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samedi 11 octobre 2014

Esther et le Roi - Esther and the King, Raoul Walsh (1960)


Assuérus, Roi des Mèdes et des Perses, est un homme glorieux et respecté, depuis qu'il a remporté une victoire sur les Juifs. Il laisse son bras droit, le cruel Haman gérer les affaires courantes. Celui-ci, abusant de son autorité, mène une politique impitoyable à l'égard des Juifs. Il aimerait amener le Roi à massacrer tous les juifs. Mais la jeune Esther va changer le cours de l'Histoire.

En près de 50 ans de carrière, Raoul Walsh aura su traverser tous les genres, tendances et mouvement hollywoodien et en ce début des 60's c'est tout naturellement que nous le retrouvons dans ce péplum coproduit par la Fox et la Titanus et tourné en Italie. Le film tend vers le versant biblique du genre avec cette adaptation d'un épisode de l'Ancien Testament issu du Livre d'Esther. Esther fut une jeune femme issue de la diaspora juive installée en Perse et qui s'attira les faveurs du roi Assuérus (connu aussi en tant que Xerxès) qui en fit sa reine.

Fort de ce statut, elle sut adoucir le cœur du roi et la politique de répression envers les juifs toujours considéré comme étrangers en raison de leur culte d'un dieu monothéiste. Le scénario très fidèle donne un tour romanesque captivant à l'ensemble qui tutoie le meilleurs de grands péplums intimiste comme David et Bethsabée (1951) d'Henry King. Le film s'ouvre sur le retour triomphal d'Assuérus (Richard Egan), vainqueur de multiples campagnes de guerre et véritable maître du monde uniquement menacé par l'ascension d'Alexandre. Sous cette toute puissance apparente, c'est un homme seul parti fuir justement le vide son existence sur les champs de bataille.

 On découvrira ainsi que son épouse la Reine Vashti (Daniela Rocca gironde et provocatrice) le trompe allégrement dans les bras de son ambitieux premier ministre Haman (Sergio Fantoni) qui aura tissé sa toile en son absence pour lui voler le trône. Ainsi désespéré il délaisse le pouvoir et passe pour un tyran aux yeux du peuple écrasé par les taxes et parmi eux la jeune Esther (Joan Collins).

L'approche romantique sert avant tout à humaniser les personnages, donner un tour dramatique à leurs actes les plus répréhensible ou à leur idéologie religieuse stricte. Ainsi Assuérus reniera et bannira sa femme après une provocation de trop avec une danse torride devant la cour alors que dans la Bible c'est à l'inverse le refus d'effectuer cette danse qui provoquera la colère du roi. De même il semble se soumettre avec détachement à la loi lorsque toutes les jeunes vierges du pays seront enlevées pour lui trouver une nouvelle compagne.

Parmi les malheureuses, on trouvera donc la jeune juive Esther et là aussi le personnage est caractérisé tout d'abord comme une passionaria religieuse préoccupée par le salut des juifs et son rapprochement avec le roi comme un sacrifice pour son peuple. Peu à peu l'égoïsme d'Assuérus révèlera le mal-être du personnage et les sentiments naissants d'Esther la sortiront de la pure doctrine qui semblait guider le personnage.

Richard Egan est excellent, sa stature imposante contredisant constamment la mélancolie de son visage le guerrier et l'homme ne parvenant jamais à cohabiter chez le souverain. Joan Collins surprend quant à elle par la pureté et l'innocence qu'elle dégage (surtout quand on pense à son rôle de séductrice vénéneuse dans son autre fameux péplum La Terre des pharaons (1954) d'Howard Hawks) ses grands yeux étant la compassion même sous la caméra de Walsh.

Visuellement le film est assez schizophrène. L'intrigue se partage entre morceaux de bravoures spectaculaires où les moyens déployés impressionnent, (tant par les figurants à perte de vue que les décors titanesques) avec un ton plus intimiste se partageant entre intrigues de palais et romance feutrée. Tous les intérieurs portent la marque du directeur photo Mario Bava avec les teintes de couleurs bariolées donnant une atmosphère inquiétante et presque surnaturelles au palais et qui annoncent son Hercule contre les vampires.

L'érotisme ambiant très prononcé, la violence bien plus outrées (le sort final du méchant sec et brutal) et les écarts sanglants rapprochent plus l'ensemble du péplum italien mais avec les moyens hollywoodiens colossaux de la Fox. Cela a cours surtout dans la première partie où Assuérus erre comme une âme en peine au sein de sa cours, l'arrivée d'Esther et l'aura lumineuse de Joan Collins amenant un visuel moins baroque et plus dans l'idée de ce que l'on attend d'une production hollywoodienne.

Choix de Raoul Walsh ou vrai co réalisation (d'autant que sur certaines sources c'est crédité comme tel) en tout cas on ne retrouve le style ample et vigoureux de Walsh que dans les grandes scènes de bataille dont un final mémorable et à la montée en puissance implacable où les juifs sauront (le mimétisme avec l'holocauste et les persécutions ancestrales étant constamment rappelé) offrir un répondant vindicatif à leur agresseur.

La dernière scène offre un merveilleux parallèle avec le début du film. En ouverture, Assuérus arrivait en roi invincible et vainqueur mais était seul au monde tandis que la conclusion le montre revenir défait par Alexandre mais bien plus heureux avec la silhouette d'Esther qui se dessine à l'horizon. Il est désormais attendu et aimé et c'est sa plus belle victoire.


Sorti en dvd zone 2 français chez Fox dans la collection Hollywood Legends

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