Se déroulant entre
1962 et 1974, Graffiti Party s’attache à suivre l’évolution de Matt Johnson,
Jack Barlow et Leroy Smith. Divisé en quatre parties correspondant chacune à
une saison, Graffiti Party dépeint d’abord les personnages au sortir de
l’adolescence, puis évoque l’entrée et l’installation dans l’âge adulte de ces
trois Californiens, amis d’enfance et passionnés de surf.
Chacun se souvient de la mythique scène d’Apocalypse Now (1979) où le Sergent
Kilgore (Robert Duvall) restait debout et stoïque sous les bombes, enjoignant
un trouffion et surfeur émérite à empoigner sa planche et affronter les vagues
alors que le chaos régnait. Ce moment déjanté était tout droit issu de l’imagination
de John Milius, scénariste du classique de Coppola et passionné de surf. Il y
aura même consacré un film entier avec ce magnifique Big Wednesday qui est sans doute une de ses plus grandes réussites.
En 1973, George Lucas définissait le contour moderne du teen movie avec American Graffiti, grand film
nostalgique capturant un court moment de la vie d’adolescent en 1962 sur fond
de drague, course de voiture et rock’n’roll. Le générique de fin nous ramenait
brutalement sur terre avec un texte racontant ce qu’était devenu les personnages
dont certains mort au Vietnam.
Grand ami de Lucas (pour lequel le scénario d’Apocalypse Now était initialement écrit
au début des 70’s Coppola devant seulement le produire à l’origine), John
Milius prolonge ces questionnements dans Big
Wednesday où la thématique du surf sert de révélateur quant à la perte d’innocence
de l’Amérique, d’un certain âge d’or et paradis perdu. L’intrigue se déroule entre 1962 et 1974, soit douze années truffées de
drame et bouleversements divers (crise des missiles à Cuba, assassinant de
Kennedy, Guerre du Vietnam et Watergate) qui signe la fin de cet âge d’or. A
travers le récit de l’amitié et l’évolution de trois amis surfeurs, Milius nous
offre donc une véritable odyssée initiatique où il nous raconte la transformation
du pays.
Le film est divisé en quatre parties où chaque année
correspondra à une saison qui donnera le ton du récit, de plus en plus
désenchanté. L’été, ce sera pour 1962 et un tableau magnifié de cette Amérique
idéalisée. Nous découvrons les inséparables Matt Johnson (Jan-Michael Vincent
dont on regrettera les dérives futures tant son charisme et sa vulnérabilité
auraient dus faire de lui une star), Jack Barlow (William Katt) et Leroy Smith
(Gary Busey), beaux et insouciant entièrement dévoués à leur passion du surf
pour laquelle ils font office de dieux vivants pour les matinaux de la plage.
Tous leurs défauts s’estompent dès lors qu’ils montent sur leurs planches pour
affronter la prochaine vague, à l’image d’un Matt Johnson fin saoul et
pathétique qui retrouve toute sa prestance lorsqu’il plongera à l’eau dans la
scène d’ouverture. Milius baigne cet épisode d’une imagerie solaire et hédoniste, sans
crainte du lendemain. Les filles sont belles et avenantes, les tubes pop du
brill building baignent la bande-son et rien ne semble pouvoir gâcher ce
bonheur où même les bagarres tournent à la vaste rigolade où nos hommes peuvent
laisser éclater leur virilité, les liens se nouant dans ces moments machistes
typique de Milius. L’expédition au Mexique qui conclut cette partie et donne un
tour nettement plus brutal et inquiétant à cette camaraderie annonce pourtant
la gueule de bois à venir.
L’automne 1965 ramènent ainsi nos personnages à la réalité,
que ce soit par leur déchéance personnelle (Matt sombrant dans l’alcoolisme
autodestructeur) et dans l’histoire du pays avec l’appel des drapeaux pour le
Vietnam. Là encore on reconnaît la patte de Milius pour qui la rupture comme
les réconciliations se font par de franches manifestations viriles, où les
actes et les regards parlent plus que les mots. Jack dépité par l’état
lamentable de Matt le chassera ainsi de la plage d’un coup de poing bien senti
et c’est autour d’une gorgée de whisky lors du mariage du mentor Bear (Sam
Neville) qu’ils renoueront. Ce pouvoir de l’amitié semble encore vivace et
malgré l’enjeu dramatique la séquence de circonscription pour le Vietnam est un
grand moment comique où nos héros feindront toutes les tares mentales et
physiques pour être réformés.
Certains partiront pourtant bien et ne reviendront
pas. L’hiver 1968 symbolise ainsi ce monde désormais changé par les absents, s’ouvrant
sur l’enterrement de Waxer (Darrell Fetty) l’un des camarades les plus
déjantés. Matt, distant et muet face aux parents mortifiés et à la parade
militaire ne laissera éclater sa douleur qu’une fois réunis avec ces compagnons
dans un pèlerinage alcoolisé au cimetière pour un éloge poignant et maladroit
du disparu. Des retrouvailles qui interviendront d’ailleurs forcément sur la
plage, Jack se débarrassant de son uniforme pour sauter sur sa planche. Cette
mer, ces vagues et les amis qui nous y attendent semblent être le dernier lien
avec le réel de nos vétérans déraciné, William retrouvant son ancienne fiancée
mariée.
Les inéluctables aléas de la vie semblent pourtant condamner
les trois amis à s’éloigner, jusqu’à ce printemps 1974. Tout au long du film
plane la promesse d’une vague à la hauteur légendaire attendue avec anxiété par
nos surfeurs et qui interviendra ce « Big Wednesday » 74 où fut
enregistrée la plus grande vague (plus de six mètres de haut) en Californie. Milius
aura fait planer un parfum d désenchantement où ceux pour qui cela importe sont
désormais seuls et oubliés, que ce soit Matt qui a perdu de vu ses amis ou leur
guide Bear qui a tout perdu.
Pourtant l’évènement exceptionnel va réunir le trio
une dernière fois, les faisant avancer tel des gladiateurs, aussi déterminé et
charismatiques qu’au temps de leur splendeur vers cette vague de tous les
défis. Le score flamboyant de Basil Poleduris prend des allures de péplums pour
dépeindre la longue et spectaculaire séquence où les héros affrontent la vague.
La plage figure une arène antique (les ruines de l’entrée annexe accentuant cet
aspect) théâtre de leurs exploits où ils susciteront l’admiration de tous et où
ils pourront se sentir jeunes à nouveau.
Les scènes de surf sont réellement
stupéfiantes avec certains angles inouïs (les vues depuis l’intérieur de la
vague) et superbement filmée, Milius offrant même un caméo à son ami et fameux
surfeur Gerry Lopez (Milius le fera jouer plus tard dans Conan le barbare (1982) et L’Adieu au roi (1989)). Ultime réunion signifiant définitivement la fin du rêve (1974
et son Watergate) ou promesse de retrouvailles en ces mêmes eaux ? Milius
laisse la réponse en suspens avec une poignante séparation et une somptueuse
dernière image de coucher de soleil signant le crépuscule d’une époque. Une œuvre
admirable, meilleur film de son auteur avec Conan le barbare.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
J'ai préféré Conan !
RépondreSupprimerTrès chouette article sur un film qui mérite d'être redécouvert !
RépondreSupprimerFilm formidable que j'attendais de voir depuis un moment et que je connaissais via l'incroyable musique de poledouris. Et c'est vrai que Vincent eu mérité une autre carrière mais contrairement à son personnage il n'aura jamais chassé ses démons.
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