela est déjà dans Assaut où Carpenter fait du gang une pure abstraction symbolisant ce mal. Tant qu’il fait encore jour, il leur donne certes des visages mais non seulement ils demeurent mutique et n’existe que par leurs actions néfastes mais surtout ils sont multiethniques ce qui est une pure aberration dans la réalité d la criminalité à LA (et un moyen pour Carpenter d’éviter les accusations de racisme s’il avait choisi une race précise ses méchants) et renforçant ainsi leur irréalité. La nuit venue ils sont réduits à l’état de silhouettes se fondant dans l’obscurité, avançant dans un mouvement unique tel des spectres rampant et sur lesquels les armes n’ont pas prise, chaque cadavre étant récupéré pour donner l’illusion de calme dans le quartier. D’ailleurs en plus de Rio Bravo une des grandes influences semble aussi être le western Quand les tambours s’arrêteront d’Hugo Fregonese dont le traitement préfigure grandement Assaut.

Si le Mal forme un bloc homogène et sans identité, le Bien se distingue par ses personnalités marqués. Le plus emblématique est bien évidemment Napoléon Wilson, détenu en transfert dont les aptitudes vont s’avérer précieuse. Carpenter en fait un sociopathe et extension exacerbée de sa propre personnalité annonçant le Snake Plissken de New York 1997 (1981). Tout comme lui sa réputation le précède, c’est un être taiseux et charismatique qui s’affirme dans l’action. 

Carpenter en fait cependant un être plus jovial et avenant que Snake avec cet humour à froid et les gimmick que constituent ses répliques (Got a smoke?), le rendant indéchiffrable pour son interlocuteur. Chacun des héros survit d’ailleurs en en affirmant son caractère (notamment Bishop assumant endossant la quasi aura de shérif et qui refusera de livrer la proie recherchée par le gang en symbole de la loi qu'il est) quand les moins attachant (cet agent d’accueil toisant Bishop d’un mépris que l’on suppose raciste à son arrivée) et courageux (la standardiste jouée par Nancy Kyes) disparaissent rapidement. 

L’économie de moyen de Carpenter sert à merveille leur interactions, que ce soit le respect voire l’amitié naissante des compagnons d’armes que sont Bishop et Wilson, mais aussi la romance sous-jacente entre Wilson et Leigh (Laurie Zimmer) tout en regard et dialogues à double sens. Le réalisateur réalise un pont idéal entre le pessimisme et la noirceur chère à ces 70’s désabusées (la cruelle mort de la fillette posant le danger de manière glaçante) et un classicisme assumé et célébrant l’American hero dans une incarnation revue et corrigée, un noir et un criminel (humanisé par ses actes et pas d’explication ou de psychologie vaseuse sur la nature de son crime) tenant le haut du pavé des John Wayne d’antan. Premier film et déjà un classique pour Carpenter qui passera inaperçu à sa sortie US mais rencontre un triomphe critique en Europe, synonyme du malentendu ayant cours tout au long de la carrière du réalisateur. 

 Sorti en dvd et blu ray chez Metropolitan

2 commentaires:

  1. Carpenter reprendra le plan du tueur en train de viser à l'identique dans le prologue de "The Thing" (bon article que le vôtre), analysé ici :
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/08/la-poursuite-impitoyable-le-debut-de.html

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  2. Superbe décryptage de l'ouverture de mon Carpenter favori !

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